Cinq prévenus devaient être jugés ce vendredi pour les affrontements qui avaient agité la commune de Tsingoni début septembre. Mais faute des résultats d’une expertise ADN, ils devront encore attendre jusqu’au 13 novembre prochain pour retrouver leur liberté… ou le contraire.
Les images de voitures carbonisées et de jeunes encagoulés, barres de fer et caillasses au poing, avaient donné des airs de scènes de guerre à la commune de Tsingoni. C’était en septembre dernier, il y a à peine deux mois, quand des bandes rivales de Miréréni et Combani avaient décidé d’en découdre, mettant alors à feu et à sang ces villages du centre de l’île.
Ce vendredi, ils étaient cinq à comparaître devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Cinq lascars placés en rang d’oignon dans la petite salle d’audience climatisée. Un peu comme on les imagine devant leurs barrages de bambous et de broussailles il y a deux mois, mais les armes en moins. Et plutôt les menottes en plus pour trois d’entre eux, arrivés à l’audience flanqués d’une escorte de gendarmes. Depuis leur interpellation au lendemain des violences, les cinq prévenus font l’objet de mesures de sûreté. Deux ont été placés sous contrôle judiciaire et doivent remplir certaines obligations comme l’interdiction de se rendre à Tsingoni, ou l’obligation de pointer à la gendarmerie. Les trois autres sont en détention provisoire à Majicavo, dans l’attente de leur jugement.
Un renvoi “insupportable” pour la défense
Manque de pot pour eux, il leur faudra attendre encore un peu pour cela ! En l’absence des conclusions d’une expertise ADN, se posait la question du renvoi de l’affaire à une date ultérieure. Une pièce “fondamentale” pour permettre leur jugement, a fait valoir la substitute du procureur. “C’est insupportable ! Les trois qui sont placés en détention le sont uniquement parce qu’ils sont Comoriens. Celui-ci est élève à Kahani, et pendant ce temps, il ne va pas à l’école avec ses camarades”, s’est désolé leur avocat Maître Nizary. Côté partie civile aussi, l’on espérait se passer du renvoi. “Tous les jours, ces bandes viennent me menacer pour prendre de l’alcool, je risque même ma vie en venant ici pour témoigner”, a réagi la plaignante en se levant de son banc. Leurs arguments n’auront toutefois pas convaincu les juges, qui opteront pour une nouvelle date d’audience, le 13 novembre prochain.
Vols et attroupements
Mais la procédure ne s’arrête pas là. Mesures de sûreté obligent, les magistrats devaient aussi statuer sur le maintien, la modification ou l’annulation des restrictions imposées aux prévenus, et décidées à l’issue de leur garde à vue par le juge des libertés et de la détention, le 25 septembre dernier. C’est donc une sorte de répétition d’audience qui s’est tenue pendant plus de deux heures ce vendredi, avec pour objectif de déterminer si les faits reprochés et les personnalités des individus étaient toujours compatibles avec ces mesures de sûreté. Parmi les faits qui leur sont reprochés figurent dans le désordre au moins deux vols dans deux endroits différents de la commune, commis le 9 septembre en réunion, la participation à un attroupement avec armes, et la dégradation de biens.
“C’est quand même pas de chance”
Côté personnalité, les robes noires n’avaient pas vraiment affaire à des caïds cette fois-ci. Casiers judiciaires vides, parcours sans histoire et respect de leurs obligations judiciaires… Plutôt du genre désoeuvrés embrigadés dans un cercle vicieux de vengeance/défense de leur village contre leur rivaux de Combani. Ironie du sort, l’un d’eux, animateur sportif à l’Office municipal des sports (OMS) de Tsingoni, espérait même obtenir l’allègement de son contrôle judiciaire pour signer son nouveau contrat et lancer son association de lutte contre la délinquance. Le jeune actif avait presque son stylo à la main et un voyage associatif à La Réunion dans ses cartons, avant se faire pincer ! Un autre pointait au RSMA depuis dix mois. Et l’un des détenus, qui venait d’avoir 18 ans au moment des faits – “c’est quand même pas de chance”, glissera le président – prépare son bac. Quand on leur pose la question, les trois placés en détention tiennent tous à peu près le même discours : la vie en prison est “difficile à supporter”.
Bref, la relative insertion de la bande poussera la procureure à requérir des modifications dans leurs mesures de sûreté. Et même, à demander le placement sous contrôle judiciaire des trois détenus mais en ajoutant pour les cinq une interdiction d’entrer en contact avec la plaignante, “au vu des pressions que Madame évoquait en début d’audience”. Une clémence qui mérite d’être soulignée, alors que le parquet, représentant des intérêts de la société civile, est plutôt du genre à vouloir serrer les vis. Mais les juges ne partageront pas son analyse, cette fois-ci, et décideront du maintien en l’état des mesures de sûreté pour les cinq prévenus, jusqu’à leur prochaine audience. “Vos formations et vos contrats, vous vous en occuperez après vos audiences de jugement”, conclut le président de l’audience. Sans autre forme de procès.
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