Quelle est l’importance de la piraterie maritime dans le monde ?
Le sujet embarrasse les armateurs, les marins et les assureurs. Chacun s’accorde pourtant à reconnaître que la piraterie maritime constitue une réelle menace. « A chaque fois que je longe les côtes africaines ou que je franchis le détroit de Malacca, entre la Malaisie et l’Indonésie, je ne peux pas m’empêcher de craindre l’attaque de pirates », reconnaissait le commandant d’un porte-conteneurs, interviewé dans l’émission Thalassa sur France 3.
Attaques de navires, vols de cargaisons, prises en otage d’équipages, le nombre d’actes de piraterie a triplé entre 1994 et 2004, pour atteindre 468 attaques cette année-là, selon le Bureau maritime international (BMI). Depuis, la piraterie a semblé marquer le pas, avec « seulement » 232 agressions enregistrées par le BMI en 2006. Mais l’espoir fut de courte durée : en 2007, les mers sont redevenues des zones à risque, avec 379 attaques répertoriées contre des cargos. Une recrudescence due en grande partie à une augmentation des violences le long des côtes africaines, en particulier celles de la Somalie (voir l’article : Le retour de la flibuste africaine).
La persistance de la piraterie maritime n’a rien de surprenant. Chaque jour, près de 46 000 pétroliers, porte-conteneurs et autres méthaniers croisent sur les océans. Et 97 % des marchandises échangées d’un continent à l’autre le sont par voie maritime – soit six milliards de tonnes de fret. Or, les navires sont devenus des monstres de technologies. Même longs de deux cents mètres, ils n’ont besoin que d’une trentaine de membres d’équipage. Leur cargaison peut avoir beaucoup de valeur. Souvent, le coffre d’un bateau peut renfermer une « fortune » destinée à payer l’équipage, les taxes douanières et les droits de ports. Or ces navires évoluent lentement (40 km/h environ) et sont peu manœuvrants. De plus, l’immensité des océans rend illusoire une protection efficace par des patrouilles de police. Quant aux possibilités de se cacher, elles n’existent pas.
Il est probable que le nombre d’actes de piraterie est sous-estimé. Les armateurs préfèrent se taire plutôt que de payer des primes d’assurance déjà très élevées ; ils ne veulent pas non plus affoler les affréteurs. En outre, plainte signifie enquête, donc obligation d’immobiliser le navire alors qu’une journée à quai oscille entre 15 000 et 30 000 dollars pour un porte-conteneurs.
Quelles sont les régions les plus dangereuses ?
A l’exception des côtes européennes, nord-américaines et du Pacifique, toutes les mers du monde sont en proie, à des degrés divers, à la piraterie. En Amérique latine, les côtes du Venezuela, du Brésil, du Pérou, et toute la région des Caraïbes constituent le terrain de chasse favori des écumeurs des mers. En Asie, la partie méridionale de la mer de Chine, le canal qui mène jusqu’au port de Chittagong, au Bangladesh, et les côtes des Philippines sont les plus dangereuses. De sinistre réputation il y a peu de temps encore, le détroit de Malacca est devenu apparemment plus sûr. Les autorités malaisiennes et singapouriennes ont certes pris les grands moyens pour cela. En Afrique, ce sont les côtes somaliennes, dès le sud de la mer Rouge, et le golfe de Guinée, particulièrement le littoral du Nigeria, qui suscitent les plus grandes inquiétudes chez les marins.
A en croire Serge Roche, spécialiste des menaces criminelles contemporaines à l’université Paris II, « les côtes d’Indonésie, de Somalie, du Nigeria, ainsi que la mer de Chine méridionale, sont de très loin les régions les plus dangereuses. Les attaques peuvent avoir lieu en pleine mer comme dans les ports. La Lloyds, la célèbre compagnie d’assurance britannique, a d’ailleurs classé les eaux territoriales de Somalie zone de guerre. » Et l’universitaire de raconter l’histoire de ce cargo disparu sans laisser de traces entre l’Indonésie et la Corée du Nord, retrouvé deux ans plus tard avec un faux équipage dans le port de Shanghai après avoir changé trois fois d’immatriculation.
Malgré plus de 4 000 attaques dans les vingt dernières années, la recrudescence de la piraterie maritime n’en menace pas encore pour autant le commerce international. Si tel était le cas, des mesures plus énergiques seraient d’ailleurs déjà adoptées. Néanmoins, l’inquiétude demeure quand on sait que 62 % de la production mondiale de pétrole est transportée sur les océans. Le détroit d’Ormuz, entre le golfe Persique et celui d’Oman, n’a que 2 km de large, ce qui oblige les supertankers à réduire leur vitesse. Or, 15 millions de barils de pétrole transitent chaque jour par ce passage. Une cible rêvée pour un groupe terroriste.
Comment a évolué la piraterie maritime ces dernières années ?
Fini le temps des flibustiers hissant le drapeau noir à tête de mort, avant de jeter des grappins sur un galion, le sabre à la main, et des hurlements à la bouche. Les pirates du XXIè siècle sont équipés de fusils automatiques et de lance-roquettes, de vedettes rapides et de GPS. Ils opèrent souvent la nuit, alors que seuls cinq hommes d’équipage veillent à la navigation, dans une timonerie à peine éclairée. Ils positionnent leur embarcation vers l’arrière de leur cible et – seul point commun avec les saigneurs de la côte du passé – montent à bord à l’aide de grappins et d’échelles de corde. En quelques minutes, ils se rendent maître du navire, n’hésitant pas à abattre les marins qui résistent. « Les pirates sont de plus en plus audacieux ; ils attaquent des bâtiments toujours plus grands, et jusqu’à deux cent milles des côtes. Ils sont aussi de plus en plus violents, tuant parfois avec sadisme l’équipage », constate Pottengal Mukundan, le directeur général du BMI.
Lorsque la piraterie maritime a connu un regain, il y a une vingtaine d’années, les assaillants se contentaient de détrousser les marins surpris dans leur sommeil et de forcer le coffre du bord, avant de s’évanouir dans la nuit à bord de leur speed-boat. Ils venaient généralement de villages misérables de pêcheurs, et avaient trouvé de quoi survivre dans cette nouvelle forme de banditisme de grand chemin. Mais, comme l’expliquait Pottengal Mukundan au quotidien kényan The Daily Nation : « Année après année, ces pirates se sont organisés en bandes structurées, davantage hiérarchisées, mieux armées ; ils sont parfois membres de mafias puissantes. C’est particulièrement le cas en Asie, mais aussi aujourd’hui en Afrique orientale. Au vol de l’équipage a succédé le détournement du navire pour s’emparer de la cargaison, puis au vol du bateau lui-même, les marins étant abandonnés sur une île voire en pleine mer à bord d’une chaloupe. On assiste aujourd’hui à des prises d’otages où le bateau et l’équipage sont restitués en échange d’une rançon. »
Ainsi, le Danica White, un cargo danois, a-t-il été arraisonné le 2 juin 2007 au large des côtes somaliennes par des pirates armés de mitraillettes et de lance-roquettes. Il a fallu plus de deux mois de négociations pour que l’armateur récupère, le 22 août, le navire et les onze membres d’équipage en échange d’une rançon d’un million et demi de dollars. Quelques semaines auparavant, le China Fong Hwa, un chalutier taïwanais, avait connu la même mésaventure ; les cinq marins avaient été relâchés contre 77 000 dollars après six mois de détention. « Nous n’avons plus affaire là à des flibustiers de petit calibre, mais à un syndicat du crime puissamment organisé », se lamente Pottengal Mukundan.
Comment les navires peuvent-ils se défendre ?
Face à cette menace, équipage et armateurs sont globalement désarmés. Le Bureau maritime international recommande aux navires de passer aussi loin que possible des côtes africaines et philippines. La nuit, certains disposent sur leurs flancs des filets électriques qui envoient une puissante décharge à quiconque l’escalade. D’autres sont équipés d’alarmes sonores et lumineuses qui déstabilisent l’assaillant. Des alarmes installées en plusieurs endroits du bateau envoient discrètement un SOS à un centre de contrôle. Encore faut-il que le bâtiment se trouve à proximité d’une terre. « Nombre de ces défenses sont illusoires. Comment un navire pourrait-il s’éloigner des côtes si sa destination est un port qui, comme celui de Chittagong, est un véritable coupe-gorge ? A quoi bon lancer un SOS si aucune force ne peut intervenir à temps ? On ne peut pas se cacher en mer, et les navires de commerce sont peu manœuvrants par rapport aux vedettes rapides des pirates », souligne Serge Roche.
« Il faut agir en amont, préconise Pottengal Mukundan, que des bâtiments militaires multiplient les contrôles des embarcations, qu’ils fassent acte de présence. L’essentiel est d’empêcher les pirates de s’emparer du navire. Car une fois qu’ils sont à bord, l’équipage ne doit surtout pas résister ; il perdrait à coup sûr une bataille contre des attaquants bien armés et sans pitié. » Ainsi, la piraterie a diminué dans le détroit de Malacca, considéré il y a peu de temps encore comme le repaire de la flibuste, après l’adoption par les autorités malaisiennes et singapouriennes de l’Initiative régionale de sécurité maritime (RMSI, pour son acronyme anglais). Ce vaste plan prévoit notamment des patrouilles permanentes des marines des deux pays. Tout navire de commerce qui entre dans le détroit est également pris en charge par des radars installés à Singapour, détectant tout rapprochement suspect entre deux bateaux qui déclenche alors une intervention des forces de l’ordre. Enfin, les armées des deux pays ont déployé des unités sur plusieurs récifs du détroit, qui disposent d’hélicoptères et de speed boats afin de pouvoir intervenir à la moindre alerte.
Mais un tel dispositif n’est possible que parce que des terres se trouvent à proximité. Cette RMSI représente aussi un coût élevé, pris en charge par l’Onu, le BMI, les affréteurs et les pays limitrophes. Or, Singapour et la Malaisie sont des pays riches, aux forces de l’ordre disciplinées, qui peuvent donc contrôler leurs eaux territoriales. Ce qui n’est pas le cas partout.
Certains affréteurs font parfois escorter leurs navires. Des entreprises privées de sécurité – comme Kroll ou Maritim Risk – ont été créées à cette fin, employant d’anciens marins de la Navy britannique. Là encore, leur coût est élevé, ce qui fait que de telles escortes restent exceptionnelles. Après plusieurs attaques, les bateaux du Programme alimentaire mondial à destination de la Somalie sont désormais souvent escortés par des bâtiments des marines française ou américaine.
Existe-t-il un lien entre piraterie maritime et terrorisme ?
Rares sont les mouvements rebelles – qualifiés de terroristes par les uns, de hérauts de la libération nationale par les autres – à posséder des moyens maritimes d’envergure. Aujourd’hui, seul le mouvement séparatiste tamoul (en anglais Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE) possède plusieurs navires qui ont déjà infligé de lourdes pertes à la marine sri-lankaise. L’Organisation de libération de la Palestine avait un temps cherché à créer une flotte de combat. Sans succès. Au Nigeria, certains pirates affirment ne s’en prendre qu’aux cargos de ravitaillement des plates-formes pétrolières. Un moyen de revendiquer un meilleur partage des richesses en hydrocarbure du pays. Mais cette prétention laisse sceptique le directeur du BMI, Pottengal Mukundan : « Certains groupes armés recouvrent leur activité criminelle d’un vernis politique. Leurs revendications sont trop fluctuantes et leur appât du gain trop manifeste pour y voir un quelconque message politique. Ce ne sont que des pirates. »
A en croire la revue Foreign Affairs citant les services de renseignements américains, Al-Qaeda et les groupes qui s’en réclament possèderaient une douzaine de « bateaux fantômes », à savoir des bâtiments détournés, puis repeints, dont les certificats de navigation sont falsifiés et les équipages composés de combattants de la cause. A ce jour cependant, aucun attentat n’est venu étayer cette affirmation des services américains.
Les experts en sécurité planchent cependant sur des scénarios catastrophes où des terroristes détourneraient un navire pour le faire exploser, une fois chargé de bombes voire d’armes de destruction massive, dans un port ou un terminal pétrolier. Dans leur livre1, Solomon Kane et Francis Martin imaginent un 11-septembre maritime. Dans le détroit de Malacca, un groupe terroriste éventre un superpétrolier et un chimiquier puis pousse dans la fournaise plusieurs cargos. La marée noire et l’incendie sont impossibles à juguler en moins d’une semaine. Le trafic maritime est bloqué dans cette partie du monde ; les bourses asiatiques s’effondrent, puis par contamination, celles d’Europe et des Etats-Unis ; privées de pièces, les entreprises doivent réduire leur activité. L’attentat fait peu de victimes, mais coûte des centaines de milliards de dollars à l’économie mondiale. Il ne s’agit cependant que d’un livre, qui s’appuie sur des menaces plausibles mais encore jamais réalisées. Si les pirates sont de mieux en mieux organisés, ils grimpent toujours sur les navires avec des échelles de corde !
1. Pirates et terroristes en mer d’Asie, un maillon faible du commerce mondial. Solomon Kane et Francis Martin. Paris, éditions Autrement, 2005.
Les redoutables « Somali Marines » ont piraté le Ponant
Le Ponant, voilier de luxe français, terminait sa saison dans la zone, entre Madagascar, les Seychelles et Mayotte, et remontait en Méditerranée. Il a été intercepté vendredi 4 avril dernier au large de la Somalie, probablement par le plus puissant des groupes de pirates locaux, les « Somali Marines », et des négociations sont en cours.
Après plus de 48 heures de mer et 400 km parcourus après l’attaque, le Ponant est depuis immobilisé à quelques encablures du village de Garaad, situé dans le sud de la côte de la région autoproclamée autonome du Puntland, au nord-est de la Somalie. Ces « Marines » ont une grande expérience des négociations au long cours avec les armateurs et les propriétaires de navires, toujours via des intermédiaires, et sont capables de garder pendant des semaines leurs otages, qu’ils traitent bien, en changeant les équipes de geôliers régulièrement pour éviter qu’ils ne nouent des liens avec les prisonniers. Dans le cas du Ponant, les spécialistes prédisent une issue pacifique, avec le versement d’une somme par le propriétaire du yacht, le groupe français CGM.
Le yacht compte une trentaine de membres d’équipage, dont 22 Français et une dizaine d’Ukrainiens. « On sait juste qu’ils vont bien, qu’ils sont sains et saufs », a indiqué dimanche à l’AFP une porte-parole de l’armateur français du yacht, CMA-CGM.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a reçu cette semaine les familles des 22 Français membres de l’équipage du voilier de croisière à l’Elysée. Pour ces familles, dont celles de quatre marins bretons, l’attente se fait pesante. Et les nouvelles arrivent au compte-goutte. « La crise est susceptible de s’inscrire dans la durée, un ou deux mois selon le Quay d’Orsay ». Une équipe du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) s’est envolée dans la nuit de dimanche à lundi depuis une base de la région parisienne pour rejoindre celle de l’armée française à Djibouti.
Côté vie à bord, « selon les informations de la cellule de crise, les conditions sanitaires à bord du Ponant sont bonnes ». D’après Annick Le Loch, députée du Finistère, « seul l’armateur du bateau est en contact avec les ravisseurs, l’Etat français restant pour l’instant en soutien ». Sans doute à la grande satisfaction des familles, Annick Le Loch aurait eu la confirmation que « la voie privilégiée par les autorités françaises pour obtenir la libération de l’équipage et du bateau demeurait la négociation ».
Une organisation non gouvernementale somalienne a d’ailleurs ravitaillé le Ponant en nourriture et en eau, à la demande des pirates, ce mercredi. « Nous avons fourni de l’eau et de la nourriture dont le bateau avait besoin, et nous continuerons à leur donner ce que nous pouvons », a déclaré Mohamud Abdulkadir « John », représentant de l’ONG Somali Tribal Rights Watch (STRW) dans la région de Garaad, joint par l’AFP au téléphone de Nairobi.
« Une seule loi, celle de l’argent » raconte un ex-otage
Le Ponant est probablement aux mains du plus puissant des groupes de pirates locaux, les « Somali Marines ». Le journaliste Gwen Le Gouil a lui même été l’otage de ces pirates en décembre dernier. Ils l’avaient bien traité, préoccupés avant tout de l’échanger contre des espèces sonnantes et trébuchantes.
Gwen Le Gouil s’apprêtait à faire un reportage sur les « Somali Marines », le plus puissant des groupes de pirates locaux, quand ils l’ont pris en otage en décembre dernier. Après négociations avec les autorités françaises, il a finalement été relâché. « Ce ne sont pas des gens qui ont un sens politique très poussé. Ils n’ont qu’une seule loi, celle de l’argent » raconte Gwen Le Gouil. Le journaliste français décrit ses anciens ravisseurs comme d’anciens pêcheurs « reconvertis dans des trafics divers et variés ». « A leurs yeux, j’étais rare et j’avais de la valeur. Ils m’ont plutôt bien soigné, ils avaient peur que j’aille mal », précise encore Gwen Le Gouil qui a pu être secouru sain et sauf.
Il travaillait à bord du voilier pris par les pirates
« Ce sont plus que des collègues, c’est une famille », lâche Bruno Louis au sujet de l’équipage du Ponant, voilier qui a été pris par des pirates le 4 avril au large de la Somalie. Les quelque trente membres d’équipage, il les connaît presque tous pour avoir travaillé sur le trois-mâts en 2005. Bientôt la quarantaine, cet habitant de Cité Barkly a travaillé, ces dix-sept dernières années, comme cuisinier sur des navires autour du monde. D’ailleurs, il aurait été du dernier voyage s’il n’était pas tombé malade et n’avait pas été en convalescence… « J’aurais eu une histoire à raconter », dit-il sous le regard désapprobateur de sa femme, Patricia.
Bruno Louis nous raconte cette année passée à bord du Ponant. Il embarque aux Seychelles – le point de départ du voilier. Celui-ci fait ensuite route vers la Méditerranée pour récupérer le gros des clients. Pour rejoindre la Méditerranée sans contourner l’Afrique, il faut atteindre la Mer Rouge, mais avant, une traversée du golfe d’Aden est obligatoire. « On sait que c’est un endroit dangereux », continue Bruno Louis, précisant qu’à bord du Ponant, il a suivi, avec les autres membres d’équipage, des cours de formation sur les prises d’otages. D’ailleurs, à chaque fois que le voilier a dû traverser ce golfe, Le Ponant était escorté par un bâtiment de la marine française pour des raisons de sécurité.
Les mesures de sécurité sont alors à leur maximum
Bruno nous raconte que la traversée de ce golfe dure trois à quatre jours. Les mesures de sécurité sont alors à leur maximum. Ainsi, au lieu des deux personnes pour chaque quart, six membres d’équipage sont mobilisés. Aucune lumière n’est allumée la nuit, pour ne pas attirer l’attention. Il nous explique qu’une simple cigarette allumée peut attirer les pirates vers le bateau. De plus, toutes les femmes à bord restent dans leurs cabines. Aucun client n’est normalement présent lors de cette traversée dangereuse, nous précise Bruno Louis qui affirme que cinq hommes armés suffisent pour prendre le contrôle du bateau et des trente membres d’équipage.
« Je devais reprendre la mer sur le Ponant l’an dernier », nous affirme Bruno Louis. Il avait en effet été repris comme membre d’équipage, après avoir quitté le bateau une première fois pour revenir au pays et épouser sa fiancée, Patricia. Mais cette fois, c’est la maladie qui l’empêche de rejoindre l’équipage.
« Il écoute France Inter toute la journée », nous affirme Patricia. Inquiet, il est à l’affût de tous les journaux d’informations pour avoir des nouvelles de ses amis, otages en Somalie. La seule chose qui puisse le rassurer c’est de savoir que l’équipage est soudé et que les cours qu’ils ont suivis devraient leur permettre de faire face à la situation – il ajoute qu’aucune arme n’est permise à bord du Ponant, et qu’en cas d’attaque, il est interdit à l’équipage de se défendre.
Selon Le Monde, qui cite Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, l’équipage du Ponant serait sain et sauf. Le bateau, qui a jeté l’ancre au large de Garacad, sur la côte est de la Somalie, est constamment sous la surveillance de la marine française.
L’Express de Maurice
Somalie, repère de pirates
Les côtés somaliennes sont considérées comme une des régions les plus dangereuses pour la navigation. La Somalie est ravagée par la guerre civile depuis la chute du président Mohamed Siad Barre en 1991. Son gouvernement de transition, soutenu par l’Ethiopie, contrôle peu du pays et combat régulièrement des milices islamistes que les Etats-Unis accusent d’être liées à Al-Qaïda.
Piraterie
« Une puissante mafia des mers »
Les pirates somaliens opèrent en redoutables gangs bien organisés et armés, à partir de côtes et de ports que personne ne contrôle. Au cours des années, à la faveur de l’anarchie qui règne en Somalie depuis plus de vingt ans, de puissantes bandes de pirates se sont constituées, souvent à partir de familles de pêcheurs, qui représentent désormais un péril majeur pour la navigation dans la région.
« C’est une puissante mafia des mers », estime le Français Olivier Hallaoui, de la société de sécurité maritime Secopex. « Ce sont le plus souvent des pêcheurs reconvertis au grand banditisme, des clans, des milices locales qui se sont aperçus que c’était un business très rentable, à cause des rançons versées presque à tous les coups par les armateurs des navires détournés. Ils se sont ‘marinisés’. » « Ils ont des GPS, des moyens modernes de communication et des armes lourdes. Et surtout, ils tirent sans sommations », ajoute-t-il.
Selon lui, ils n’ont « pas que cette activité de piraterie, ils sont aussi à l’origine des trafics d’immigrants clandestins. Ils n’ont jamais été violents gratuitement avec les otages, car ce sont leur monnaie d’échange ». Olivier Halloui rappelle que leur objectif est l’argent, comme en « août 2006 où, après 4 mois de capture de 25 otages, ils ont obtenu une rançon de 2 millions de dollars ».
Avec la multiplication des actes de piratage au large de la Somalie, le Bureau international maritime, qui gère le centre anti-piraterie basé à Kuala Lumpur, recommande depuis plusieurs années de ne pas croiser à moins de 200 milles nautiques (plus de 370 km) des côtes. Mais les gangs de pirates modernes ont trouvé la parade : ils opèrent au large, explique l’Américain Michael Wall. Cet ancien officier de l’US Navy est aujourd’hui l’un des dirigeants de la société privée de sécurité maritime Tactical Solutions Partners, basée à Glen Burnie, dans le Maryland.
Ils attendent tranquillement leurs proies, puis fondent dessus. « Souvent, ils sont sur un cargo-mère, très loin des côtes, avec à bord de nombreuses barques plus petites. Ils se font passer pour des pêcheurs et attendent leurs proies », précise Michael Wall. « Ils ont des ports, des zones de mouillage contrôlées par des bandes armées où ils savent que personne n’ira jamais les déranger », ajoute Olivier Hallaoui. « Ils y planquent leurs captures et lancent les négociations. »
Depuis le début de l’année, il y aurait eu sur cette zone sept tentatives de piratage. Le 1er février, un remorqueur danois commandé par un officier britannique, en route pour l’extrême-orient russe, a ainsi été capturé dans ce secteur. Il a été gardé pendant 47 jours, jusqu’à sa libération. U ne rançon de 700.000 dollars avait été versée.
Le retour de la flibuste africaine
Les côtes de Somalie sont parmi les plus dangereuses au monde, de l’avis des marins et des armateurs. La piraterie maritime connaît dans cette région une nette hausse depuis le retour au pouvoir du gouvernement fédéral de transition à Mogadiscio. Au point de menacer l’arrivée de l’aide humanitaire du Programme alimentaire mondial à bon port.
« Zone de guerre ». L’appellation est pour le moins alarmiste, mais c’est ainsi que la Lloyds, la célèbre compagnie d’assurance britannique, a classé les côtes somaliennes. Selon le Bureau maritime international (BMI), vingt-six attaques de navires ont été perpétrées en 2007 dans cette région ; dans dix des cas, l’équipage a été enlevé puis libéré contre rançon. L’affaire la plus célèbre concerne le Danica White, un cargo danois arraisonné par des pirates le 2 juin 2007 et restitué seulement le 22 août, après que son armateur a payé 1,5 million de dollars de rançon. Il est probable que les attaques contre des navires ne sont pas toutes déclarées afin de ne pas affoler les affréteurs et de prévenir la hausse de primes d’assurance déjà élevées. L’insécurité des côtes somaliennes est l’une des principales causes de recrudescence de la piraterie maritime en 2007, selon le BMI.
Cent-onze jours aux mains de pirates
La technique des pirates est toujours la même. Armés de lance-roquettes et de mitraillettes, ils se déplacent avec des vedettes rapides équipées de GPS. Ils opèrent la nuit, lorsque l’équipage est réduit au minimum, et grimpent à bord à l’aide d’échelles de corde. Rapides, mobiles, extrêmement violents aussi, ils prennent vite le contrôle du navire, n’hésitant pas à abattre ceux qui résistent. Un autre bateau les suit, généralement un chalutier maquillé, et donc difficilement repérable, qui leur sert de base arrière. A son bord se trouvent d’autres pirates, des vivres, du fioul. C’est parfois là que sont retenus les équipages pris en otage.
Juma Vita, un chef mécanicien d’origine tanzanienne, a été détenu par des pirates somaliens pendant cent-onze jours en 2005. Il racontait ainsi sa mésaventure dans le quotidien Libération : « J’étais aux machines lorsque j’ai entendu des tirs. Personne n’avait vu les pirates arriver. Ils fonçaient sur des petits speed-boats et ont pris le contrôle de notre vraquier par l’arrière ; nous n’avons rien pu faire. Ils étaient vingt-cinq pirates à bord, et se relayaient tous les dix jours. Après quelques semaines, notre bateau a mouillé à Harardere, une localité à 400 km au nord de Mogadiscio. J’ai appris qu’il s’agissait d’un des principaux bastions de la piraterie en Somalie. Nous avions peur, faim, soif. Nous pensions que cela n’en finirait jamais et qu’ils nous tueraient tous. Après plusieurs semaines encore, le commandant et moi avons été débarqués à terre pour rencontrer un chef de guerre. Il y a eu des négociations, peut-être une rançon, je ne sais pas, mais nous avons été libérés ; c’était l’essentiel. »
Le contexte politique somalien
A en croire Pottengal Mukundan, le directeur du BMI : « Les pirates sont de mieux en mieux organisés et de plus en plus audacieux. Ainsi le Danica White a été attaqué à 240 milles des côtes, soit près de 400 km. La piraterie maritime en Somalie est devenue un secteur d’activité lucratif. Nous avons peu d’informations sur les négociations après une prise d’otages. Nous savons juste qu’elles s’effectuent en Somalie par l’intermédiaire de notables locaux. » Le retour des écumeurs des mers au large des côtes est-africaines coïncide avec la victoire du gouvernement fédéral de transition (GFT) et de ses alliés éthiopiens contre les Tribunaux islamiques. Lorsque ces derniers détenaient le pouvoir à Mogadiscio, de juin à décembre 2006, ils avaient réussi à réduire les attaques de navires en menant des raids contre les principaux points de regroupement des pirates. Ces derniers appartiendraient en majorité à l’ancienne marine de guerre, tombée en déshérence après la chute de Siad Barré en 1991, ou seraient des pêcheurs reconvertis dans le grand banditisme sous les ordres de chefs de guerre locaux. Aujourd’hui, le gouvernement légal en Somalie n’arrive pas à assurer l’ordre dans la capitale ; lutter contre la piraterie ne constitue donc pas sa priorité.
Une menace pour la sécurité alimentaire
Cette recrudescence des attaques en mer menace la livraison de l’aide humanitaire du Programme alimentaire mondial (PAM), qui transite par le port de Mogadiscio. Au point que les cargos affrétés par le PAM sont souvent escortés par des navires militaires français ou américains, ou prennent à leur bord pour les derniers milles des membres des commandos de marine. Comme l’expliquait l’un d’eux à Libération : « Nous défendons les navires, mais nous ne traquons pas les pirates. Ce n’est pas notre mission. Lorsque nous repérons un bateau suspect, nous commençons par des avertissements verbaux, puis des fumigènes, des tirs de semonce et, en ultime recours, des tirs réels. Nous sommes d’ailleurs très bien armés. » Commandant d’un aviso d’escorte, le capitaine de frégate Philippe Le Gac ajoute : « Ces actions de piraterie sont le fait d’hommes entraînés et bien organisés. Pour lutter contre ce phénomène, il faudrait avoir les moyens de patrouiller le long des 3 400 km de côtes et disposer d’unités spécialisées prêtes à intervenir immédiatement. »
De nombreux bâtiments militaires patrouillent pourtant dans la région, dans le cadre du volet maritime de l’opération Liberté immuable. Mais leur mission est de lutter contre le terrorisme, pas contre la piraterie. Au demeurant, l’attaque du Danica White avait été repérée par un navire de guerre américain qui avait même fait feu. Mais les pirates avaient réussi à échapper à sa poursuite.
Cette insécurité des eaux territoriales somaliennes inquiète évidemment les équipages et les armateurs. Et bien sûr aussi les responsables du PAM : « Notre capacité à nourrir un million de Somaliens est menacée par la piraterie ; 80 % de notre aide alimentaire est acheminée par voie maritime, or nous avons désormais du mal à trouver des navires qui acceptent de croiser dans la région. Du coup, depuis décembre dernier, nous recommençons à acheminer l’aide par voie terrestre. C’est beaucoup plus cher, mais nettement plus sûr. Les flibustiers ont peut-être une image romantique au cinéma, mais pas pour les personnes dont la survie dépend de l’aide alimentaire dans les camps de déplacés en Somalie », confiait Josette Sheeran, la directrice générale de l’agence onusienne, au quotidien sud-africain Mail & Guardian.
Les experts s’accordent à dire qu’une action internationale coordonnée est nécessaire pour prévenir les attaques des écumeurs des mers. Mais tant que la Somalie n’aura pas rebâti un Etat de droit à même de mettre en place un cadre répressif et législatif, la lutte contre la piraterie maritime restera une illusion à long terme dans cette partie du monde.
Témoignage
« Ils nous ont tout pris, sauf la vie »
Une famille de Mayotte voguant depuis la Méditerranée vers l’île sur son voilier, attaquée par des pirates au large de la Somalie. C’était en 2005, mais le souvenir est toujours vif, peut-être même trop pour les enfants. Sans entrer dans les détails, ils ont accepté d’en parler.
Amoureux de la mer, des îles et du voyage, marins, ils en ont subi les dommages collatéraux. C’était en janvier 2005. A bord de son voilier cette famille chemine de la mer Rouge vers Mayotte. Sur le trajet entre le Yémen et le Kenya, au large de la Somalie, ils sont attaqués par des pirates.
« Les pirates ont des informateurs à chaque escale qui se renseignent sur les trajets des bateaux et leur date de départ, selon la tête du client ils jugent si c’est intéressant. C’est pourquoi il faut se montrer discret lors des escales, ce que nous faisons toujours. Il faut éviter de donner trop d’indications sur sa destination, ne pas faire étalage de ses richesses, forcément attirantes pour des peuples aussi pauvres. Malgré toutes nos précautions, nous n’avons pas eu de chance. »
La mer est agitée, il remarquent le bateau des agresseurs trop tard, les voilà à bord. Des gamins, 7 ou 8 âgés de 14 à 25 ans tout au plus, « armés jusqu’aux dents, comme dans les films, très persuasifs… Nous n’avons pas bronché, obéi à tout. » L’argent, la nourriture, l’eau, le carburant, les moteurs, les installations électroniques, les vêtements… Les pirates leur ont tout pris « sauf la vie, nous les avons d’ailleurs remerciés quand ils sont repartis, environ 3 heures après ».
Restés sur la seule chose qui leur reste, leur bateau, ils voguent à la voile pendant 8 jours jusqu’à Lamu, l’île kényane. Comment ont-ils survécu sans rien ? Grâce au chien… L’imposant animal noir était installé sur une couchette, sous laquelle étaient cachés quelques réserves d’eau et de nourriture, les papiers et un peu d’argent.
Leurs jeunes agresseurs, musulmans, sont trop effrayés par le chien pour aller explorer sous la couchette, cette peur a été leur salut. Ils auront de quoi affronter les 8 jours suivants nécessaires pour arriver à Lamu, leur île d’adoption. En chemin, à leur grand étonnement, ils ne croisent aucune présence militaire, pas même à la frontière des eaux somaliennes et kenyanes.
« Si c’était à refaire, je le referai sans hésiter. C’était un voyage fabuleux, des rencontres très intéressantes avec les populations qui nous ont toujours bien accueillis, que des bons souvenirs à l’exception de l’attaque. Nous n’avons pas eu de chance, sur les trois bateaux qui empruntaient cette route, nous sommes les seuls à avoir été attaqués. » Pour ce voyageur, si l’attaque qu’il a subie est due au mauvais coup du hasard, celle du Ponant est en revanche facile à expliquer. « Il y a un comportement à avoir en mer et lors des escales, ne pas trop se montrer, ne pas sortir de liasses de billets, se vêtir décemment en territoire musulman… Un bateau de luxe comme le Ponant attire forcément les convoitises. »
Le bateau de la famille est toujours en Afrique de l’Est. Resté là bas d’abord pour cause de réparations nécessaires, il a été descendu progressivement, jusqu’au yacht club de Dar-es-Salaam, la capitale tanzanienne, Mayotte n’est pas jugée assez sûre pour y laisser son bateau.
« Si on n’habite pas sur son bateau ici, il lui faut malheureusement une surveillance constante, à moins de le mettre en Petite Terre mais ce n’est pas intéressant pour nous (ils habitent tout au nord de l’île, ndlr). Il faudrait engager quelqu’un pour être constamment dessus, d’autant qu’un phénomène nouveau est apparu ici, des bateaux ont été attaqués avec leurs occupants à bord. » La piraterie déjà présente aux Comores – les eaux territoriales d’Anjouan sont fortement déconseillées aux plaisanciers – arriverait à Mayotte. Plusieurs bateau l’ont subie, à Hagnoundrou ou dans le nord. Une situation qui risque de devenir dérangeante pour tous ces plaisanciers qui font escale dans l’île aux Parfums.
Les « tour du mondistes » qui arrivent d’Asie du Sud Est, qu’ils continuent vers la mer Rouge ou le cap de Bonne Espérance, s’arrêtent presque toujours ici, et repartent avant la saison des cyclones.
« S’ils s’en sortent, ça va encore aggraver le problème de la piraterie dans la région »
Mowliid Haji Abdi est un journaliste somalien basé au Puntland
Les actes de piraterie se sont multipliés ces quatre dernier mois. Ces bandits n’appartiennent pas à une organisation plus large (référence aux chefs de guerre locaux). Ils sont incontrôlables et ne vivent que du piratage, qui est une activité très lucrative. Les pirates sont de plus en plus forts. Ils ont des armes modernes et même des équipements GPS.
Le dernier bateau qu’ils ont attaqué leur a rapporté 450.000 euros de rançon. Mais cette affaire du Ponant est encore plus importante. S’ils s’en sortent, ça va encore aggraver le problème de la piraterie dans la région. En général, les pirates ne tuent pas, même si ça leur est déjà arrivé. Et, autant que je sache, ils ne torturent ni ne maltraitent pas non plus leurs otages.
La Jeanne d’Arc au secours du Ponant
La France a décidé de renforcer ses moyens navals au large de la Somalie, où les 32 membres d’équipage du Ponant sont retenus en otage. Selon nos informations, le transport de chalands de débarquement Siroco a appareillé mardi soir de Toulon pour rejoindre l’océan indien. Dans le même temps, le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, navigant actuellement entre Madagascar et Djibouti dans le cadre de la campagne d’application des officiers de marine, se tiendrait prêt à intervenir. Le Ponant est, quant à lui, toujours au mouillage au sud de la Somalie.
La Jeanne permettra aux autorités françaises, en cas de besoin, de s’appuyer sur une unité plus importante que l’aviso Commandant Bouan, un petit navire certes très armé, mais dépourvu d’hélicoptère et aux capacités d’hébergement limitées. Avec la Jeanne, les militaires français disposent d’une plateforme mobile embarquant des hélicoptères Aloutette III de la marine et Puma et Gazelle de l’armée de Terre. Elle est, de plus, dotée d’installations hospitalières importantes, qui permettront d’accueillir, le cas échéant et dans de bonnes conditions, les marins du Ponant.
Partie de Brest en décembre dernier pour campagne annuelle avec les élèves officiers, la Jeanne d’Arc, escortée par la frégate Georges Leygues, a d’abord croisé en Amérique du nord et en Amérique latine avant de rejoindre le continent africain. Après une escale à Mayotte lors de la visite d’Yves Jégo, le porte-hélioptères avait rejoint Madagascar fin mars avant d’amorcer son retour vers la métropole.
La mobilisation de ces moyens, très lourds, ne signifie toutefois pas qu’un assaut contre le Ponant est imminent. Le gouvernement privilégie avant tout les négociations pour éviter de mettre en danger l’équipage du Ponant. Mais les tractations pourraient durer, comme l’a expliqué ces derniers jours Bernard Kouchner, ministre des Affaires Etrangères. C’est pourquoi, la Jeanne ne pouvant rester dans le secteur très longtemps (Elle est attendue en Turquie le 27 avril), le transport de chalands de débarquement Siroco a quitté la France mardi. Ce bâtiment, doté d’un grand hôpital de 55 lits et d’une plateforme avec hangar pour quatre hélicoptères lourds, devrait arriver sur zone dans une grosse dizaine de jours. Il permettra de relever la Jeanne, au cas où le Ponant serait encore aux mains des pirates.
Histoire ou mythe ?
Le séjour à Anjouan des fondateurs de Libertalia
Misson et Caraccioli, fondateurs de la république utopique de Libertalia dans la région de Diego Suarez, auraient auparavant séjourné à Anjouan où ils auraient aidé la reine dans sa guerre contre Mohéli et rencontré les épouses qui les suivirent à Madagascar.
Une des plus célèbre légende de pirates de l’océan indien est l’histoire de la république utopique de Libertalia, fondée dans la baie de Diego Suarez par le capitaine Misson et son acolyte Caraccioli. Le récit de ces pirates et de leur société avant-gardiste démocratique ne figure que dans le traité d’un certain Charles Johnson, aujourd’hui identifié comme étant le romancier Daniel Defoe, « The general history of the pyrates », il est donc impossible d’en vérifier l’authenticité.
Le chercheur Alain Clockers a étudié le séjour à Anjouan de ces pirates mystérieux, séjour qui précède directement la fondation de Libertalia. A partir des années 1680, les pirates sont de plus en plus nombreux à croiser dans l’océan indien, attirés par les cargaisons des vaisseaux de la Compagnie des Indes orientales. Ils commencent à fréquenter les îles des Comores, pour s’approvisionner en eau et nourriture autant que pour y surprendre d’autres navires.
Il a souvent été relaté que les populations comoriennes ne représentaient pas un grand danger pour les pirates, au contraire ils faisaient avec eux du commerce et ont sollicité plusieurs fois leur aide dans leurs guerres locales. A l’époque, la petite île de Mohéli cherchait depuis longtemps à se défaire de la suzeraineté d’Anjouan, entraînant de nombreux conflits. C’est à l’un d’eux qu’aurait pris part l’équipage de Misson. Arrivés sur l’île en 1693, ils y font la connaissance de la reine Halima 1ère qui sollicite leur aide pour mater les Mohéliens.
Les Libertaliens : des métis anjouanais
« L’affaire commence par une tentative de débarquement des Mohéliens sur la côte ouest d’Anjouan. Caraccioli avec ses acolytes et quelques guerriers anjouanais repoussèrent les Mohéliens après un combat meurtrier : de nombreux cadavres jonchèrent rapidement les lieux de débarquement. De son côté, Misson et sa flotte attendirent au large les rescapés en fuite et leur barrèrent la route du retour. Une centaine de fugitifs furent faits prisonniers et renvoyés à Mohéli porteurs d’un message de paix : ce message fut accueilli avec mépris par le sultan qui répondit n’avoir pas de conseils à recevoir pour faire la paix ou la guerre.
Devant une telle arrogance, la réaction anjouanaise et celle de Misson ne pouvaient tarder. Avec son vaisseau le Provençal, ce dernier prit la tête d’une expédition punitive vers Mohéli. Une fois débarqués, les pirates accompagnés d’Anjouanais se livrèrent au pillage et au saccage de l’île, face à environ 700 Mohéliens armés de sagaies et de flèches qui n’eurent que peu d’effets contre les fusils des pirates. Opération de pillage peu fructueuse, suivie plus tard d’une seconde expédition que les acolytes de Misson espéraient plus rentable. En vain. »
Cependant si l’expédition fut peu rentable, elle le fut d’une autre façon. « Certains d’entre eux avaient découvert d’autres « trésors » à Anjouan. Quelques relations matrimoniales s’y étaient en effet nouées. Misson et Caraccioli avaient épousé des princesses. Quant à l’équipage, certains de ses membres ne s’étaient pas privés de prendre femme. »
La population d’Anjouan aurait ainsi été partie prenante dans la fondation de Libertalia, les femmes ayant toutes choisi de suivre les pirates à Madagascar. « Cette base arrière pour leurs opérations de piraterie verra naître ainsi les enfants de ces liaisons « tendres » d’Anjouanaises et de pirates européens. Certaines Malgaches partagèrent le même « sort » pour donner naissance à des enfants qui constitueront ce que les habitants de la Grande Ile appelleront les « Zana Malata » : les « mulâtres » (métis). Ce sont ces derniers qui renversèrent la république utopique, obligeant Misson et les autres à fuir… Clockers conclue son étude en précisant qu’à Mayotte et Madagascar, « les aventures de Misson ont marqué les mémoires et stimulé les imaginations de quelques uns qui n’hésitent pas à se présenter eux-mêmes comme issus de l’aventure libertalienne. »
Hélène Ferkatadji
Source : « La piraterie dans les eaux comoriennes au XVIIe siècle », Alain Clockers
Le trésor de La Buse n’a toujours pas été trouvé
Olivier Levasseur plus connu sous le nom de « La Buse », surnommé ainsi en raison de sa rapidité à fondre sur sa proie, était un authentique pirate. Son trésor était constitué de perles, diamants, or et vaisselles d’argent… Un vrai pirate pendu haut et court, avec des messages codés, des grottes et une île mystérieuse, des plans ou foisonnent des cachettes !
La Buse, pirate célèbre, écuma l’océan indien au début du 18ème siècle. Il aurait caché un trésor estimé aujourd’hui à 4,5 milliards d’euros quelque part à la Réunion. Aujourd’hui encore, des chercheurs et des scientifiques se lancent à la recherche de ce trésor précieusement conservé depuis plus de 280 ans.
Olivier Levasseur est né à Calais à la fin du XVIIè siècle. En 1721, La Buse est associé au pirate anglais Taylor. Ils se sont emparés au mois d’avril du riche vaisseau portugais de 72 canon La Vierge du Cap qui avait cherché refuge contre les tempêtes dans le port de Saint-Denis (île Bourbon).
A bord du vaisseau se trouvaient le comte Ericeira, vice-roi des Indes et l’archevêque de Goa. La Buse n’exigea pas de rançon du vice-roi, mais fit main basse sur les objets d’inestimables valeurs : rivières de diamants, bijoux, perles, barres d’or et d’argent, meubles, tissus, vases sacrés et cassettes de pierres précieuses, et la crosse d’or de Goa constellée de rubis pesant une centaine de kilos, le tout évalué à 4,5 milliards d’euros.
La Vierge du Cap, radoubée et remise à neuf, devint le vaisseau de La Buse et prit le nom de Le Victorieux. Mais l’année d’après, Duguay-Trouin et le commodore anglais Matthews vinrent se chercher querelle dans les parages. La Buse et Taylor se sont méfiés et ont préféré prendre « le large ». Taylor s’enfuit aux Antilles et La Buse se retira à l’île Sainte-Marie près de la côte de Madagascar. Il prit sa retraite, car la piraterie n’était plus possible avec aux trousses un gaillard de la trempe de Duguay-Trouin, dont le pavillon flottait glorieusement de l’Equateur au cap de Bonne-Espérance.
La plupart des écumeurs des mers cessèrent également toute activité et devinrent d’assez paisibles citoyens en profitant de la Charte de clémence offerte par le roi de France. Leurs bateaux pourrirent dans les anses et la piraterie disparut. Presque seul, La Buse temporisa avant d’accepter la Charte, restitua les vases sacrés, mais ne put se résoudre à rendre le butin de La Vierge du Cap, condition de la clémence.
Il est certain qu’il cacha son trésor… mais où ? On a avancé le nom de 6 îles : Maurice, La Réunion, Frigate, Mahé, Rodrigues, Sainte-Marie. Dans tous les cas, c’est à Sainte-Marie que vivait Levasseur, en situation irrégulière mais sans grand danger immédiat… parlant de soumission sans se hâter de conclure. Vers 1729, exerçant le métier de pilote dans la baie d’Antongil (Madagascar), il offrit des services au vaisseau La Méduse, de la Compagnie des Indes, qui voulait entrer dans le port.
Le capitaine d’Hermitte, commandant de bord, le reconnut, et se souvenant que le pirate avait maintes fois arraisonné des navires de sa compagnie, il l’arrêta. Le 7 juillet 1730, La Buse était condamné à mort à 17h. Quand il monta sur l’échafaud pour expier ses crimes de pirate, Olivier Levasseur, dit La Buse, lança dans la foule un cryptogramme et s’écria :
– « Mes trésors à qui saura comprendre ! »
Voici donc La Buse pendu, le cryptogramme lancé dans la foule, et le trésor caché offert aux plus malins.
Voir les sites : pirates-corsaires.com/levasseur-la-buse.htm et http:/ybphoto.free.fr/piste_la_buse_yb_1.html (pour les amateurs de chasse aux trésors)
Définitions
Le pirate (du grec « peiratès » qui signifie initialement « celui qui entreprend », « celui qui tente fortune ») agit pour son propre compte. C’est un hors-la-loi qui parcours les mers et qui pille, viole et bien souvent tue sans distinction de nationalité. S’il est pris, on le pend haut et court.
Haut pour que tout le monde le voit, et court pour économiser de la corde !
Le corsaire (de l’anglo-saxon « privateers ») lui, agit sur lettre de marque délivrée au nom du roi (bien souvent, ce dernier n’était pas averti). Ce papier est un document par lequel un pays le reconnaît comme force militaire auxiliaire. Les corsaires agissent au service de leur pays. S’il est capturé, il exhibe ses lettres de marques, ce qui lui évite la corde. Mais quelques corsaires peu scrupuleux profitaient de ce papier officiel pour piller et tuer les marchands comme les pirates.
La piraterie est vieille comme le monde et existe toujours, tandis que les corsaires ont sévit durant trois siècles (du XVIè au XIXè siècle).
Le flibustier (ou « frère de la côte », du néerlandais « vrijbuiter ») est un corsaire des Antilles qui va sus à l’Espagnol aux XVIIè et XVIIIè siècle. Le mot apparaît à la fin du XVIIè siècle (Furetière, 1690), mais il est usité depuis Dutertre en 1667. Ce mot se traduit par « freebooter » en anglais ; le sens littéral signifie « libre butineur ».
Le boucanier (dérivé du Caraïbe « boucan ») est à l’origine des chasseurs d’animaux sauvages. Il traite la viande par un procédé de fumage appelé boucanage appris des Indiens Arawak, et fait du commerce avec les peaux. A l’origine, les boucaniers occupent des terres sur l’île d’Hispaniola qui appartient à l’Espagne (aujourd’hui Haïti et la République Dominicaine). La raréfaction du gibier dans les îles ainsi que la tentative des espagnols d’évincer les boucaniers, leur font rejoindre la flibuste.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.