Vendredi matin, le comité de pilotage sur le projet d’évolution du trafic aérien à Mayotte s’est réuni à l’hémicycle du Département. Trois études de faisabilité ont rythmé ce rendez-vous : les freins et axes d’amélioration de la desserte aérienne, la création d’un hub aérien en relation avec le projet gazier au Mozambique et l’opportunité d’une nouvelle compagnie aérienne. Focus sur la présentation de ce troisième et dernier lot, dont la décision finale du conseil départemental doit intervenir d’ici deux ou trois mois.
Entre le flop de l’ex futur projet d’AB Travel and Tour SAS il y a un an et le retour de Corsair prévu en décembre, la population scrute le ciel mahorais avec une attention toute particulière ces derniers mois. Un sujet sous haute tension qui tient en haleine une bonne partie des habitants, frustrés des tarifications pratiquées, notamment par Air Austral, dont le monopole n’est plus à présenter. Alors pour faire baisser les factures beaucoup trop salées, le conseil départemental réfléchit à prendre enfin son envol et à s’investir dans ce champ de compétence. « Nous nous posions cette question : l’aérien est un domaine réservé à l’État, qu’est-ce que nous allons y faire ? », s’interroge Zoubair Alonzo, le directeur de la chambre de commerce et d’industrie. « Et en poussant l’étude, nous nous sommes rendus compte que le Département pouvait réellement être acteur de son désenclavement. Des schémas juridiques existent pour qu’il agisse en faveur des Mahorais. »
C’est tout le travail présenté vendredi dernier au sein de l’hémicycle Younoussa Bamana par ARDH et les membres de son groupement. Deux scenarii sortent du lot : créer une nouvelle compagnie aérienne avec le soutien d’investisseurs privés ou entrer dans le capital d’une compagnie déjà existante, en l’occurrence Ewa Air. Mais à l’heure actuelle, plusieurs zones d’ombre subsistent toujours. « Ce n’est pas encore le moment de trancher. » La collectivité doit d’abord prendre le pouls auprès des actionnaires pour savoir ce qu’ils sont prêts à rétrocéder. Le démarrage des négociations est d’ailleurs imminent… La peur de voir ces options s’éterniser gagne immédiatement du terrain dans toutes les têtes de l’assemblée. Une théorie balayée d’un revers de la main par Zoubair Alonzo qui apporte des garanties « politiques » . « Le Département se donne deux ou trois mois pour faire son choix. La décision sera prise par la majorité actuelle », assure-t-il pour tenter de rassurer les plus sceptiques, avec en tête de liste l’association d’usagers des transports aériens de Mayotte.
6.5 millions d’euros pour une nouvelle compagnie
Si la réflexion s’arrête sur la création d’une nouvelle compagnie aérienne, il faudra toutefois prendre son mal en patience. « Nous nous basons sur un délai allant de 12 à 14 mois pour procéder à toutes les formalités juridiques, la capitalisation et le certificat de transporteur aérien. » Quid alors du nerf de la guerre, c’est-à-dire l’aspect financier ? De ce côté-là, le conseil départemental table déjà sur une enveloppe de 6.5 millions d’euros d’ici 2025, en cas de lancement en 2021. « Ce n’est pas un budget pharaonique quand nous connaissons la problématique de l’aérien à Mayotte », tempère Zoubair Alonzo. Pour Ewa Air, la donne est sensiblement différente car les comptes sont à l’équilibre. « Le risque serait assez bien maîtrisé, voire circonscrit, en la situation actuelle. »
Très bien, mais concrètement à quoi faut-il s’attendre en cas d’avancées majeures ? « L’étude réalisée affiche un tarif maximal de 400 euros en haute saison pour un voyage entre Mayotte et La Réunion », rassure le directeur de la CCI. Toutefois, pas question d’avoir la folie des grandeurs et d’imaginer voyager aux quatre coins du monde. La priorité serait le renforcement de l’activité régionale par l’exploitation de vols vers Saint-Denis et vers Saint-Pierre Pierrefonds en combinaison avec Maurice et Tananarive, ce qui représenterait plus de 200.000 voyageurs par an. Tout du moins, sur le court terme, en attendant d’autres destinations plus exotiques… « En ce qui concerne l’Afrique, il faudra du temps pour négocier les autorisations de vol. » Idem pour l’Arabie Saoudite, lieu prisé par les pèlerins mahorais, qui se rendent à la Mecque chaque année. Par contre, les dessertes vers Jakarta, Singapour et Bangkok, un temps envisagées en raison des milliers de travailleurs asiatiques qui seront mobilisés pour le projet gazier au Mozambique, ne sont plus que de l’histoire ancienne. Quoi qu’il en soit, Mayotte n’a jamais été aussi proche de chambouler la concurrence aérienne qui la ronge depuis bien trop longtemps.
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