Après K2 et Dembéni, c’est au tour du collège de Dzaoudzi-Labattoir d’accueillir un dispositif “classe défense et sécurité globale”, grâce à un nouveau partenariat entre le rectorat et les Fazsoi, les forces armées de la zone sud de l’océan Indien. Sept élèves de troisième ont déjà été sélectionnés pour participer à ce projet pédagogique, censé renforcer le lien armée-Nation.
Derrière les grilles qui encerclent le collège de Bouéni M’Titi en Petite-Terre, il y a d’un côté le quartier de La Vigie, de l’autre Cetam. Tout un symbole alors que s’ouvre la troisième classe défense de Mayotte, en pleine période d’hypertension sécuritaire dans le 101ème département. Car si les violences se concentrent ces temps-ci sur Koungou et Miréréni/Combani, la Petite-Terre n’est pas épargnée pour autant. “Nous avons eu ici trois homicides”, introduit le maire de Dzaoudzi-Labattoir Said Omar Oili en référence aux affrontements meurtriers entre les deux quartiers les plus pauvres de la commune, en janvier dernier. Avant de dérouler un pamphlet contre la “petite politique politicienne”, et d’en appeler à la “solidarité”, valeur de notre République “que l’on a tendance à oublier à Mayotte”. “Le préambule de la Constitution dit que les hommes – pas les hommes blancs, les hommes noirs, les Comoriens – naissent libres et égaux en droit”, insiste-t-il. Comme en campagne !
Le cible de ces beaux discours ? Les “citoyens en devenir” que constitue le petit groupe de sept élèves de troisième de la nouvelle classe défense de Mayotte. Après Dembéni et K2, c’est en effet au tour du collège Bouéni M’Titi d’intégrer ce dispositif issu du plan égalité des chances du ministère des Armées, et qui met en œuvre un projet pédagogique et éducatif interdisciplinaire, en lien avec la défense et la sécurité. Objectif : favoriser les ponts armées-Nation-jeunesse, renforcer l’enseignement de défense et participer à la lutte contre le décrochage scolaire. Pour cette troisième classe défense, le rectorat a signé un nouveau partenariat avec les Fazsoi (forces armées de la zone sud de l’océan Indien), ce vendredi, en présence du principal de l’établissement, du maire de Dzaoudzi-Labattoir, des militaires, des enseignants et des élèves sélectionnés.
“Les guerres intervillages n’ont pas leur place sur un bateau”
“Tous les Fazsoi contribuent à cette action pour essayer de maintenir ce lien armée/Nation, primordial après la disparition du service militaire, qui avait cette particularité de brasser socialement toute une classe d’âge, et de permettre de comprendre les valeurs de la République”, souligne le capitaine Patrick Musique, commandant de la base navale de Mayotte, un brin nostalgique. “Quand on vit 24h/24 sur un bateau avec des gens qui viennent d’horizons différents – c’est un état d’esprit qui doit être mené à Mayotte – les guerres intervillages n’ont pas leur place”, ajoute le représentant de l’institut des hautes études de défense nationale. Une action qui trouve du sens à Mayotte, département non seulement éloigné et isolé du reste du territoire national, mais aussi et surtout en proie à une délinquance juvénile qui cible souvent les forces de l’ordre et les représentations de l’État. “On veut développer ce dispositif pour continuer le lien entre l’école et les forces de l’ordre, les forces de sécurité, l’armée ; et pour briser cette image de l’Éducation nationale d’un côté, les forces armées, la gendarmerie, la police de l’autre”, développe le recteur Gilles Halbout.
Des élèves en décrochage
Mais derrière cette nouvelle classe défense, il y a surtout l’engagement des enseignants pour leurs élèves, triés sur le volet. La sélection, qui doit répondre aux critères de l’armée – la situation administrative entre en comptes notamment – et ceux de l’académie, se base aussi sur le volontariat et la motivation. “Il y en a deux par exemple qui veulent être gendarmes”, présente Mme Cordier, la professeure principale de cette classe parcours de troisième. “Ce sont des élèves que je connais bien, je les ai eus en classe, je les suis depuis longtemps”, poursuit-elle. “L’idée, c’est de choisir des élèves qui ont des difficultés, parfois en décrochage scolaire… bon, sur les classes parcours, c’est déjà le profil et ils sont 27 pas que sept.” Ces origines sociales précaires “ne leur donnent pas les mêmes chances que tout le monde au départ”, et les éloignent d’autant plus des valeurs de la République. “C’est très abstrait pour eux, ils les connaissent, “liberté, égalité, fraternité”, la Marseillaise, etc. Mais ils ne savent pas ce qu’il y a derrière”, analyse l’enseignante d’Histoire.
Avec cette nouvelle option, le petit groupe va suivre le programme scolaire classique tout en bénéficiant d’activités supplémentaires, une fois par mois, en lien avec les Fazsoi, pour les “accoutumer aux missions de la Marine” : enseignement, matelotage, participation en mer aux activités antipollution ou encore aux cérémonies dans l’espace public se glisseront ainsi dans leur agenda. Avec l’espoir qu’à leur retour en classe, ces happy few se chargent de transmettre à leur tour à leurs camarades les valeurs de discipline et d’exemplarité ainsi acquises.