Ces deux dernières semaines, les murs du collège de M’gombani, à Mamoudzou, se sont remplis de formes abstraites tracées au pinceau. Un coup de l’artiste Homek, venu depuis l’Hexagone jusqu’à Mamoudzou pour initier les collégiens au street-art.
À défaut de pouvoir emmener les élèves au musée, Charlotte Trimaille a fait venir directement et l’œuvre, et l’artiste, au collège de M’gombani (Mamoudzou), où elle enseigne les arts plastiques. « Fréquenter des œuvres et des artistes fait partie des piliers de l’éducation artistique et culturelle. À Mayotte, c’est compliqué. On ne peut pas organiser une sortie dans un musée d’art, car ça voudrait dire prendre des billets d’avion pour l’ensemble des élèves. Alors que faire venir l’artiste aux élèves, c’est possible », explique la professeure. La preuve en est : le graffeur normand Homek est venu filer un coup de pinceau à ceux de l’établissement mahorais. « Je suis ici pour faire découvrir l’art urbain et ma démarche artistique aux élèves. J’adore voyager et partager ce que je sais faire avec les gens du monde entier. Et je ne regrette pas, les jeunes qui participent sont adorables », décrit Renaud Reine, de son vrai nom, qui a pu fouler le sol mahorais grâce à la part collective du Pass Culture.
Depuis le mercredi 10 avril, des fresques abstraites poussent sur les parois du collège entre 7h et 12h, grâce au travail appliqué d’Homek et des six élèves qu’il supervise. Ce vendredi 12 avril, c’est un des escaliers extérieurs qui prend des couleurs. « On a fini le remplissage et là on s’attaque aux motifs », annonce le street-artist, qui va et vient entre la fresque et un repère placé à plusieurs mètres, pour s’assurer que l’anamorphose prenne vie. Cet effet pictural consiste à représenter une forme qui n’est visible que d’un seul point de vue. Là, au repère, les courbes peintes sur les différentes parois de l’escalier s’alignent.
Un style graphique rare à Mayotte, qu’Homek a voulu développer le temps de son séjour en dehors de l’enceinte du collège, directement dans la rue, en collaborant avec d’autres street-artists comme Papajan.
« L’occasion de se révéler autrement »
« Le groupe d’élèves présents a travaillé avec l’artiste depuis le début. Ils voient comment on part d’un projet sur Procreate (application d’édition graphique, N.D.L.R) pour arriver à une fresque qui existe réellement », détaille Charlotte Trimaille, qui se félicite de l’intérêt pédagogique du projet. Et elle n’est pas la seule. La principale du collège, Johanne Thefaine, salue également la portée de cet atelier qui s’étale sur plusieurs demi-journées : « C’est bien d’ouvrir le collège sur l’extérieur et les pratiques culturelles. C’est l’occasion pour les élèves de se révéler autrement que sur l’apprentissage classique, d’exprimer leur créativité et qui ils sont ».
Les 4e et 3e qui peignent la fresque ne dissimulent pas leur enthousiasme. « Ça donne de la vie au collège. Là, comme ça, c’est beau, on voit bien la fresque, c’est de l’art ! On est fiers de nous », se félicite un des élèves après avoir passé des coups de rouleau toute la matinée sur les murs. « Et moi je suis fier d’eux », commente Homek, en l’entendant. Ce dernier, présent deux semaines sur le territoire, a également animé des ateliers de rencontre pour parler de son métier à différentes classes ou encore d’autres pour apprendre aux élèves à fabriquer des outils originaux pour pouvoir peindre. Car l’artiste aime fabriquer ses propres outils, adaptés aux motifs : des pinceaux accolés les uns aux autres pour en former un plus large, ou encore un autre au manche rallongé grâce à une tige en carton.
Homek a été particulièrement surpris par l’investissement des adolescents. « Certains restaient après le temps prévu pour m’aider à faire des peintures en plus, alors qu’ils auraient pu partir jouer le mercredi après-midi », souligne-t-il. À la fin, ce sont différentes œuvres qui se cachent plus ou moins discrètement dans les recoins du collège, comme des surprises laissées par l’artiste et son groupe d’apprentis à l’ensemble des élèves.
Une collaboration réussie et qui pourrait s’installer dans la durée. En effet, Homek compte bien revenir sur le sol mahorais l’année prochaine pour développer d’autres projets.
« Je n’avais jamais fait de peinture, mais j’aimerais continuer »
Le vernissage de ces deux semaines de travail s’est tenu ce vendredi. Le personnel de l’établissement, ainsi que le recteur de Mayotte, Jacques Mikulovic, ou encore le délégué de région académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle, Aurélien Dupouey-Delezay, ont pu admirer les efforts accomplis par les élèves et Homek. Le recteur a adressé ses compliments aux adolescents, soulignant l’importance des projets culturels comme celui-ci, parfois délaissés au profit des savoirs fondamentaux, alors que la culture permet « de trouver ses propres chemins d’expression » face à l’attrait que l’homme peut avoir à suivre le groupe. « Osez vous exprimer. Ce que vous avez réalisé est une manifestation de la confiance en soi, j’espère que vous allez continuer », adresse-t-il aux élèves.
Et c’est fort possible. Aina, une des artistes en herbe, s’est vêtue exprès d’une tenue colorée aux formes géométriques, pour être raccord avec son travail. “J’ai voulu exprimer qu’il n’y a pas que les hommes qui peuvent faire de la peinture, mais aussi les femmes. Je n’avais jamais fait de peinture, mais j’aimerais continuer », déclare la collégienne en portant également la parole de ses deux amies, Naslati et Marie.