Une rénovation s’impose au sein de l’enseignement supérieur à Mayotte

Pendant la crise sanitaire, le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte s’est heurté aux situations précaires dans lesquelles se trouve un grand nombre des étudiants mahorais. Sans ordinateur ni d’accès à internet, il est difficile d’assurer une continuité pédagogique. Ce constat mène le directeur du centre, Aurélien Siri, à repenser tout le système de formation.

Flash Infos : Est-ce que le CUFR de Mayotte a contribué d’une manière ou d’une autre à la gestion de la crise ?

Aurélien Siri : L’une de nos actions a été le don de masques, de gel et de gants à l’ARS Mayotte. Ce sont des produits qu’on avait dans nos laboratoires de recherche. Cependant, nos actions ont surtout été ciblées pour nos étudiants. Ils sont souvent dans des situations précaires socialement et numériquement. On a alors mis en place un soutien financier. Une commission a accordé une aide spécifique d’urgence à ceux qui en avaient besoin et qui nous ont sollicités. D’autres étudiants nous ont appelés pour des besoins alimentaires, nous les avons orientés vers La Croix Rouge. Nous avons également mis en place un soutien psychologique avec l’assistante sociale et l’infirmière grâce à une permanence téléphonique.

FI : La crise sanitaire a-t-elle révélé des failles dans le fonctionnement du centre universitaire ?

A. S. : Malheureusement, beaucoup de nos étudiants ne sont pas équipés. Ils n’ont pas accès à internet et ils n’ont pas d’ordinateur. La difficulté a été d’arriver à toucher ces étudiants à distance en leur apportant les cours. Dans une réflexion que l’on doit avoir sur les mois à venir, il faut penser davantage à avoir des moyens pour que tous les étudiants puissent travailler à distance même s’ils sont dans des situations défavorisées. On va travailler avec le rectorat, le conseil départemental, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour qu’on ait des moyens supplémentaires afin d’équiper les étudiants dès qu’ils inscrivent chez nous. On identifiera dès le départ les étudiants qui sont en difficulté sociale et financière pour que l’on puisse apporter le prêt d’un ordinateur le temps de leur scolarité chez nous.

FI : Dans la tribune que vous avez co-signé, vous insistez sur le fait de repenser l’enseignement supérieur. De quelle manière faudrait-il appliquer cela au CUFR de Mayotte ?

A. S. : La tribune incite à repenser la formation de l’enseignement supérieur, mais on ne parle pas des matières. À la rentrée, il faudrait prévoir plus d’enseignements en ligne, plus d’outils numériques, plus de classes virtuelles. C’est-à-dire une hybridation de la formation. Nous devons également prévoir des initiatives de pédagogie numérique avec de la captation de vidéo. Aujourd’hui, l’amphithéâtre bondé n’est peut-être plus la meilleure solution compte tenu de l’épidémie. On pourrait plutôt filmer les cours et les mettre en ligne. Cela sera très bénéfique pour les étudiants, car ils perdent beaucoup de temps dans les transports scolaires et ils sont fatigués.

La tribune invite aussi à mieux considérer les petits établissements qui apportent une valeur ajoutée très forte à leurs territoires, à l’image du CUFR de chez nous. Ce type d’établissements sont importants au développement du territoire.

FI : Comment envisagez-vous la fin de l’année universitaire ainsi que la prochaine rentrée ?

A. S. : Il n’y a plus de cours jusqu’à la rentrée, mais l’établissement reste ouvert pour certaines activités qui ne peuvent pas être pratiquées à distance (activités de recherche, entretien des locaux). On rouvrira aussi pour les inscriptions, nous sommes en train de réfléchir à une organisation. Le CUFR n’a jamais procédé à l’inscription en ligne, mais si on peut le faire on le fera et on aimerait le mettre en place pour les années à venir. Concernant la prochaine année universitaire, on démarrera les cours en présentiel en août et on fera passer les rattrapages en août également en présentiel. En temps normal, cela se fait au mois de juin. Il est important que les rattrapages se fassent en présentiel afin que tous ceux qui n’ont pas pu composer à distance puissent le faire. La crise a entrainé un assouplissement des modalités d’évaluation des étudiants. Cela veut dire qu’on est en droit de remplacer les devoirs sur table par un devoir maison ou le contrôle continu. Cet assouplissement s’est fait en collaboration avec les universités partenaires de l’hexagone et de La Réunion.

FI : N’avez-vous pas peur que cela favorise le discours qui affirme que le niveau des étudiants mahorais n’est pas assez élevé ?

A. S. : Non parce que pendant la crise de 2018, l’établissement était fermé pendant 45 jours, on avait peur qu’à la fin de l’année les résultats des étudiants soient très mauvais, mais finalement le taux d’échec n’était pas très élevé. Il l’était un peu plus que les autres années, mais pas tant que ça. Les étudiants qui sont en deuxième et troisième année et en master ont un niveau suffisant, ils ont un équipement suffisant, ils savent travailler en autonomie, et ils arrivent à s’en sortir. La plus grande difficulté vient des étudiants de première année qui ont besoin d’être plus encadrés et ils sont moins équipés. Donc à mon avis il n’y aura pas de gros écart entre le taux de réussite de l’année dernière et celui de cette année. Et nos étudiants sont traités exactement de la même manière que les étudiants des universités partenaires. Il est important de préciser qu’à Mayotte, l’année universitaire commence plus tôt. Quand on a fermé les établissements en mars, il ne restait plus qu’aux étudiants un mois de cours à Mayotte. Donc l’impact de la crise est moindre parce qu’il y avait eu beaucoup d’enseignements qui avaient été réalisés.

FI : En terme d’équipement êtes-vous prêts à accueillir les étudiants et le personnel tout en respectant les mesures d’hygiène ?

A. S. : Nous avons fait une grosse commande de gel, de gants et de masques pour 30.000 euros. L’objectif est d’équiper le personnel et les étudiants qui n’auront pas de masques. Tout cela est un budget qui n’était pas prévu, il va falloir que le ministère nous accompagne pour prendre en charge ces dépenses supplémentaires. Pour l’instant, nous avons puisé dans le budget de l’établissement, mais on a un budget total de 2 millions d’euros donc 30.000 euros c’est beaucoup pour nous, surtout s’il faut commander une nouvelle fois.

 

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