Le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) a présenté hier une étude lancée en 2015 portant sur le système éducatif du 101ème département français et intitulée : “L’école de la République à Mayotte, une exigence d’égalité”. Et les chiffres rapportés par le document sont sans appel.
Un tiers des plus de 15 ans jamais scolarisés ; 74 % de taux de réussite au baccalauréat à Mayotte contre 93 % en Guyane ou à La Réunion ; 85 % des élèves originaires du 101ème département qui échouent en première année d’études supérieures contre une moyenne nationale à 54 % ; 74 % des jeunes Mahorais qui connaissent des difficultés de lecture… Le constat que dresse l’étude menée depuis 2015 par le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) “après 30 ans d’une politique éducative consacrée au “rattrapage”” et présentée hier au Conseil départemental fait froid dans le dos. Si le CESEM reconnaît que les investissements de l’État pour l’éducation à Mayotte sont en progression constante (117 millions d’euros en 2003 contre 337 millions d’euros en 2015), la jeune institution remarque que les dépenses publiques par élève à Mayotte sont largement inférieures à la moyenne nationale (en 2015, l’État investissait en moyenne 7760 euros par élève en France et seulement 4132 euros par élève mahorais). Et malgré ces investissements, le retard dans le domaine de l’éducation reste considérable à Mayotte. Selon le président du CESEM, A bdou Soimadou Dahalani, “Mayotte cumule encore beaucoup de handicaps et appelle à des mesures exceptionnelles”. Pour le CESEM, ce retard est essentiellement imputable à trois causes : des établissements en nombre insuffisant et aux équipements inadaptés, un manque de formation des enseignants et des élèves fatigués et insuffisamment nourris.
9 propositions pour refonder l’éducation
Au-delà du constat, hélas bien connu, le CESEM établit 9 préconisations générales dans son rapport afin de garantir aux élèves du territoire les mêmes chances de réussite que n’importe quel autre élève de France. Ainsi, le CESEM propose d’abandonner le système éducatif particulier de Mayotte en transformant le vice-rectorat en rectorat de plein exercice dirigé par un recteur (chancelier des universités et non par un inspecteur pédagogique régional), en dotant les établissements en équipements aussi exceptionnels que la démographie scolaire est en pleine progression pour atteindre les objectifs une division / une classe / un maître ou encore en rectifiant les rotations et les rythmes scolaires. Autre proposition : améliorer les conditions d’accueil dans les établissements. Pour ce faire, le CESEM conseille de décliner un plan de rattrapage et de rénovation des équipements éducatifs financé par un emprunt de l’État auprès de la Banque européenne d’investissement et remboursé par la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires. Il préconise également de mettre en oeuvre une véritable restauration scolaire pour l’ensemble des élèves et de créer autant d’internats que de collèges et lycées professionnels (26 sur le territoire) en s’inscrivant dans le référentiel national “L’internat de la réussite pour tous”. En outre, sur ce volet, le CESEM met en avant la nécessité de préscolariser de manière obligatoire tous les enfants dès 3 ans afin de résorber les difficultés des élèves en amont et de renforcer les dispositifs d’accueil des nouveaux arrivants tels le CASNAV (Centre Académique pour la Scolarisation des Nouveaux Arrivants et des Voyageurs). Autre préoccupation de la jeune institution, l’urgence qu’il y a à favoriser la venue de professionnels certifiés à court terme pour accompagner la professionnalisation d’enseignants locaux. Pour cela, il paraît important au CESEM de renforcer la formation continue des titulaires et d’accompagner en formation initiale les contractuels, de créer sur l’île une école supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) autonome, de décliner à Mayotte un dispositif “cadre avenir” propre à l’Éducation nationale et de dispenser à tous les enseignants du territoire en amont de l’année scolaire une initiation aux principales langues vernaculaires et aux cultures de Mayotte.
Développer l’enseignement privé musulman
La famille étant partie prenante de l’éducation des enfants, le CESEM préconise de les intégrer au processus en formant par exemple chaque année des parents élus délégués ou en proposant un système de tutorat des élèves par des parents volontaires. Si le CESEM souhaite abandonner le système éducatif particulier à Mayotte, il désire toutefois adapter la pédagogie aux spécificités du territoire et suggère pour cela de développer les compétences “lireécrire” dans le 1er degré en langue maternelle en lien avec le socle commun de compétences et de culture, d’enseigner le shimaoré et le kibushi dès la maternelle en l’articulant avec les premiers apprentissages et en adaptant les méthodes d’enseignement du français à l’école en choisissant des méthodes didactiques et pédagogiques appropriées. Autre proposition : faire cohabiter l’enseignement laïc et confessionnel en développant notamment l’enseignement privé musulman sous contrat d’association avec l’État, au primaire puis au secondaire, en se projetant à 10 et 15 ans. Le projet pédagogique de ce type d’enseignement sera à définir avec l’ensemble des acteurs éducatifs religieux (cadis, imams, présidents des associations de madrassa, parents d’élèves, etc.) D’autres propositions complètent encore ce rapport qui sera à disposition des élus. Abdou Soimadou Dahalani espère “que les autorités locales s’approprieront ce projet”, mené durant deux ans par le CESEM pour garantir l’égalité réelle entre les enfants de Mayotte et ceux de métropole.
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