Tribune libre : « Le collège Zakia Madi, le grand bond en arrière ! »

Coprésidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) à Mayotte, Adidja Fatihoussoundi dénonce la gestion de l’établissement situé dans le village d’Iloni : au cœur de ses dénonciations, des travaux pour augmenter le nombre de classes, qui feraient courir des risques « physiques, psychologiques et sanitaires » aux élèves. 

Depuis cette rentrée scolaire 2024, sous l’impulsion de la cheffe d’établissement et avec la complicité du rectorat, près de 2.000 élèves ont été entassés dans un bâtiment initialement pensé et construit pour environ 700 élèves. Un peu d’histoire pour mieux comprendre.

En 2006, le collège Zakia Madi ouvre ses portes sur la commune de Dembéni. Conçu pour 700 élèves, il est malheureusement très vite saturé et dès 2016 le projet d’un second collège est à l’étude au Rectorat. Huit ans plus tard, rien n’a avancé ! En 2017, les séismes ont grandement fragilisé le bâtiment qui souffrait déjà de nombreuses malfaçons. Il a dû alors être entièrement étayé et les 2 étages supérieurs abritant les classes ont été condamnés. Dans l’urgence pour faire face aux besoins, deux séries d’une vingtaine de classes ont été construites en 2018 et en 2019, dans la cour de récréation et sur le parking des enseignants. Après ces années d’adaptation et de réorganisation, le collège semblait fonctionner correctement malgré le nombre sans cesse croissant d’élèves scolarisés.

« L’intérêt supérieur des enfants est bafoué »

Depuis 2023, des travaux ont été initiés pour réhabiliter les classes des 2 niveaux condamnées, travaux toujours en cours à ce jour. A cette rentrée 2024, sans aucune concertation avec les parents d’élèves, la cheffe d’établissement a décidé de libérer la vingtaine de classes construites sur le parking des enseignants pour les remettre à disposition du Rectorat, et de rapatrier l’ensemble des élèves dans le bâtiment historique. Nous, les représentants FCPE des parents d’élèves au conseil d’administration, nous nous indignons face à cette décision inique, car l’intérêt supérieur des enfants est bafoué. Nous dénonçons le quotidien anxiogène que doivent subir les élèves confrontés à de nombreux dangers.

Les risques physiques : les travaux sont toujours en cours dans les étages déjà exploités, générant son lot de nuisance, bruit, poussières potentiellement toxiques, et un risque réel d’accident lié au chantier. D’ailleurs, la commission de sécurité n’a pas été saisie pour avaliser l’ouverture au public, ce qui représente un grave manquement. De plus, couloirs et coursives ne sont pas dimensionnés pour une telle affluence et nous craignons le pire en cas d’évacuation d’urgence.

« Un WC pour 200 élèves »

Les risques sanitaires : le nombre de toilettes n’a pas été adapté au nombre d’élèves. Imaginez une dizaine de WC, tous au rez-de-chaussée, pour 2.000 élèves. C’est-à-dire un WC pour 200 élèves alors qu’il est préconisé en moyenne un WC pour 40 élèves. Vu l’affluence aux intercours et pendant la récréation, certains élèves n’ont d’autre choix que de se soulager là où ils le peuvent, dégradant encore plus les conditions sanitaires. Les enseignants et les personnels, régis par le code du travail, ne sont pas mieux lotis. De plus, les classes remises en exploitation ne possèdent ni ventilation, ni climatisation. Élèves et enseignants travaillent dans des salles étouffantes ce qui nuit aux apprentissages.

Les risques psychologiques : imaginez une cour de récréation initialement prévue pour 700 élèves, amputée par la construction d’une vingtaine de salles, dans laquelle évolue 2.000 élèves. Pas d’espace ! Une cohue permanente oppressante !

Nous dénonçons également l’absence de salle de permanence, les élèves étant « parqués » sous les abris-bus pendant les trop nombreuses heures d’attente entre 2 cours ou lors des absences de plus en plus fréquentes d’enseignants, eux aussi sous pression.

« Les parents dénoncent la qualité de cette collation »

Face à cette situation catastrophique, la direction du collège joue l’obstruction, dissimule des informations, et édulcore les procès-verbaux des conseils d’administration pour montrer à sa hiérarchie que tout va bien. Prenons l’exemple des bourses qui ne sont plus versées aux élèves depuis décembre 2023. Ce dysfonctionnement majeur, qui concerne des centaines de familles, ne figure pas au procès-verbal. Dans un autre registre, le contrat des collations froides de Panima a été renouvelé pour un an, sans concertation, par la cheffe d’établissement au mois de septembre, alors que le contrat devait échoir en fin d’année. Pourquoi une telle précipitation alors que les parents dénoncent la qualité de cette collation et que le Rectorat a l’ambition de fournir des repas chauds aux élèves ? Pourquoi les documents fournis par la cheffe d’établissement au conseil d’administration s’arrêtent à fin 2023 ? Pourquoi le procès-verbal mentionne que le contrat court jusqu’en septembre 2026 contrairement aux déclarations de la cheffe d’établissement ? Questions sans réponse malgré nos relances ! Soupçons … !

« Des milliers de nos enfants sur le chemin de l’échec »

Bien qu’alerté, le Rectorat ferme les yeux préférant se fier à ces fameux procès-verbaux « arrangés » qu’écouter les parents d’élèves. Vous me direz pourquoi et à qui profite le crime ? Pour le Rectorat, c’est une trop belle opportunité. Il compte installer le centre de formation des maîtres dans les salles libérées dans l’enceinte du collège.

Avoir l’ambition d’une université de plein exercice sans en avoir les moyens conduit des milliers de nos enfants sur le chemin de l’échec. Pour la cheffe d’établissement, carrière et ambition personnelle. Quel mépris pour nos enfants, pour nous-mêmes et pour notre avenir !

Nous, parents d’élèves concernés par la réussite de nos enfants, ne pouvons que dénoncer ce grand bond en arrière et espérer enfin être entendus.

Nous exigeons, sans tarder, la réintégration des élèves dans les salles indûment confisquées afin de respecter les droits de nos enfants, de retrouver une situation propice aux enseignements et à la réussite de nos enfants.

Adidja Fatihoussoundi, coprésidente de la FCPE 976

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