Soirifa-Moinaid Soumaila, inspectrice tout-terrain

Soirifa-Moinaid Soumaila est une Mahoraise qui n’a pas peur de s’essayer à tout. Elle est aujourd’hui inspectrice de l’Éducation nationale dans la circonscription de Tsingoni. Mais, avant d’en arriver là, elle a multiplié les postes dans des domaines divers et variés. Cette nouvelle fonction est une fierté pour celle qui a commencé tout en bas de l’échelle.

Les langues sont le premier amour de Soirifa-Moinaid Soumaila. Pendant ses études au début des années 2000, elle suit une carrière LLCE (Langues, littératures et civilisations étrangères) en anglais. Voulant pratiquer la langue de Shakespeare, elle entame un BTS en tourisme, ce qui lui permet de travailler dans les grandes chaînes d’hôtels en métropole. Mais l’amour du pays la rattrape et la jeune femme qu’elle était décide de rentrer à Mayotte en 2007. Si elle continue un temps à travailler dans le tourisme, elle déchante rapidement et fait le choix de se réorienter dans un domaine dont elle ignore toutes les ficelles : l’enseignement.

Comme beaucoup, elle débute en tant que contractuelle dans une école primaire. Cette acharnée du travail ne se contente pas du poste qu’elle a et souhaite bien faire. Elle prépare alors le concours des professeurs des écoles et obtient sa titularisation. Il s’agit de son premier sacre. Soirifa-Moinaid Soumaila se passionne réellement pour ce métier qu’elle ignorait, elle se dévoue corps et âme, et ses efforts finissent par payer. « L’inspecteur qui est venu m’inspecter la première fois a vu ma pratique, a aimé ma façon de travailler et m’a suggéré de prendre la direction de l’école. Cela me paraissait trop gros, mais je me suis lancée », raconte-t-elle.

Tout va très vite, mais l’enseignante s’accroche. Elle passe la liste d’aptitudes qui lui permet de devenir directrice d’école et prend la direction d’un établissement du premier degré dans son village natal de Chembenyoumba. Au fil des années, elle multiplie les formations et monte de grade car elle estime qu’ « il est important de s’auto-former, surtout dans ce milieu ». Jusqu’en 2019, lorsque le rectorat de Mayotte, à l’époque vice-rectorat, lui propose de devenir CPD, conseillère pédagogique départementale, chargée de la mission LVE, langues vivantes étrangères. « Je reviens donc à mon premier amour, les langues ! », sourit-elle.

Sa fonction consiste à travailler avec les conseillers pédagogiques de circonscriptions dans les établissements du second degré, dans le cadre de l’apprentissage des langues. Elle coordonne également la conception et la lecture des sujets pour le recrutement des professeurs des écoles. Faisant preuve de bonne volonté et de professionnalisme, l’académie décide de lui confier d’autres responsabilités. « Depuis deux semaines, je suis devenue inspectrice de l’Éducation nationale », dit-elle fièrement. Une consécration pour celle qui a commencé sa carrière en tant que simple contractuelle.

« Je suis l’exemple que quand on veut, on peut »

Aujourd’hui, la quadragénaire poursuit ce qu’elle a initié puisqu’en plus d’être inspectrice, elle continue à gérer l’apprentissage des langues vivantes étrangères, et cette fois-ci, elle a souhaité y inclure le shimaoré et le kibushi. La professionnelle ne le nie pas, son métier n’est pas de tout repos. « Le contexte de travail n’est pas facile, les partenaires non plus. On doit gérer les parents, les syndicalistes, certains professeurs qui ne sont pas motivés. Mais quand on aime ce que l’on fait, on trouve toujours une bonne harmonie », assure-t-elle. Il faut reconnaître qu’elle a un avantage non négligeable puisqu’elle est passée par différents corps de métiers avant de devenir inspectrice de l’Éducation nationale. « Je suis consciente des difficultés qu’on a à trouver des enseignants, je connais les conditions de travail d’un directeur d’école et les difficultés du CPD. Mes expériences me permettent de mieux me retrouver dans mes nouvelles fonctions. »

Elle est complètement investie dans son travail et ses journées sont bien chargées. Il lui arrive même de travailler le week-end. Des moments en famille sacrifiés, mais son entourage ne le lui reproche pas. « J’ai cette chance d’avoir un équilibre familial parce que si la famille ne comprend pas, cela peut être violent. Je suis mère de quatre enfants, je suis mariée et mon mari me soutient dans ma démarche. » Celle-ci consiste à s’engager pleinement pour les enfants de Mayotte. Soirifa-Moinaid Soumaila ne s’arrêtera pas là. Elle a à cœur de réussir la mission qui lui a été confiée par le recteur, mais elle vise déjà des postes à hautes responsabilités. « Il faut les convoiter parce qu’aujourd’hui on a la possibilité d’y accéder », rappelle-t-elle. Et pour ceux qui auraient un quelconque doute sur ses capacités, elle n’a qu’une réponse à leur donner. « Je suis l’exemple de quand on veut on peut. Tout est possible, il suffit d’aimer son travail et le faire avec le cœur. »

 

Une femme engagée

Soirifa-Moinaid Soumaila est une femme engagée dans différents domaines. Elle est la présidente de l’équipe de foot masculine du village de Chembenyoumba, l’ASJC Alakarabu. « Je prévois aussi de créer une équipe féminine pour inciter nos filles à aimer le sport, elles ont aussi leur place sur un stade de foot », indique-t-elle. Elle est également connue dans le monde de la politique puisqu’elle était adjointe au maire de M’Tsangamouji, chargée des affaires scolaires. Elle s’était aussi présentée aux élections départementales en 2020 dans le canton de Tsingoni, « mais pour l’instant je laisse de côté ma carrière politique car elle n’est pas compatible avec mes fonctions d’inspectrice de l’Éducation nationale ».

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