La réouverture très progressive des classes à partir du 11 mai devra être soumise à un certain nombre de conditions pour assurer la sécurité des personnels et des élèves. En l’absence de garanties à moins de trois semaines de l’échéance, les élus réitèrent leur refus.
Ils sont plus de 100.000 à arpenter les couloirs des établissements scolaires de l’île en temps normal. À Mayotte peut-être un peu plus qu’ailleurs, la réouverture des écoles, collèges et lycées le 11 mai suscite son lot de questionnements et d’inquiétudes, alors que les classes sont d’ordinaire déjà surchargées. Et cette fois-ci, ce sont les maires qui montent au créneau pour demander un “protocole précis élaboré conjointement par le rectorat, l’ARS et les maires (sous la coordination de la préfecture)” pour fixer le calendrier de préparation et l’approvisionnement des communes en matériel et dispositifs de protections sanitaires.
“Nous voyons mal comment nous pouvons envisager un retour à la normale, alors que nos classes sont déjà en surnombre. J’ai huit groupements scolaires, soit 2.200 élèves sur ma commune, avec déjà 90 % de rotation”, s’inquiète Anchya Bamana, l’élue (LR) de Sada, en désignant ce système spécifique à Mayotte qui consiste déjà à dédoubler les classes pour faire venir certains élèves le matin, et d’autres l’après-midi. Pour rappel, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a précisé mardi les contours du retour progressif des élèves à l’école : la semaine du 11 mai, seuls les élèves de grande section, de CP et de CM2, zones REP et REP+, retrouveront leurs salles de classe, maximum par groupe de quinze ; la semaine du 18 mai, ce sera au tour des élèves de 6e, de 3e, de 1ère et de terminale ; la semaine du 25, tout le monde pourra reprendre le chemin de l’école, avec un maximum de quinze élèves par classe. Et pour l’instant, c’est aussi le même schéma qui se dessine du côté du rectorat de Mayotte avec une certaine souplesse pour les élèves qui ne pourraient ou ne voudraient pas venir tous les jours.
Sureffectif, savon et gestes barrières
Reste que cette première ébauche de stratégie ne semble pas convenir aux maires, qui assurent la gestion des groupements scolaires – comprenant les classes de maternelle et d’élémentaires, soit les premiers concernés par le déconfinement des écoles. Des questions restent en suspens, comme la gestion des flux des élèves dans les espaces parfois restreints, ou l’organisation des rotations aux points d’eau pour qu’ils se lavent les mains. “À Sada, même si les toilettes sont équipées de savon, cela ne peut suffire : comment voulez-vous, quand vous avez déjà en temps normal 35 élèves par classe, faire en sorte qu’ils ne se touchent pas et respectent les gestes barrières ?”, s’interroge Anchya Bamana. À M’Tsamboro, où avec 1.500 élèves, le problème des sureffectifs se pose moins, le directeur général des services Assadillah Abdourahamani soulève quant à lui une autre question : “s’ils viennent de 7h à midi par exemple, est-ce qu’ils vont manger à l’école et dans ce cas que faut-il prévoir ?”
Réunis en Assemblée générale par visioconférence mercredi, les édiles ont donc fait part de leurs inquiétudes auprès de l’association des maires de Mayotte. “Il y a un consensus sur le fait que nous ne sommes pas prêts pour la réouverture”, assure Toillal Abdourraquib, le directeur de la coordination de l’action intercommunale, malgré une information contradictoire relayée par nos confrères du Journal de Mayotte, selon laquelle tous les édiles n’auraient pas pu y assister. Selon lui, quatre préalables doivent être assurés avant la reprise : la définition d’un protocole commun avec l’ARS et le rectorat pour définir le calendrier des trois semaines à venir ; la question des transports et de la restauration scolaire ; les conditions d’accueil des enfants dans les classes ; et la prise en charge des coûts financiers relatifs à la préparation des établissements. “Vous n’êtes pas sans savoir que les finances des communes ne sont pas toujours en bon état, et l’État doit les accompagner”, glisse-t-il.
Or pour l’instant, toutes “ces garanties n’existent pas aujourd’hui, et probablement pas avant le 11 mai. C’est pour cette raison que les maires de Mayotte n’envisagent pas de donner une suite favorable à l’ouverture des classes”, assène le communiqué de l’association des maires.
Des prestataires assaillis
Dernière source d’inquiétude, d’après les échanges que nous avons pu avoir avec certaines mairies : le sujet des approvisionnements, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Gants, masques, savon, gel hydroalcoolique… Les mairies ont eu dû mal à équiper leurs agents pendant le confinement. “À Bandrelé, la situation est d’autant plus sensible que nous avons un foyer identifié de Covid-19, et il concentre pour l’instant l’essentiel de nos forces, puisque nous souhaitons déjà distribuer des masques à la population”, explique Ali Moussa Moussa Ben, le maire (MDM) de la commune. Même préoccupation à M’Tsamboro. “On avait déjà dû mal à se fournir en gel ou en masques au début de la crise…”, soupire le DGS. Sans parler des autres fournitures nécessaires à la remise en état de certains établissements insalubres et à la désinfection des infrastructures. “Tous nos prestataires vont être assaillis de demandes de la part de toutes les communes”, souligne le responsable de M’Tsamboro. Contactée, Mahonet, l’une des entreprises qui travaillent justement avec les collectivités pour fournir vêtements de travail et matériel d’entretien, fait le point : “nous avons pris les devants et nous avons passé des commandes, mais nous sommes tributaires comme tous les Ultramarins de la logistique internationale et surtout avec le confinement nous dépendons fortement des moyens de livraison autorisés (navire/fret aérien, etc.)”, développe Azad Mamodaly, son directeur administratif et financier. Avant de conclure : “Tout n’est pas gagné d’avance”.
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