Établissements scolaires peu préparés, manque de moyens pour faire respecter le confinement, fragilités économiques… Alors qu’un communiqué dresse le bilan d’un “confinement mal compris”, le président du conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM), Abdou S. Dahalani, fait le point sur les préconisations de l’institution.
C’était l’annonce de la semaine : la réouverture progressive des écoles à partir du 26 mai, sans “aller trop vite”, tel que l’indiquait le recteur Gilles Halbout le week-end dernier. Une décision qui n’a pas manqué d’inquiéter les syndicats et les maires, pas forcément prêts à assumer les risques de propagation du virus dans les classes, même en respectant le maximum de 15 élèves. Et ce mercredi, c’est au tour du conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) d’émettre ses doutes. Dans un communiqué, l’institution s’inquiète de voir le territoire passer d’un “confinement mal compris” à un “déconfinement mal encadré”. “Ici, tout semble prétexte pour sortir du droit commun”, résume Abdou S. Dahalani, le président du CESEM.
Il faut dire que Mayotte fait souvent figure de cas à part et le confinement n’a pas vraiment changé la donne. Au niveau scolaire, ce sont justement ses spécificités qui poussent le CESEM à la prudence. “La situation n’est pas homogène, et il faut rappeler que de nombreux établissements scolaires tournent encore en rotation, car ils sont en surcapacité. Cela rend d’autant plus difficile l’organisation pour la réouverture dans le respect de la distanciation sociale”, tient à rappeler le président. “Il faut donc examiner au cas par cas pour déterminer quels établissements sont en mesure d’ouvrir”, poursuit-il.
Les conditions pour la réouverture ne sont pas réunies
C’est pourquoi le CESEM conditionne la réouverture à la réunion de quatre conditions, difficilement remplies à ce jour : une baisse sensible de l’épidémie sur le territoire avec une généralisation des tests ; une décision du conseil municipal avant toute réouverture ; un dépistage des personnels ; et un équipement des écoles en gels, solutions hydroalcooliques ou points d’eau à l’entrée des établissements et de lavabos devant les salles de classe, accompagnés d’un personnel dédié. Vu la situation, le conseil penche donc plutôt pour une rentrée en août 2020, en utilisant “ce laps de temps pour mettre aux normes les établissements scolaires”. Quant au décrochage scolaire, il faut, si rentrée il y a, prioriser celle des élèves “qui n’ont pas ou peu été scolarisés”, souligne Abdou S. Dahalani, et équiper tous les élèves en matériel informatique pour suivre les enseignements à distance.
Un confinement peu respecté faute de moyens
Pour le reste, le président du CESEM s’étonne de voir “à Mayotte, en zone rouge et alors même que l’île n’est pas officiellement déconfinée, ce qu’on ne voit pas dans les autres zones rouges du territoire national”. En cause selon lui : l’incapacité à faire appliquer les règles, alors même que le Mistral a, dès le 4 avril, débarqué 66 personnes et une trentaine de véhicules en renforcement du Détachement local de la Légion étrangère de Mayotte. Le CESEM déplore dans son communiqué un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion de la crise sanitaire : le manque de coordination entre les différents acteurs étatiques au niveau local, le sous-dimensionnement des moyens mis en œuvre par la préfecture pour faire respecter le confinement, l’absence de prise en charge matérielle et financière par le maire ou le préfet des obsèques face à une urgence d’inhumation, l’installation de points d’eau favorisant attroupements et prolifération du virus de la dengue, la contamination massive des personnels soignants, et le nombre insuffisant de professionnels soignants spécialisés dans la gestion de la crise sanitaire épidémique. “Si Mayotte était en métropole, les moyens ne seraient pas ceux d’aujourd’hui, il y en aurait plus, pour faire passer les messages auprès de la population, ou mieux doter l’hôpital, comme ce qui s’est passé dans le Grand-Est”, cite en exemple Abdou S. Dahalani.
Un challenge économique
Au niveau économique, enfin, le président du CESEM appelle encore à une meilleure prise en compte des réalités du territoire. “Nous avons ici beaucoup de petites entreprises, pas prêtes à faire face, après d’ailleurs une succession de crises”, rappelle-t-il. “Et malheureusement, l’on peut craindre que certaines mesures nationales ne soient pas adaptées”. D’autres, comme le chômage partiel, “pourraient être prolongées, pourquoi pas jusqu’à la fin de l’année”, suggère-t-il. Le président rappelle aussi une préconisation déjà formulée par le conseil économique, celle de créer un dispositif pour permettre aux entreprises qui ont des créances auprès de certaines collectivités d’obtenir des compensations au niveau des organismes sociaux et fiscaux. Enfin, Abdou S. Dahalani n’oublie pas le contrat de convergence. “Soyons en capacité de consommer 1,6 milliard d’euros en quatre ans !”, écrivait-il dans le périodique du mois de mai du CESEM. “Il faudrait sanctuariser toutes les conventions signées avec Mayotte, pour éviter que les crédits ne disparaissent s’ils ne sont pas consommés”. Car le plan de convergence à utiliser sur quatre ans pour développer le 101ème département risque lui aussi de pâtir de la crise du Covid. Sans parler des élections municipales de 2020, et des cantonales de 2021, qui vont encore retarder le lancement des projets. “C’était déjà un challenge avant, aujourd’hui, c’est un super challenge !”, conclut-il.
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