Rentrée des classes le 11 mai : Oui mais à plusieurs conditions pour Mayotte

Lundi soir, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la possible réouverture des établissements scolaires, si la tendance sur la propagation du Coronavirus venait à se confirmer. À Mayotte, le recteur Gilles Halbout explique qu’une vaste concertation va avoir lieu dans les prochains jours avec les organisations syndicales et les parents d’élèves pour décider de la marche à suivre. En ayant toujours en tête la sécurité sanitaire et le volet social.

Flash Infos : Dans son allocution, le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué le 11 mai pour envisager un retour des élèves sur les bancs de l’école. Comment allez-vous vous préparer à cette date butoir ?

Gilles Halbout : Le président l’a bien dit, nous entrons dans une période de deux semaines de concertation, avec des réunions entre le ministère de l’Éducation nationale et les organisations syndicales nationales et celles des parents d’élèves. À Mayotte comme ailleurs, nous allons faire de même à notre niveau. Chaque recteur fera ensuite remonter la tendance à l’issue de ces discussions qui doivent durer jusque mardi prochain. Le gouvernement ne se décidera pas avant la fin de la semaine prochaine. Il va analyser et prendre le pouls chez les pays voisins. Nous ne partons pas d’une page blanche, mais nous écouterons tout le monde. Nous échangerons également avec les collectivités territoriales, comme le Département qui a en charge les transports scolaires, mais aussi les mairies qui s’occupent des écoles du premier degré, des cantines et du périscolaire. L’autre particularité du territoire est la prise en compte de l’aspect sécuritaire aux abords des établissements. Nous avons déjà commencé à en discuter avec le préfet et les forces de l’ordre.

FI : Mayotte se retrouve, comme bien souvent, dans une situation singulière, avec une propagation du virus beaucoup plus tardive par rapport à la métropole. Si les mesures de confinement sont intervenues trois jours après l’apparition du premier cas de Coronavirus, elles n’enlèvent pas les craintes des uns et des autres?

G. H. : Tout à fait, nous devons intégrer cette appréhension sur la sécurité sanitaire dans notre réflexion. Que ce soit les organisations syndicales, les parents d’élèves ou moi-même, aucun de nous n’est spécialisé dans la propagation du virus, les risques statistiques ou les problèmes de contagion. La dimension sanitaire sera globalement appréhendée par les experts, qui dévoileront en temps et en heure si tous les enfants et/ou tous les enseignants doivent par exemple porter des masques. En tout cas, nous suivrons ces conclusions.

FI : Justement, des parents et enseignants refusent d’ores et déjà de reprendre le chemin de l’école dans des conditions aussi hasardeuses. Comment appréhendez-vous leurs réactions ?

G. H. : Un certain nombre de réserves seront mises sur la table lors des concertations. Nous tâcherons d’y apporter des réponses ! Un droit de retrait est justifié quand les mesures sur lesquelles nous avons convergé ne sont pas mises en œuvre. Si demain, le choix est de faire porter des masques à tout le monde, il faudra assurer. Après, si nous ne sommes pas prêts à l’instant T, nous décalerons de quelques jours. C’est aussi de la responsabilité du recteur de ne pas envoyer les enfants et les adultes dans une situation de danger. Mais ce ne sera pas une décision unilatérale, je le répète !

FI : Si certains n’envisagent pas de revenir le 11 mai, pour d’autres le temps presse…

G. H. : L’aspect social est évidemment primordial. L’Éducation nationale ne doit pas laisser sur le carreau des jeunes en difficulté. Nous savons que les enfants confinés n’avancent pas à la même

vitesse : il y a ceux qui vivent dans un environnement familial avec Internet et des parents derrière leur dos et il y a ceux qui vivent dans des bidonvilles sans électricité avec des parents qui ne parlent pas le français. Plus tôt nous rouvrirons, mieux ce sera pour ces publics défavorisés. L’une des priorités reste de ne pas agrandir les écarts sociaux. Même si nous faisons tout depuis le début du confinement pour prendre de leurs nouvelles et réaliser des distributions de devoirs dans le cadre de la continuité pédagogique, et que nous lançons des opérations avec des associations pour leur fournir des forfaits Internet, nous n’arriverons jamais à tout résoudre…

FI : Autre point à prendre en considération est la faim qui gagne une partie de vos élèves en cette période de confinement. Cette réalité pèse-t-elle dans la balance ?

G. H. : Bien sûr ! Pour certains, la collation de l’école correspond au seul repas de la journée. C’est un argument qui n’est pas négligeable… Hier, j’ai pris connaissance de la cagnotte mise en ligne par certains enseignants du collège de Passamaïnty (voir Flash Infos du mardi 14 avril). Je dispose d’une enveloppe de 10.000 euros pour apporter des carnets de bons alimentaires de l’ordre de 35 euros. Le conseil que je leur donnerais est de prendre contact avec la direction de leur établissement pour que nous puissions les épauler dans leurs missions. Qu’ils n’hésitent pas, nous sommes là pour ça, nous procédons déjà de cette manière avec quelques associations ! Nous essayons simplement de ne pas faire de distributions massives pour ne pas créer d’engorgements et de scènes de liesse comme nous avons pu en voir dans d’autres endroits.

FI : Dans quel état d’esprit pensez-vous retrouver le corps enseignant ainsi que les élèves ?

G. H. : Nous n’allons pas recommencer l’école comme nous l’avons quittée en février avant les vacances. Elle sera différente et adaptée à la situation sanitaire, mais aussi au public. Nous aurons une réflexion pédagogique et éducative. D’habitude, durant les mois de mai et juin, nous levons un peu le pied à l’approche des examens. Cette année, au contraire, nous voudrons profiter des dernières semaines pour rattraper l’éventuel retard accumulé. Mais n’oublions pas que nous allons revenir dans une situation particulière, avec peut-être un port de masque. Il va falloir que nous parlions de cette épidémie, sachant qu’elle ne sera certainement pas terminée le 11 mai. Il faudra en profiter pour continuer à sensibiliser sur toutes les conduites à tenir.

J’avais également un peu anticipé la reprise des cours. C’est la raison pour laquelle, j’ai accordé quelques jours de repos aux enseignants qui travaillent derrière leur écran depuis près d’un mois pour couper la poire en deux et souffler avant la probable réouverture des établissements scolaires. Si la semaine du 11 mai risque certainement d’être un peu particulière, nous aurons encore sept semaines de travail pour offrir un avenir meilleur à nos élèves.

 

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