Le rectorat de Mayotte « met le paquet » sur les actions culturelles

Depuis la création du rectorat de plein exercice à Mayotte le 1er janvier 2020, les élèves mahorais du 1er et 2nd degré doivent bénéficier d’une éducation culturelle et artistique du même niveau que celle dispensée au national. Pour ce faire, l’académie a créé un poste de délégué régional académique à l’éducation artistique et culturelle (DRAAC) à temps plein. Une fonction occupée par Aurélien Dupouey-Delezay, qui détaille la nature de son travail. Interview.

Flash Info : En quoi consiste exactement votre fonction de DRAAC ?  

Aurélien Dupuey-Delezay : Je pilote le réseau de référents culturels de chaque établissement scolaire du territoire et je fais le lien avec le ministère de la culture. Je gère également les deux appels à projet (pour le 1er et 2nd degré) dans le domaine de l’éducation artistique et de l’action culturelle en collaboration avec la direction des affaires culturelles (DAC). Tous les professeurs de l’Éducation nationale de l’île sont donc invités à proposer des projets dans ce domaine, qui est très large au sein du rectorat. Il comprend bien entendu les arts plastiques, la musique, le théâtre et le cinéma, mais également l’éducation au développement durable, l’éducation aux médias et la culture scientifique.

Je suis en outre chargé d’identifier les domaines culturels dans lesquels il y a un manque et de proposer une programmation pour le combler. Cette année, j’ai organisé une projection de l’opéra Carmen, joué à l’opéra de Paris, au cinéma de Chirongui. C’est en effet un domaine de la culture que la majorité des élèves mahorais n’avaient jamais eu l’occasion de découvrir et leur accueil a été très favorable !

FI : Quelles sont les autres actions que vous avez mis en place cette année ? Vous appuyez-vous sur la culture locale pour effectuer votre programmation ?

A.D-D. : Mayotte, et plus largement la région océan Indien, possède une culture très riche que nous nous efforçons de valoriser, mais le rôle de l’Éducation nationale est d’ouvrir les élèves à des cultures qu’ils ne connaissent pas ou moins. Nous leur offrons donc un accès à la culture occidentale et à la culture savante afin qu’ils bénéficient de la même égalité des chances que les élèves des autres territoires.

De nombreuses actions ont été mises en place cette année dont le festival de théâtre Baobab, qui est un peu notre « action-phare », mais aussi la Nuit du Cinéma, au cours de laquelle des projections de films sont organisées durant toute une nuit, ou encore un stage de trois semaines avec la compagnie de danse métropolitaine Black Bakara. Mayotte est aussi l’une des trois régions pilotes de l’action « jeunes en librairies », permettant notamment aux classes inscrites de bénéficier d’un bon d’achat de 30 euros par élève pour acheter des livres. Ce ne sont là que quelques exemples, car de nombreuses actions culturelles sont organisées chaque année pour les élèves des 1er et 2nd degrés.

FI : Le domaine de l’action culturelle a l’air d’être très actif en ce moment à Mayotte. Comment expliquez-vous ce soudain dynamisme ?

A.D-D. : En effet, lors de mon arrivée en tant que professeur d’histoire-géographie à Mayotte il y a dix ans, je n’aurais pas prédit un tel changement. Cela est dû à plusieurs facteurs. Tout d’abord, la création d’un poste de DRAAC à plein temps sur le territoire et le recrutement d’un directeur très compétent, Éric Micaelli, à la tête du centre de documentation pédagogique. C’est d’ailleurs lui qui a eu l’idée d’organiser le séminaire EMI-EAC (éducation aux médias et éducation artistique et culturelle), organisé le mercredi 1er juin dernier afin notamment d’informer les professeurs sur les possibilités qu’offre le territoire.

Par ailleurs, et j’en remercie le rectorat, Mayotte est la région qui bénéficie du plus gros budget annuel dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle, avec une enveloppe de 600.000 euros. Cette somme très conséquente permet à l’académie de compenser le plus faible financement d’actions par les collectivités territoriales par rapport aux autres régions de France. L’ouverture du centre culturel de Chirongui a aussi permis une plus large démocratisation de la culture et j’incite les autres collectivités à imiter son exemple. À Mamoudzou, le manque de structures limite notre action. Le cinéma et la bibliothèque sont fermés depuis des années, ce qui est fort dommage…

FI : Vous vous occupez également du « pass culture ». Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots son fonctionnement ?

A.D-D. : Le « pass culture » est un dispositif à destination des élèves, de la 4ème à la terminale, et comporte deux volets. La part individuelle leur permet de bénéficier de 80 euros, à partir de l’âge de 15 ans, pour accéder aux services culturels au sens large et de 300 euros à leurs 18 ans. La part collective attribue quant à elle une somme à chaque établissement scolaire, à raison de 25 euros par élève à partir de la 4ème, pour offrir la possibilité aux professeurs d’effectuer des actions culturelles.

Je tiens à rappeler que pour en bénéficier, les élèves doivent se rendre sur le site EduConnect. Les chefs d’établissement ne doivent donc pas oublier de leur fournir leur code, ce qui arrive malheureusement trop souvent. Si les élèves s’y inscrivent après leurs 18 ans, ils doivent scanner une pièce d’identité (française ou étrangère), ce qui peut être problématique pour certains. Alors qu’en s’y inscrivant avant leur majorité, ils profitent automatiquement des 300 euros du « pass culture » à 18 ans !

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