Pour “un plan d’urgence dans l’éducation” : à Mayotte, les syndicats au diapason de la grève nationale

Les personnels de l’Éducation nationale du 101ème département ont répondu à l’appel à manifester ce jeudi 23 septembre. Une mobilisation nationale pour dénoncer l’absence d’anticipation du ministre Jean-Michel Blanquer pour cette rentrée 2021, qui a aussi permis de rappeler les revendications locales, comme l’indexation Outre-mer.

Bientôt 11h et un débat fait rage sur le trottoir, en contrebas du rectorat. “En mobilisation ? On est au moins 1.500 d’après les syndicats”, rigole un manifestant en pianotant sur le manche de son drapeau CGT. “Non, comment c’est la bière, déjà ? 1664 ! – D’après le policier là-bas, 20”, pouffent les autres. Le petit groupe d’enseignants se donne la réplique pour tuer le temps, en attendant que le “gros” des troupes revienne de la marche sur la préfecture. Ça y est ! Au loin, le son des percussions annonce l’arrivée d’une petite foule. Ils seront finalement une centaine de personnes, à lever le poing sous le soleil tapant de la mi-journée.

Plan d’urgence” pour l’éducation

Ce jeudi, les antennes locales de la CGT Educ’Action et du SNUipp-FSU ont répondu à l’appel à la grève de l’intersyndicale FSU – FO – SUD – CGT Educ’Action : une mobilisation nationale pour dénoncer l’absence d’anticipation et de prise de décision du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer pour cette rentrée scolaire 2021. En pleine crise sanitaire, les syndicats réclament “la mise en place d’un plan d’urgence et la création massive de postes pour l’éducation”.

Plus précisément dans le viseur des grévistes : les revalorisations salariales – l’annonce fin août d’une augmentation des revenus via une prime d’activité de 57 à 29 euros net par mois pour les professeurs en début et en milieu de carrière ayant été jugée insuffisante -, une meilleure considération de leurs activités, mais aussi des postes supplémentaires d’enseignants, de CPE, de psychologues, de surveillants et d’accompagnants d’élèves en situation de handicap. Enfin, les organisations déplorent les inégalités engendrées par le bac à 40% de contrôle continu et demandent le retour à la formule d’avant-crise.

Mayotte en tête de cortège

Sans surprise, de notre côté du globe, cette urgence aura trouvé un écho sensible chez les personnels de l’académie de Mayotte. “Il n’y a pas de vraie politique d’accueil pour les élèves en situation de handicap. Et il faudrait un recrutement massif de personnels. Moi, j’ai une gamine dans mon collège, ça fait quatre ans qu’elle attend une place en IME (institut médico-éducatif, ndlr). Rien qu’à Koungou, il faudrait un IME !”, soupire un directeur d’établissement sous son chapeau aux couleurs de la CGT.

Outre le mouvement national, cette grève aura été l’occasion de marteler les revendications chères aux syndicats de l’éducation du 101ème département, comme le passage de toute l’île en éducation prioritaire renforcée (REP+), la mise en place d’un dispositif dérogatoire pour prolonger les contrats des AED (assistants d’éducation) ayant accompli six ans de service, ou encore l’augmentation de l’indexation sur le niveau de La Réunion (de 40 à 53%). “Nous serons très fermes sur le respect de cet engagement-là, on ne veut pas savoir qui paie, comment on s’organise, on veut que ce soit fait, et vite !”, clame au micro Henri Nouri, secrétaire départemental de la FSU Mayotte, aussitôt suivi par une pluie d’applaudissements.

“Classes tiers monde”

La CGT Educ’Action déplore quant à elle la destruction des postes de RASED (réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté) faute d’être pourvus, le manque de formation des contractuels, le manque d’enseignants pour les élèves allophones (nouvellement arrivés sur le territoire et qui parlent une autre langue que le français) et de remplaçants. Le syndicat dénonce aussi le manque de locaux et d’équipements dans les écoles. Et tire à boulets rouges sur les “classes itinérantes”, censées lutter contre la déscolarisation des enfants. “Nos collègues ont trouvé un autre nom pour ces classes et les appellent « classe tiers monde » : la plupart du temps, il n’y a pas de lieu dédié à ces « classes » qui se déroulent souvent dans un coin du préau ou bien dans une salle de MJC”, écrit le syndicat dans un communiqué. “Toutes ces conditions dégradées génèrent toujours plus d’échec scolaire et de violence dans la société.

La circulation alternée au menu

Reçue par le secrétaire général et le directeur de cabinet du rectorat, une délégation de la CGT n’a pas obtenu d’annonce nouvelle, à en croire Bruno Deziles. “On avait déjà un retour du national, on savait que les postes étaient bloqués. Les seules créations de postes au niveau national, c’est une cinquantaine au niveau administratif et ça ne concerne pas Mayotte. Et on est toujours à 0 AED pour Mayotte”, expose le représentant syndical qui attend par ailleurs un “choc d’investissement” pour la formation, l’attractivité, les constructions. Sans quoi “on ne pourra pas sortir de ce cycle où l’on cumule les problèmes”.

Dernier sujet qui s’est invité dans les discussions, cette fois du côté de la préfecture : l’arrêté du maire de Mamoudzou sur la circulation alternée, très décrié par une partie du corps enseignant. “C’est un sujet qui préoccupe bon nombre d’entre vous, à juste titre”, rappelle Henri Nouri. “On nous a dit que cet arrêté était encore en attente de validation du côté de la préfecture.

Guère satisfait, un enseignant de Dembéni repart du cortège les sourcils froncés, malgré la bonne humeur du jour. “Vous en pensez quoi, vous, de cet arrêté du maire ? Il peut pas faire ça du jour au lendemain, il y a des collègues qui sont en train de faire venir leur voiture en conteneur, ils sont déjà dans l’illégalité !”, grommelle-t-il, visiblement remonté. Et prêt à battre de nouveau le pavé le 5 octobre, place de la République, pour la journée interprofessionnelle.

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