Désigné comme l’une des « priorités de la rentrée » du rectorat de Mayotte, le périscolaire doit permettre aux communes de développer les activités auprès des élèves du premier degré. Avec des centaines de millions d’euros allouées aux municipalités par l’État, les Plans éducatifs territoriaux (PEDT) commencent à fleurir de toutes parts.
Elles sont seize, sur les dix-sept communes que compte l’île, à avoir proposé un Plan éducatif territorial au rectorat de Mayotte. Outre Sada, les projets de toutes les autres collectivités sont soumis en ce moment même aux équipes de Gilles Halbout pour validation. Il faut dire que le recteur avait fait de ce sujet l’objet d’un grand séminaire, mené le 18 août dernier en compagnie du conseil départemental, des communes, de la caisse de sécurité sociale de Mayotte ou encore des associations de parents d’élèves. « Il faut proposer des activités avant la première sonnerie, pendant la pause méridienne et durant les vacances scolaires pour empêcher l’oisiveté », y avait déclaré un responsable de l’académie ambitieux. Le périscolaire, effectivement, n’est jusqu’à présent pas très développé dans le 101ème département français.
C’était sans compter sur la manne financière que représente le dispositif du PEDT. Évalués à 835 millions d’euros par le cabinet Verso consulting, appelé à la rescousse par le conseil départemental, ces plans devraient permettre à chaque commune de développer de nombreuses activités pour les élèves du premier degré. Sorties découverte en nature, activités sportives, manifestations culturelles ou ateliers de sensibilisation à divers sujets, les idées ont rapidement fusé des mairies mahoraises, encouragées par les centaines de milliers d’euros à la clé. Certaines d’entre elles n’avaient cependant pas attendu de se faire prier pour s’occuper des enfants lors de la pause méridienne, un impératif majeur à Mayotte, selon le rapport de Verso consulting.
Pas de périscolaire sans constructions
C’est le cas de la ville de Chiconi, ou encore de Dzaoudzi-Labattoir, qui a mis en place son premier PEDT en 2015. La commune de Petite Terre proposait déjà un encadrement pour les élèves du premier degré de 10h30 à 11h45, à l’aide d’animateurs payés par la municipalité. « Nous leur proposons des ateliers de musique, de danse, et d’autres loisirs », résume Baraka Issoufi, adjointe au maire chargée de l’éducation. Depuis quelques années, le périscolaire de la ville est encore mieux organisé, avec plus de temps d’encadrement et d’activités. « En 2017-2018, après discussion avec les parents, ces derniers ont proposé d’étendre le dispositif sur la totalité de la pause méridienne, c’est-à-dire de 10h30 à 13h30 », continue l’adjointe de Saïd Omar Oili. « On a aussi recours aux associations, comme Oulanga na Nyamba ou Kazyadance, qui interviennent dans le périscolaire. »
Ainsi, Dzaoudzi-Labattoir débute cette année scolaire 2022-2023 avec un nouveau réfectoire, mis en service cette année au sein de l’école de Labattoir 3, « afin d’accueillir les élèves pendant cette pause méridienne », toujours selon Baraka Issoufi. D’autres projets de constructions sont dans les tuyaux, pour faire face à un problème majeur : le dispositif périscolaire ne peut pas s’appliquer dans les établissements dits « en rotation », qui doivent accueillir plus d’élèves que les écoles « en rythme ». Le rapport du cabinet de conseil insiste d’ailleurs – comme les syndicats et les parents d’élèves – sur le besoin d’infrastructures nouvelles à Mayotte, facilitées par l’apport des plans éducatifs territoriaux.
Un plan État-commune gagnant-gagnant
Désormais, de nombreuses municipalités mahoraises reprendront l’exemple de Dzaoudzi-Labattoir, avec le PEDT 2021-2023, le premier pour nombre d’entre elles. « Il y a une petite émulation », reconnaît volontiers Gilles Halbout. « Certaines communes qui ne faisaient pas grand-chose se réveillent et prévoient beaucoup de belles choses. » Ainsi en est-il de l’ancienne capitale de Mayotte, Tsingoni. La commune de l’ouest, qui accueillera à Combani un centre commercial et un hôpital dans quelques années, voit le PEDT comme une aubaine, un moyen de développer sa jeunesse – et donc son territoire. « Un jeune doit s’imprégner de sa culture, de son patrimoine matériel et immatériel », affirme Abdoul Doukaini, directeur général adjoint chargé du social et de l’urbain à Tsingoni.
La commune souhaite ainsi multiplier les ateliers culturels (de 11h à 13h, les lundis, mardis et jeudis), comme la découverte de la mangrove ou du lac Karihani, des ateliers artisanaux, des visites aux mamas chingo de Bandrélé… Pour cela, elle compte bien s’entourer d’associations, qu’elles soient culturelles, environnementales ou sportives. « Nous voulons aussi mettre l’accent sur les valeurs du sport, le respect, l’inclusion, l’égalité, la discipline, la persévérance », continue le DGA de Tsingoni. « Quand on voit ce qu’il s’est passé sur le territoire de la commune, ces affrontements inter-villageois, on se dit que le périscolaire peut aider à résoudre cette situation. »
« Ça ne suffira pas », prévient Tsingoni
Autre projet de ce Plan éducatif territorial : des ateliers d’initiation au numérique et à l’utilisation des médias, afin de les aider dans leur orientation. Mais si l’équipe de la commune ne manque pas d’idées, elle se heurte cependant à un mur financier qui pourrait limiter ses ambitions. Ainsi, elle compte confier d’ici 2023 le périscolaire à une association externe, ce qui reviendrait moins cher que d’embaucher elle-même les animateurs. « Nous avons posé comme condition que l’association embauche les titulaires du BAFA de la commune », détaille Abdoul Doukaini. « Nous souhaitons aussi que le projet des enfants de la commune s’inscrive dans celui du territoire. Il faudrait peut-être que nous ayons une dizaine d’infirmiers issus de la commune, plusieurs puéricultrices… »
Pour cela, la caisse des écoles de Tsingoni, qui porte ce plan éducatif territorial, espère récolter entre 700.000 et 800.000 euros, un montant conséquent qui ne permettra pourtant pas de mener à bien tous les projets imaginés par la commune. « Ce n’est pas l’argent du PEDT qui nous assurera d’appliquer notre PEDT », déclare paradoxalement M. Doukaini. Le directeur général adjoint envisage donc, à terme, de demander une participation financière minime aux parents d’élèves, qui pourrait être plus ou moins indexée sur leurs revenus. De quoi couvrir l’achat de matériel, la location de transports, ou encore le paiement des associations participant aux ateliers. Quoi qu’il en soit, ce dispositif encore tâtonnant promet de se développer rapidement sur l’île au lagon, promettant aux élèves de meilleures activités, et à l’économie mahoraise quelque 8.000 emplois potentiels, toujours selon le rapport sur le périscolaire.