L’orientation post-bac, un parcours d’autant plus difficile à Mayotte

Le salon de l’orientation se déplace actuellement dans les différents lycées de Mayotte. L’occasion pour les élèves de terminale de découvrir les formations présentes sur le territoire, de construire leurs projets et de s’informer sur les bourses et les aides disponibles. Pour autant, la sélection est rude et les freins nombreux pour ceux qui veulent poursuivre leurs études.

« Pour devenir infirmier, on peut aussi commencer comme aide-soignant puis changer de métier grâce à la formation continue. » Dans une des salles de classe du lycée de Dembéni, 27 élèves assistent à la présentation de l’Institut de formation en soins infirmier (IFSI). « Les élèves font la queue, la salle ne désemplit pas », assure Roukia Halifa, professeur en BTS services et prestations des secteurs sanitaire et social (SP3S) au sein de l’établissement. Ce jeudi 10 novembre, le lycée accueillait le salon de l’orientation. Cet événement itinérant se déplaçait dans les différents établissements de Mayotte jusqu’au 14 novembre. L’occasion pour les élèves de terminale de découvrir les formations présentes sur le territoire, de construire leurs projets et de s’informer sur les bourses et les aides disponibles.

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Abdillah Hikimata, en classe de terminale STL (sciences et technologies de laboratoire), rêve de devenir infirmière même si elle s’inquiète du nombre de places limitées de la formation.

Abdillah Hikimata, en classe de terminale STL (sciences et technologies de laboratoire), rêve de devenir infirmière depuis qu’elle a fait un stage dans un cabinet médical à Mramadoudou, un village de la commune de Chirongui. « J’aimerais bien partir à La Réunion. Mais ça me fait un peu peur parce que la formation est très sélective. » A Mayotte, seulement 85 places sont disponibles – tous bacs confondus – et 35 personnes formées sur le territoire. Les autres doivent partir en métropole ou à La Réunion. Sans compter que certaines places sont réservées aux professionnels qui se reconvertissent. « Il y a beaucoup de demandes », souligne, sans surprise, Bérénice Bêche, formatrice de l’Ifsi.

Jusqu’à 1.600 candidatures pour 27 places

Et l’institut ne fait pas figure d’exception. L’offre de formation serait en effet insuffisante sur le territoire. Le BTS services et prestations des secteurs sanitaire et social reçoit, par exemple, jusqu’à 1.600 candidatures par an pour 27 places disponibles. « Il n’y a pas assez de choix. Une part importante des candidats se retrouvent donc sans formation », indique la professeure, Roukia Halifa.

De nombreux bacheliers sonnt également en situation irrégulière. Et donc dans l’incapacité de poursuivre leurs études. « C’est la plus grosse partie des jeunes qui ne peuvent pas continuer », poursuit la professeure. Sur sa classe de trente bacheliers, cinq n’ont rien eu l’année dernière.

« Des formations en lien avec les besoins du territoire »

« On n’a pas autant de capacités d’accueil qu’il y a de bacheliers chaque année », confirme Sylvie Malo, déléguée régionale à l’information et à l’orientation au sein du rectorat de Mayotte. « Mais on progresse. » Selon elle, une vraie politique stratégique est menée depuis trois ans pour ouvrir davantage de cursus et permettre aux bacheliers de poursuivre leurs études sur le territoire tout en diversifiant l’offre de formations. Trois classes préparatoires ont ainsi été créées depuis 2020. Une en sciences au lycée Younoussa-Bamana à Mamoudzou et deux autres centrées sur l’économie et le commerce dans les lycées de Sada et des Lumières à Kawéni. Un parcours préparatoire au professorat des écoles et une licence axée sur la santé au Centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) de Dembéni ont également vu le jour. « On sait bien qu’il y a des enjeux dans le domaine médical et dans l’enseignement. L’idée était donc d’ouvrir des formations en lien avec les besoins du territoire », souligne la déléguée régionale. Pour le rectorat, l’objectif est également de préparer les élèves à un départ à La Réunion ou en métropole avec la question du financement des études, du logement ou du transport. Ces départs concerneraient environ 2.100 bacheliers chaque année.

Reste qu’à Mayotte ou dans l’Hexagone, le taux d’échec est important. « Il y a par exemple des niveaux de français qui ne sont pas suffisants pour réussir des études », souligne Bérénice Bêche. « En première année de droit, le taux d’échec atteindrait 80 % car les élèves n’ont pas le niveau », assure, de son côté, la professeure Roukia Halifa. N’ayant pas d’autres choix, ils se retrouveraient dans ce type de formations par dépit, pour ne pas arrêter l’école.

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