Au travers d’un manifeste du 11 avril, la communauté éducative de Mayotte exprime son inquiétude face à l’opération Wuambushu, qui devrait débuter d’ici quelques jours sur l’île. Intitulée « Ra Hachiri pour nos élèves », cette déclaration réaffirme la volonté des personnels de l’Éducation nationale de soutenir les élèves lors du plan de décasages et d’expulsions massives de personnes en situation irrégulières.
En tant que membres de la communauté éducative du 101e département français, les signataires du manifeste daté de ce 11 avril, affirment que « dans l’intérêt de leurs élèves autant que de l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale et des missions qu’ils portent au quotidien », ils décident d’exprimer leur inquiétude face à l’opération Wuambushu. Pour les signataires de cette déclaration écrite, les grandes manœuvres lancées par l’État « risquent de considérablement dégrader notre sécurité et surtout celle des élèves placés sous notre responsabilité ».
L’initiative, qui devrait débuter dans les jours à venir, prévoit la destruction de logements insalubres et l’expulsion de personnes en situation irrégulière. La communauté éducative, qui entend accompagner et soutenir les élèves dans leurs démarches, s’étonne, comme d’autres acteurs du territoire notamment les soignants, « de ne pas avoir été consultés et qu’aucune concertation n’ait été proposée » quant au lancement de cette opération.
Création d’une structure associative ad-hoc
Au travers de ce texte, la communauté éducative de Mayotte tient donc « à faire valoir, dans l’intérêt de nos élèves concernés par les décasages et reconduites à la frontière, que nous ferons tout notre possible pour favoriser, en lien avec les institutions judiciaires et administratives, des solutions leur permettant de poursuivre leurs études sur le territoire lorsque c’est leur volonté ou de faciliter la transition vers un système scolaire à l’étranger en lien avec les structures associatives spécialisées ».
Pour ce faire, les signataires prévoir la création d’une structure associative ad-hoc, « sans étiquette politique, ni couleur syndicale », précisent-ils dans le manifeste. Cette association permettra d’assurer le suivi des élèves, mais aussi de les accompagner dans la défense de leurs droits devant les juridictions administratives.
Ne niant pas les lourds problèmes du territoire, les rédacteurs de ce manifeste ne prétendent pas « détenir les clés de leurs résolutions, lesquelles exigent en tout cas dialogue, respect et concertation ». Les signataires souhaitent donc « simplement, en pleine continuité de leurs missions éducatives », signifier qu’ils « exerceront leur droit de vigilance citoyenne dans l’intérêt de leurs élèves ».
« Tous les matins, je me demande si ça vaut la peine d’aller au lycée »
« Depuis ma scolarisation, on nous a enseigné une seule chose : étudier pour avoir une vie meilleure. Ma vocation à moi c’est de réussir, malgré le fait que nos parents soient entrés illégalement sur l’île, ils voulaient qu’une seule chose : notre bonheur. Malgré les différentes difficultés que nous avons rencontrées avec ma mère, je me suis battu jusqu’à aujourd’hui. Je vis sur un département français où les droits ne sont pas appliqués comme en France.
J’ai énormément aimé porter les couleurs de la République malgré les injustices. Je me morfonds et pleure tous les soirs, car la situation me dépasse. Malgré toutes les situations, j’ai gardé le sourire. Aujourd’hui, je ne vois plus d’espoir. On m’a refusé le droit à la nationalité, la possibilité d’acquérir un titre de séjour à Mayotte est un énorme exploit. Depuis quelque temps, un seul sujet est en train de faire la une dans le monde au sujet de Mayotte : « Wuambushu ».
Aujourd’hui, tous les matins, je me demande si ça vaut la peine d’aller au lycée. Pourquoi continuer à se battre puisque ça ne servirait à rien finalement ? Nous allons nous faire expulser ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la situation, mais elle est invivable. Si aujourd’hui, on me demande de choisir entre être expulsé et mourir, je préférerais mourir, car si je venais à aller là-bas, ça sera une mort plus lente et douloureuse.
Vivre sur une île inconnue, ou l’éducation n’y est pas. Une île où vous n’avez même pas de toit qui servira d’abri. Avoir fait ce long chemin pour même pas avoir à terminer et ne pas savoir si ça nous a servi à quelque chose. Le fait de venir en cours aujourd’hui, c’est pour pouvoir espérer qu’il peut y avoir un espoir. »