Les jeunes en situation de handicap à Mayotte filmés durant leur stage en entreprise

L’insertion scolaire et professionnelle des jeunes en situation de handicap est particulièrement compliquée à Mayotte. Deux chercheurs du CUFR de Dembeni se penchent sur le sujet depuis le mois de septembre de cette année. Pendant 2 ans, les collégiens et lycéens handicapés se filmeront durant leurs stages respectifs afin d’analyser leur prise en charge et valoriser leur travail en milieu professionnel.

Valoriser le travail des jeunes en situation de handicap en en entreprise est le premier objectif de cette étude qui vient de voir le jour à Mayotte. À l’origine, Gaëlle Lefer Sauvage, maîtresse de conférence en sciences de l’éducation et chercheuse au CUFR de Dembeni, rattachée au laboratoire Icare basé à l’université de La Réunion. Avec la collaboration de 3 unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS) au collège et 1 au lycée, ainsi que les associations Mlézi Maoré et Messo, elle étudiera pendant deux ans le comportement des jeunes handicapés lors de leurs stages professionnels de troisième, CAP et bac professionnel.

L’idée consiste à ce que ces jeunes se filment lorsqu’ils sont en train d’effectuer leurs tâches pour ensuite visualiser les vidéos. “Nous les analyserons pour comprendre comment ils se construisent professionnellement en se voyant en film”, précise la chercheuse. Ces vidéos serviront de CV numérique aux jeunes, qui pourront les présenter lors d’éventuels entretiens d’embauche. Elles seront également utiles aux enseignants qui suivent leurs parcours. “Les professeurs ont très peu de temps pour aller visiter l’ensemble de leurs élèves en stage et ils ne savent absolument pas ce que les élèves font en terme de tâches professionnelles”, rappelle Gaëlle Lefer Sauvage. Par ce biais, ils pourront juger si la théorie apprise à l’école est appliquée convenablement en entreprise. Mais les enseignants ont déjà une idée sur le contenu de ces vidéos. “Nous sommes avec des jeunes qui apprennent les bonnes manières et le savoir-faire, mais quand ils sont en stage, ils ne les appliquent pas car ils sont dans des milieux de stages non adaptés à eux” indique Christophe Alvergnat, coordonnateur ULIS du lycée professionnel de Bandrélé. Selon ce dernier, le milieu le plus concerné est celui de la restauration où les mesures d’hygiène strictes apprises à l’école sont difficilement applicables en entreprise.

La vidéo, une façon plus ludique d’impliquer les élèves

C’est un fait indéniable, le numérique prend le dessus sur l’écrit pour la jeune génération. Ceux qui participent à cette étude ne font pas exception malgré leurs divers handicaps. “Nous avons une population pour laquelle l’écrit n’est pas toujours le premier réflexe. Nous n’avons pas voulu leur imposer un outil qui ne leur servira à rien parce que s’ils font un rapport de stage à l’écrit, ils le jetteront par la suite. Alors que la vidéo pourra être présentée dans leurs CV”, selon la maîtresse de conférence en sciences de l’éducation. Et à en croire les enseignants, les jeunes sont très investis dans le projet. “Ils m’ont bluffé. Autant ils peuvent être en situation de handicap, autant pour se filmer ils ont une longueur d’avance sur moi. Ils n’ont pas peur de toucher à tout et à manipuler tous les boutons”, se réjouit Christophe Alvergnat. Cela étant, les vidéos ne sont pas toujours de bonne qualité. Toute l’équipe pédagogique et de recherche est chargée de leur apprendre les techniques de base.

Tout ce travail permettra aux jeunes de se valoriser en tant que personne, de se valoriser dans le milieu professionnel mais aussi auprès de leurs familles. “Certaines ont encore du mal à accepter le handicap de leurs enfants. À partir de l’instant où nous leur montrerons  ce qu’ils peuvent accomplir en milieu professionnel, ils les valoriseront davantage”, espère le coordonnateur ULIS du lycée professionnel de Bandrélé. Les équipes pourront observer les premiers résultats de cette étude à la fin de cette année scolaire.

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