Les écoles « se débrouillent avec les moyens du bord »

Les écoles du premier degré ainsi que les collèges et lycées doivent s’adapter aux coupures d’eau. S’ils ont tenu le cap jusqu’à présent, les tours d’eau qui s’intensifient inquiètent les élus et les responsables d’établissements scolaires, alors que le rectorat de Mayotte ne semble pas inquiet.

Plus que cinq semaines avant le début des grandes vacances. Cinq semaines durant lesquelles tous les personnels des établissements scolaires de l’île devront travailler dans un contexte de pénurie d’eau. L’objectif est de maintenir les cours tout en respectant les règles d’hygiène. Jusqu’à présent, les coupures d’eau programmées ont lieu de 17h jusqu’à 7h du matin le lendemain. Un créneau qui n’a pas réellement d‘impact sur les écoles primaires, en témoigne Attoumani Dida, le directeur de la caisse des écoles de Tsingoni. « Les heures d’ouverture d’eau correspondent aux heures de cours, donc il n’y a rien qui change pour nous. » Même son de cloche du côté de Dzaoudzi-Labattoir ou encore de la commune de Mamoudzou, cependant les municipalités n’excluent pas des coupures en journée, ou non programmées alors que les élèves seraient à l’école, comme cela s’est déjà produit auparavant. « Dans ce cas, les directeurs et directrices d’établissements ont comme directive de ne pas accueillir les enfants. Mais il y aura toujours la continuité pédagogique », assure Baraka Issoufi, l’adjointe au maire chargée des affaires scolaires à Dzaoudzi-Labattoir.

Du côté de Tsingoni, la mairie a voulu installer des citernes d’eau dans les écoles, mais elle a essuyé un refus de la part de l’agence régionale de santé. « Elle ne nous a pas permis à cause des conditions d’hygiène », précise Attoumani Dida qui affirme que l’interdiction est valable pour toutes les communes du territoire. Quant au maire de Mamoudzou, il s’inquiète pour l’avenir. « Pour l’instant on survit avec le système actuel, mais s’il doit y avoir des coupures supplémentaires et récurrentes ça peut être compliqué », reconnaît-il. Mayotte vit sa pire sécheresse depuis 1997, et les prochains mois ne présagent aucune amélioration. Dans ce contexte, Ambdilwahedou Soumaïla, préconise d’anticiper et de trouver des solutions qui permettront de maintenir les cours. « Il existe des toilettes mobiles qui ne nécessitent pas de raccordement à un réseau d’eau externe. Compte tenu de la situation exceptionnelle de Mayotte, on peut demander à l’État ici, c’est-à dire à la préfecture, de nous aider à les acquérir afin de les installer dans les écoles », suggère le premier magistrat de la commune chef-lieu.

Le rectorat reste serein

Pour l’heure, le rectorat ne semble pas préoccupé par la situation. « Les coupures d’eau prévues sont nocturnes donc elles n’impactent pas les établissements. Tout est fait pour que ça perturbe le moins possible les écoles. Pour nous, rien ne change », affirme Martine Emo, la directrice de cabinet du recteur. Le discours de l’Éducation nationale à Mayotte a visiblement changé puisqu’à l’annonce de l’intensification des coupures d’eau par le préfet Thierry Suquet, le rectorat avait envoyé un courrier aux maires, le 3 avril 2023, leur proposant une démarche à suivre en cas de coupure. Les directives données avaient fait sourire quelques élus, notamment celle demandant aux élèves de faire leurs besoins chez eux avant de se rendre à l’école. Pour l’instant, les écoles ont donc encore de beaux jours devant elles, du moins jusqu’aux prochaines vacances scolaires. Cependant, tout le monde est conscient que la crise de l’eau est de plus en plus critique, et le rectorat prépare déjà la suite. Des citernes devraient être installées dans des établissements. « C’est un travail sur le long terme de plusieurs mois avec les différents services de l’Etat pour que l’ensemble des établissements scolaires soient les moins impactés par les futures coupures », indique Martine Emo.

Les lycées professionnels en difficulté

Si pour l’instant le premier degré s’en sort, ce n’est pas le cas de l’ensemble du second degré, notamment des lycées professionnels. Les élèves du lycée polyvalent de Kawéni étudient dans des conditions qui compliquent leur travail. Ceux qui sont dans la filière restauration en sont le parfait exemple. « Avec le restaurant d’application, nous faisons un service le soir. Et pour l’assurer les soirs de coupure, nous devons faire des réserves d’eau dans des casseroles et on limite le nombre de clients. On en prend 10 à 12 alors qu’habituellement on a le double », indique Fabien Vanucci, le directeur des formations au LPO de Kawéni. À cela s’ajoute la vaisselle qui ne peut être faite le soir et qui doit attendre le lendemain. Ces alternatives ne pourront pas s’éterniser dans le temps puisque la règle est de fermer l’établissement en cas de coupure d’eau.

Cela étant, cette solution mettra davantage les élèves en difficulté. « On ne peut pas se permettre de supprimer un service à chaque fois qu’il n’y a pas d’eau car ce sont des cours pour les élèves. Souvent ils sont en terminal, ils ont des examens à passer et ils doivent donc pratiquer », insiste Fabien Vanucci. Le problème se pose également dans les filières hôtellerie et petite-enfance où la question de l’hygiène est primordiale. « On fonctionne à minima. On se débrouille avec les moyens du bord pour l’intérêt des jeunes, mais si on doit passer à la vitesse supérieure là on va être coincés. Un atelier sans hygiène, ce n’est pas possible », conclut le directeur des formations du LPO de Kawéni. Les chefs d’établissements ne pouvant pas bricoler éternellement, la prochaine rentrée scolaire s’annonce déjà compliquée.

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