Seule une quarantaine de parents d’élèves du lycée Gustave-Eiffel de Kahani ont répondu à l’appel de la Fédération des conseils des parents d’élèves (FCPE), ce lundi matin. L’établissement a repris son fonctionnement classique, cinq jours après un nouvel épisode de violences. Mais ce retour à la normale n’est pas concevable pour les parents d’élèves qui comptent faire banaliser les cours, ce mercredi, pour essayer de trouver de nouvelles solutions pour apaiser réellement les choses.
Devant le lycée de Kahani, les habitudes ont repris, ce lundi matin. Des agents des équipes mobiles de sécurité (EMS) sont postés à côté des hautes grilles fermées, des gendarmes à la fois départementaux et mobiles restent à proximité et discutent. Des adultes, gilets jaunes sur le dos, se sont mis à l’ombre, profitant du fait que tous les élèves (il y en a 2.400) soient désormais rentrés à l’intérieur. Le calme de ce matin-là tranche avec l’épisode de violences vécu le mercredi 27 novembre. L’établissement scolaire Gustave-Eiffel reste marqué par ce qui est arrivé à la sortie des classes. Ce jour-là, une vingtaine de jeunes en combinaison blanche sont venus caillasser les élèves, blessant une dizaine d’entre eux, un adulte a également été lynché. Des lycéens se sont retrouvés en état de choc. Si les deux jours suivants, les portes du lycée sont restées closes, cela n’a pas apaisé la colère des parents. La Fédération des conseils des parents d’élèves (FCPE) a appelé à une mobilisation, mais son écho est resté limité, ce lundi matin. Une quarantaine d’adultes étaient présents pour discuter avec les forces de l’ordre, puis entre eux dans l’enceinte de l’établissement.
Une participation en deçà de celle espérée par les représentants de la FCPE. « Les choses pourraient changer s’il y a une plus grande mobilisation. On a une situation intolérable, un personnel administratif à bout. Tous les jours, ils font face à la violence », déclare Haïdar Attoumani Saïd, coprésident de la FCPE Mayotte. Plusieurs problèmes sont pointés du doigt, notamment le fait que des élèves parfois difficiles et issus de tout le territoire se retrouvent à Kahani pour y suivre des formations professionnelles. « On a trop d’orientations à défaut. Trop d’élèves qui n’ont pas envie d’être là, mais qui le sont quand même », regrette Fatima Mouhoussini, la vice-présidente de la FCPE et la coordinatrice au sein de l’association Malezi ya Kahani. « Il faut arrêter de déplacer les élèves d’établissement en établissement. Ils créent à chaque fois des groupes qui posent problèmes. C’est comme une maladie contagieuse », rajoute Adidja Fatihoussoundi, coprésidente de la FCPE. La présence de forces de l’ordre sur une plus longue plage horaire ou la construction de nouveaux établissements pour éviter une trop grande concentration d’élèves sont aussi demandées. Un accompagnement psychologique est aussi espéré pour les élèves choqués. « La demande a bien été faite, l’établissement ayant été fermé, ça n’a juste pas encore commencé. Mais il y a aura bien des psychologues de l’Éducation nationale qui vont y aller », répond le rectorat.
Peu satisfaits du nombre de parents présents, leurs représentants comptent réunir le personnel et les autorités, en bloquant le lycée, mercredi, afin de trouver d’autres solutions.
Un sentiment d’abandon
Ce qui prédomine dans les témoignages des parents, c’est le sentiment de se retrouver seuls face à la violence. La gendarmerie a beau déployer chaque jour des militaires, le matin, en milieu de journée et à la sortie des classes, cela ne dissuade pas assez les affrontements issus de conflits inter-villageois trop connus (Miréréni-Combani, Ouangani-Barakani,…). Quand ce ne sont pas des bandes de Kahani qui s’y mettent aussi. Plusieurs parents regrettent l’absence des autorités départementales ou municipales à chaque fois que des faits graves éclatent (seul le conseiller départemental Saindou Attoumani est venu voir les parents, ce lundi). « Les élus municipaux, on ne les voit pas. La police municipale, on voit la voiture, mais les agents ne descendent pas », raconte la coordinatrice de l’association Malezi ya Kahani.
Le rectorat de Mayotte en prend aussi pour son grade. « Ils disent que c’est contrôlé, mais ils ne maîtrisent rien du tout », « le rectorat transforme ce lycée en centre éducatif fermé », fustigent les deux coprésidents. Plus de fermeté est aussi demandée à la justice ou aux gendarmes qui repoussent les assaillants et balancent des gaz lacrymogènes au milieu des habitations. Un autre exemple est cité avec des jeunes qui traînent avec leurs chiens aux abords du hub installé un peu plus loin dans le village. Côté gendarmes, c’est le dispositif classique qui prévaut pour cette reprise. « Il sera modulé si on se rend compte qu’il y a un besoin sécuritaire aux abords de l’établissement », confirme l’un d’eux. Concernant l’épisode de mercredi, « ce sont des troubles à l’ordre public comme il peut y en avoir fréquemment sur les établissements scolaires. On s’adapte et on fait en sorte que ça ne se reproduise pas d’ici la fin d’année. Il y a un gros besoin d’apaisement sur l’établissement et aux abords », constate le même militaire.
La question des parents d’élèves en situation irrégulière est également ressortie. En effet, des membres des deux associations de Kahani, porteurs de gilets jaunes, ont été contrôlés et interpellés récemment. Un mauvais signal envoyé aux autres parents d’élèves qui voudraient donner un coup de main pour apaiser les tensions. « Quand vous avez vos gilets, vous avez vos cartes de FCPE, on doit vous laisser. On ne peut pas vous reprocher de ne pas vous occuper de vos enfants et ensuite venir vous interpeller si vous le faites. Je ne l’accepterai pas », défend la coprésidente de la FCPE.
Dehors, le même bal recommence, les gendarmes reviennent s’installer près des grilles avant la sonnerie de 11h. En face, une rangée de parents se préparent à rejoindre leurs postes. « C’est la reprise aujourd’hui, les gens se regardent. Mais Kahani, ce n’est jamais calme, ça peut partir à tout moment. Il faut tout le temps être aux aguets, que ce soit à l’extérieur ou l’intérieur », prévient Fatima Mouhoussini.
Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.