La rentrée mahoraise préparée dans la difficulté

Crise de l’eau, sécurité, manque d’enseignants, menaces de blocage des écoles par les collectifs mahorais, la rentrée scolaire n’est pas de tout repos pour le recteur de Mayotte, Jacques Mikulovic, et le préfet de Mayotte, Thierry Suquet. Les deux étaient dans les établissements scolaires, ce mercredi, pour rassurer personnel et élèves.

Des cuves dans les écoles sans eau

C’est la grande inconnue de cette rentrée. Les niveaux d’eau des retenues collinaires de Dzoumogné et Combani étant très bas, comment les écoles vont pouvoir fonctionner jusqu’à la saison des pluies ? Au rectorat de Mayotte, on a décidé d’anticiper en installant des cuves dans les établissements scolaires qui ne sont pas sur le chemin de l’eau. Pareil pour les municipalités qui ont la charge des écoles maternelles et primaires. Aux écoles qui connaissent des coupures, « 30.000 gourdes » ont été fournies par le rectorat de Mayotte. Les élèves sont invités à les remplir chez eux ou à l’école, si l’un ou l’autre sont alimentés bien sûr. « Tous les établissements du secondaire sont sur le chemin de l’eau. Il n’y aura pas, dans la mesure du possible, de coupures », indique le recteur de Mayotte, Jacques Mikulovic, en marge d’un déplacement avec le préfet de Mayotte au collège de Tsingoni. Ce mercredi matin, après la visite d’une école primaire de Tsingoni, celle du collège aux 1.450 élèves n’est pas anodine, puisque celui-ci expérimente une nouvelle pédagogie comprenant un enseignement renforcé du français et des mathématiques.

68 désistements de professeurs

Malgré 140 postes d’enseignants créés pour cette nouvelle rentrée, le rectorat de Mayotte était plutôt satisfait puisqu’il lui manquait que 25 postes vacants. « On a su qu’on a 68 désistements, vendredi dernier », fulmine le recteur. Interpellé par CGT Éduc’Mayotte, celui qui supervise pour la première fois la rentrée mahoraise admet des difficultés. « On ne peut pas se contenter de ça. » La veille, face aux autres syndicats, il espérait une union sacrée autour de cette rentrée qui ne manque pas de difficultés.

Un cinquième escadron en renfort

L’aspect sécuritaire n’est pas non plus oublié avec le retour des enfants dans les établissements. Un cinquième escadron de gendarmes mobiles (72 hommes) est arrivé sur l’île, ce week-end. Il restera à Mayotte « jusqu’aux vacances d’octobre », prévient le préfet. A sa gauche, le nouveau commandant de la gendarmerie de Mayotte supervise un important dispositif qu’il veut « mobile » pour cette retour en classe afin d’éviter un quelconque conflit. « On a une grosse présence sur le terrain », fait remarquer le général Lucien Barth. Au lycée de Kahani, l’ambiance paraissait paisible sur le hub, ce mercredi, avec il est vrai une jauge de 2.300 élèves qui n’est pas encore remplie pour cette première matinée. Eux aussi inquiets, souvent la cible de caillassages, les chauffeurs de bus ont rencontré le préfet, mardi, rapporte le préfet. « Les risques à Mayotte sont réels. On met des moyens sur les points durs, des moyens dynamiques pour lever les barrages et être en capacité d’intervenir. On veut maintenir avec les chauffeurs une relation en permanence pour adapter l’action des forces de l’ordre », précise Thierry Suquet. Il cite le lycée de Dzoumogné qui a pu rouvrir en mars après une semaine de fermeture. « L’exemple un peu moins pertinent, c’est le lycée du Nord qui a été fermé un moment. »

« L’île a besoin de continuer à vivre »

C’était l’un des points abordés par les collectifs mahorais, mardi, avec le préfet de Mayotte. Ils souhaitent, outre la fin du visa territorialisé, que l’effectif des classes soit limité à « 25 élèves » et que les inscriptions soient soumises à un plus grand contrôle. Au rectorat de Mayotte, comme les maires la veille, on rappelle qu’il s’agit d’une obligation légale. « Aujourd’hui, ils bloquent la préfecture de Mayotte. On essaye de dégager dans leurs revendications ce qui peut avancer, ce qui relève du national ou du local. Il y a certaines choses qui peuvent avoir leur place dans une loi Mayotte ou une loi immigration », répond le préfet de Mayotte.

« L’île a besoin de continuer à vivre. On a monté ensemble beaucoup de choses. Ce qu’on doit continuer à faire, c’est porter la voix des Mahorais tout en permettant à l’île de vivre tous les jours », appelle-t-il de ses vœux.

Un Wuambushu davantage judiciarisé

Outre un cinquième escadron de gendarmes mobiles, « il y a un renforcement des capacités de police judiciaire tant à la gendarmerie que dans le police », annonce le préfet de Mayotte, qui a profité de son passage au lycée de Kahani pour faire le point sur l’après-Wuambushu. Sans préciser combien, ces renforts travailleront sur le démantèlement des filières d’immigration clandestine et de travail informel. « Ce n’est pas une question de volume, c’est une question de compétences spécifiques. Pour lutter contre l’économie souterraine, il faut des spécificités », précise le général Lucien Barth, qui évoque « une task force de quinze personnes ». Côté opérations de décasage, Thierry Suquet promet que d’autres sont d’ores et déjà prévues.

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