Élèves, parents, personnels éducatif et administratif, membres du rectorat mais aussi autorités civiles, politiques et religieuses étaient réunis ce lundi à la cité du Nord pour une cérémonie en l’honneur du jeune Miki, assassiné jeudi dernier à la sortie des cours. L’occasion pour certains d’adresser leurs revendications à l’établissement et au rectorat.
Un brouhaha s’élève de l’enceinte de la cité du Nord, ce lundi matin, à Mtsangadoua. La cérémonie tarde à commencer. Les groupes d’élèves s’entassent sur les marches qui descendent vers le faré central, et les conversations vont bon train, tantôt entrecoupées d’éclats de rires ou de voix. Derrière l’apparente bonne humeur, les pancartes que certains tiennent fermement à la main ne font pas de doute sur le drame qui a réuni tout le lycée ce matin. “Miki, oui je le connaissais. J’étais dans sa classe l’année dernière. C’est triste, c’était vraiment un bon gars, un mec sympa”, témoigne un élève de 1ère, avant de pousser l’un de ses camarades à poser avec son bout de carton. À côté du hashtag #JesuisMiki, le message est on ne peut plus clair : “Moins de violence, plus de sécurité !!”
“On est plusieurs à être venus aujourd’hui pour manifester. Certains n’avaient même pas cours et ils sont quand même là”, reprend Saminattou, élève en Terminale. Comme la bande de ses congénères, la jeune femme déplore le manque de sécurité, qui selon elle, contribue à expliquer l’attaque survenue jeudi dernier, et qui a coûté la vie à Miki. “Il n’y a pas assez de contrôles, les gens rentrent comme ils veulent, même par ici, ou par le parking, tout le monde peut entrer”, déroule-t-elle en pointant du doigt plusieurs spots dans l’établissement. Et les surveillants et autres personnels chargés de veiller sur les élèves ? “Ils sont éparpillés, ça ne protège personne. Quand il y a une bagarre, ils arrivent au dernier moment. La preuve, pour Miki, ça s’est passé là-bas, sur le parking et les jeunes ont eu le temps de s’enfuir avant qu’ils ne réagissent !”
La FCPE fait part de ses revendications
Un constat que partagent les parents d’élèves, représentés à la cité du Nord par Couboura Ahmed. La mère de famille était sur les lieux peu après le drame, jeudi dernier. “J’ai vu un attroupement et j’ai demandé ce qu’il s’était passé. On m’a dit que quelqu’un avait été poignardé. Les enfants étaient enfermés dans le lycée. Je me suis approchée, et j’ai vu le jeune allongé, entre deux bus. Il gisait dans son sang, une paire de ciseau plantée dans la tête”, décrit la représentante, qui à ce moment-là, n’a vu qu’un seul surveillant auprès du blessé. “S’il y avait plus d’effectifs, je pense que ces jeunes n’auraient pas eu le temps de lui asséner tous ces coups.” D’après l’association des parents d’élèves, la cité du Nord compte environ 13 surveillants pour un peu plus de 1.750 élèves. Or à l’origine, l’établissement a été conçu pour 900 âmes… En plus des effectifs supplémentaires, la Fédération des conseils des parents d’élèves (FCPE) demande aujourd’hui une meilleure sécurisation du parking, avec une clôture, et des caméras de surveillance.
Un assassinat en dehors de l’établissement
“Chaque année, le rectorat est très vigilant sur ces questions. Nous avons obtenu un poste l’année dernière, nous en aurons sans doute un peu plus l’année prochaine”, fait valoir le proviseur Pascal Lecocq, qui évalue à une dizaine les agents présents chaque jour sur le parking aux heures de sortie de cours, entre les surveillants, les équipes mobiles de sécurité (EMS) et les médiateurs. “Je rappelle que ce drame est survenu sur la voie publique et que le procureur de la République a retenu la qualification d’assassinat, donc avec préméditation. On voulait tuer ce jeune, il y avait des appels sur les réseaux sociaux…”, souligne-t-il.
“Jamais ils n’auraient imaginé que c’étaient des meurtriers”
En effet, les menaces visant Miki ne dateraient pas d’hier, comme l’indique Yasmina Aouni, la présidente du club de foot des Abeilles, à M’tsamboro, où s’entraînait le lycéen de 17 ans. Deux des trois auteurs de l’agression étaient scolarisés à la cité du Nord et des rivalités anciennes pourraient expliquer leur geste. Un choc de plus pour les élèves… “Ils nous disent qu’ils avaient l’air gentil, que jamais ils n’auraient imaginé que c’étaient des meurtriers”, souffle la responsable du club. Comment, alors, justifier ce fatal passage à l’acte ? “Ils évoquent d’eux-même une certaine banalisation de la violence. Certains jeunes la voient dans les jeux vidéos, ou bien sur les réseaux sociaux. Comme une forme de sacralisation de la figure du bandit”, tente d’expliquer Yasmina Aouni, sans avoir toutes les cartes en mains.
Des éléments de réponse manquent, que seuls le temps et la justice pourront apporter. Et passées les revendications, l’heure était surtout au recueillement et aux messages d’apaisement, ce lundi. En fin de matinée, les responsables institutionnels, politiques et religieux se sont finalement passés le micro, avant une minute de silence et une prière pour rendre un dernier hommage à Miki. Tous ont martelé l’importance de l’éducation, et le refus de la vengeance. “Nous ne répondons pas au mal par le mal”, a notamment souligné le maire de Mtsamboro Laïthidine Ben Saïd. Avant de rappeler cette phrase chère au 101ème département : “Nous voulons être français pour être libres.” Dans l’assistance, une jeune voix s’élève : “On n’est pas libre, M’sieur !”