Les uns lèvent les barrages, les autres les banderoles. Deux semaines après la mort de Miki, le comité inter-villageois né à M’tsamboro a enfin obtenu des solutions pour garantir une meilleure sécurité des élèves. Mais c’est au tour du collège de M’tsamboro de réclamer sa part…
Il aura fallu deux morts, deux semaines de silence, une semaine de troncs d’arbres débités au milieu de la route. Après la mort de Miki à la sortie du lycée du Nord, le 9 avril, les habitants ont enfin obtenu mercredi matin une réunion avec le triumvirat des institutions : recteur, préfet, procureur. Plus ou moins en même temps, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu sortait à son tour de sa torpeur par le biais d’un courrier adressé aux maires dans lequel il qualifie les deux meurtres d’ “inacceptables” et annonce une “mission pour la jeunesse”. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, avait quant à lui attendu la mort de Momix, élève au lycée Younoussa Bamana, pour réagir par voie de communiqué…
Bref, il n’en fallait pas plus, ou moins, c’est selon, pour que les habitants montent au créneau. “Nous, nous n’étions pas partis pour barrer la route, mais qu’il n’y avait pas un mot du préfet, ni du ministre des Outre-mer, ni du ministre de l’Intérieur… C’est un silence total qui nous a choqués, et c’est par rapport à ce mépris que nous avons barré les routes”, dénonce Ahmed Zafera, le porte-parole du comité inter-villageois qui s’est constitué à la mort de Miki. “Sans les barrages, le silence serait resté total”, abonde celui qui est lui-même parent d’élève et qui connaissait le lycéen tué, via l’association les Abeilles, son club de foot.
La réunion, qui a duré trois heures trente – “et on a poussé le préfet à rester”, sourit le natif de M’tsamboro – a visiblement permis d’arrondir les angles. Finis les barrages dans le nord, au moins, tant que la feuille de route semble respectée. Un point étape doit s’en assurer à la mi-juin. Les solutions posées sur la table fourmillent d’idées, du micro au macro, de la sécurisation du parking du lycée de M’tsangadoua, à la lutte contre l’immigration clandestine.
Des solutions concrètes pour le lycée du Nord
Surtout, l’échange a d’ores et déjà posé des bases concrètes. “Les élèves ont une phobie scolaire. Depuis aujourd’hui, la cellule psychologique est digne de ce nom, puisque nous allons avoir une psychologue jusqu’aux prochaines vacances”, explique Ahmed Zafera. Concernant la clôture du parking, le comité a obtenu du conseil départemental, propriétaire du terrain, un engagement à cofinancer les travaux avec le rectorat. “Nous allons aussi faire en sorte que les professionnels de la restauration intègrent le parking et demander au proviseur de modifier le règlement intérieur pour que les élèves ne puissent pas sortir avant la fin des cours”, développe-t-il. Ont aussi été évoqués la vidéo-protection, l’augmentation des effectifs de sécurité, la sensibilisation des élèves au smartphone avec, “dès la semaine prochaine, une expérimentation au lycée du nord et au lycée Bamana”… et même une plaque commémorative en hommage à Miki.
À une autre échelle, la réunion a aussi permis d’aborder la surpopulation du lycée avec les constructions d’un lycée à M’tsangamouji et d’un collège à Bandraboua. Ou encore, la création d’une “classe relais”, pour les élèves les plus difficiles et qui ont déjà fait l’objet d’une expulsion de leur établissement d’origine. Enfin, “au sujet de l’immigration clandestine, le préfet nous a indiqué s’être rendu en métropole pour discuter de l’hélicoptère qui surveille la côte. Il avait aussi parlé de déchoir de leur nationalité les parents d’enfants délinquants, et il en est à 100 titres déchus”, retranscrit le porte-parole du comité.
Le collège de M’tsamboro réclame son dû
De quoi étouffer les départs de feu dans le nord ? Pas tous, apparemment. Car du côté du collège de M’tsamboro, c’est au tour du personnel éducatif et des parents d’élèves de voir rouge. En cause : un manque de surveillants, à en croire plusieurs membres du collectif mobilisés. Depuis lundi, l’établissement s’est donc recouvert de banderoles, “Stop aux violences” et “+ de surveillants”. “Le mouvement a débuté avec les parents qui ont bloqué le collège lundi, et nous nous sommes joints à eux”, retrace Léa Hugon, représentante des personnels au CA et élue paritaire pour la CGT Educ’action.
D’après l’enseignante, le collège manque d’AED (assistants d’éducation) pour encadrer ses quelque 1.700 élèves. “En métropole, on est à un personnel encadrant pour 89 élèves, et à Mayotte, c’est un pour 179. À M’Tsamboro, nous sommes à un pour 207 !”, souffle-t-elle. Un problème qui aurait déjà été remonté à plusieurs reprises, sans obtenir de solution. Et l’agression fatale de Miki a donc naturellement jeté de l’huile sur le feu. “Il y a eu un meurtre juste à côté, de quelqu’un du village, et nous n’avons pas de vraie cellule psychologique. En réalité, on partage notre psychologue avec la cité du Nord. Donc, en gros, on déshabille Pierre pour habiller Paul !”
L’ultimatum passe mal auprès du recteur
Le collectif demande donc un renfort immédiat des effectifs de la vie scolaire, le temps de recruter au moins 8 AED en équivalent temps plein à la rentrée prochaine, l’intervention de psychologues dans toutes les classes, et la présence d’une cellule psychologique et de soutien pour les élèves et les enseignants. Et après officiellement deux jours de mobilisation, les grévistes retournent en classe avec un ultimatum : “si nous n’avons pas l’engagement écrit et signé de Monsieur le Recteur concernant nos revendications au plus tard vendredi 30 avril, alors le mouvement reprendra dès lundi 17 mai”, écrivent-ils.
Mais le responsable de l’académie ne l’entend pas de cette oreille. “M’tsamboro c’est un des établissements les mieux dotés de l’île ! Il est REP + ! Moi je compte 22 personnes pour la vie scolaire. Et nous venons de faire des travaux pour améliorer le cadre de vie et la sécurisation”, s’insurge Gilles Halbout, qui ne comprend pas la revendication de huit AED. “Nous répartissons les moyens en fonction des besoins. Là, il y a un collectif qui joue de manière indécente sur les peurs des élèves, l’émoi et la tristesse des parents pour demander n’importe quoi. J’ai bien lu leur demande, nous allons l’évaluer avec la principale car c’est elle qui connaît les besoins. Et si il y a besoin de renforts, nous en donnerons”, lâche finalement le recteur. Décidément appelé sur tous les fronts.