L’intégralité des agents titulaires du lycée agricole de Coconi se sont mis en grève ce lundi 27 juin pour dénoncer leurs conditions de travail. Si cela faisait bien longtemps que la colère couvait chez les personnels, le suicide de l’infirmière de l’établissement, survenu dans la nuit du 17 au 18 juin dernier, a mis le feu aux poudres. Pour les responsables syndicaux en effet, l’épuisement et le stress au travail sont l’une des causes du drame.
« On se fout vraiment de nous ! », rugit Yazid Mohamed, le délégué syndical UNSA représentant du personnel du lycée de Coconi. Un cri du cœur qui renvoie à l’arrêt maladie déposé par le directeur du lycée, Christophe Bretagne, en fin de semaine dernière. « Nous avons déposé notre préavis de grève le mardi 21 juin dernier. Comme par hasard, il se met en arrêt le vendredi ! C’est une façon de nous dire qu’il refuse le dialogue social ! Mais on le prévient : si aucune entrevue n’est prévue avec la direction avant le début des vacances scolaires, il n’y aura pas de rentrée 2022-2023 au lycée de Coconi ! », tempête le syndicaliste, visiblement excédé.
La grève a été décidée par l’intersyndicale comprenant les syndicats UNSA, FO et Snetap-FSU après l’échec des nombreuses tentatives de négociations avec la direction et les réponses non satisfaisantes données par la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF). Le lycée de Coconi dépend en effet du ministère de l’Agriculture et non de celui de l’Éduction nationale.
Des personnels « au bout du rouleau »
La plus grosse revendication de l’intersyndicale concerne le manque de personnel au sein de l’établissement, ce qui expose ses agents à « une exposition au stress et à l’angoisse avec les risques psycho-sociaux qui représentent une vraie menace pour la santé mentale et physique des employés de l’EPN (établissement public national) de Mayotte ». Pour les organisations syndicales, ces conditions de travail épuisantes font partie des raisons qui ont poussé l’infirmière du lycée de Coconi à mettre fin à ses jours le 18 juin dernier. Selon de nombreux témoins, celle-ci aurait affirmé à de nombreuses reprises « qu’elle n’en pouvait plus » et « qu’elle était épuisée ».
Des symptômes que ressentent également d’autres agents du lycée. « Il faut faire quelque chose, on ne peut pas permettre à d’autres drames de ce genre de se produire », affirme Yazid Mohamed. Outre le fait de renforcer les effectifs, l’intersyndicale souhaiterait également pouvoir bénéficier d’un dispositif type « REP+ » comme cela existe au sein de l’Éducation nationale. Or la DAAF lui a répondu que « cela n’existait pas au ministère de l’Agriculture »… En revanche, elle aurait, toujours selon les dires de Yazid Mohamed, « donné des moyens considérables au lycée de Coconi ». Toutefois, le personnel constate que rien n’a été mis en place pour soulager les agents, tant en termes de moyens humains que matériels.
Le directeur du lycée directement dans le viseur des grévistes
Pour le représentant du personnel, « toute cette pression vient du directeur car c’est lui qui s’occupe du recrutement des contractuels ». « Le lycée de Coconi comporte 420 élèves soit davantage d’effectif que les deux lycées agricoles de La Réunion réunis. Or, ils ont bien plus d’agents par lycée pour gérer leurs élèves ! », s’insurge Yazid Mohamed qui dénonce « un mépris et un manque de reconnaissance du travail fourni ». Par ailleurs, il précise qu’aucune formation n’est donnée aux enseignants pour s’occuper d’élèves non-lecteurs et non-scripteurs qui constituent l’écrasante majorité des élèves du lycée. En termes de matériel, le préavis de grève dénonce « un système informatique obsolète » et « une absence de volonté de la direction de solutionner le problème structurel du réseau informatique (architecture, câblage, etc.) ».
Face à ces attaques virulentes, Christophe Bretagne nous confirme au téléphone la réalité de son problème de santé et affirme que « les personnels devraient apprendre à rester à leur place ». « Je suis bien d’accord avec les grévistes qui affirment que « le stress doit changer de camp » », ironise-t-il. Une position qu’il qualifie lui-même « d’officielle » et qui ne risque pas d’apaiser le conflit. Bref, le torchon brûle entre les deux camps. Ne pouvant donner davantage de détails aux médias au vu de son arrêt maladie, Christophe Bretagne charge son adjoint Ahmed Papa Combo de tenter de calmer les esprits des uns et des autres. Ce dernier confirme que les membres de la direction prennent cette grève très au sérieux et qu’il compte recevoir sous peu les grévistes pour discuter de leurs revendications. D’ici là, le mouvement social se poursuit a minima jusqu’à jeudi et, sans rencontre avec la direction, elle sera reportée à la rentrée 2022-2023 avec de sérieuses menaces de blocage de l’établissement.