Fermeture des établissements à Mayotte, Gilles Halbout : “Il faut se remobiliser pour éviter des mesures drastiques”

Trois établissements ont déjà mis en place des mesures pour limiter l’afflux des élèves et les risques de transmission du Covid-19. Alors que les chiffres de l’ARS continuent de grimper, d’autres structures pourraient être concernées par ces réductions des jauges d’accueil… Voire par une fermeture complète. Le recteur Gilles Halbout fait le point sur les zones de vigilance.

Flash Infos : Après le lycée de Sada, le lycée Bamana et le collège de Majicavo ont à leur tour mis en place une réduction de leur jauge d’accueil. Où en est-on de la situation sanitaire dans les établissements scolaires de l’île ?

Gilles Halbout : C’est en effet la situation pour ces trois établissements. Il s’agit, je le rappelle, du niveau 2 des restrictions qui vient aussi avec un dépistage massif des enseignants et de tous les personnels. Le passage au niveau 3, c’est-à-dire la fermeture pure et dure des portes, dépend des contraintes locales ou des chiffres de l’agence régionale de santé (ARS). Pour ne rien vous cacher, si la situation à Sada et à Bamana a l’air bien sous contrôle, les résultats des tests sont moins encourageants à Majicavo… Nous n’avons pas encore les derniers chiffres, mais il y a de fortes chances que nous soyons amenés à fermer le collège. Nos autres points de vigilance, que nous surveillons en lien avec l’ARS et la préfecture, concernent aujourd’hui les collège de M’Tsamboro, Tsingoni, Kani-Kéli, Dembéni, et la cité scolaire de Bandrélé. Là, nous allons certainement passer en jauge réduite également.

FI : Quid des communes confinées, en Petite-Terre et à Bouéni, où les établissements scolaires ont dû fermer ? Un assouplissement pourrait-il être envisagé pour permettre à certains élèves de retourner en classe, selon cette logique d’alternance présentiel/distanciel ?

G. H. : À l’heure où je vous parle, je n’ai pas d’information supplémentaire. Il y avait un léger espoir pour Bouéni, mais rien de concret pour l’instant. Nous restons en lien avec la préfecture et l’ARS et tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire.

FI : Dans le premier degré, certaines critiques ont ciblé le manque de nettoyage des établissements, et un relâchement sur les protocoles sanitaires. Que répondez-vous ?

G. H. : Oui, ces éléments ont été soulignés lors du dernier CHSCT avec les organisations syndicales. Celles-ci ont tenu à rappeler qu’il y avait un relâchement ces derniers temps dans le nettoyage et, d’une manière générale, dans le respect des gestes barrières. Il faut que tout le monde se remobilise sinon cela va nous amener à prendre des mesures plus drastiques. Et il faut notamment remobiliser les communes dans le nettoyage et les gestes barrières, et surtout le port du masque. Nous sommes en train de former des services civiques, en lien avec la préfecture, pour mettre en place des brigades anti-covid chargées de veiller à la bonne application des gestes barrières. Cette piste-là, nous pouvons la déployer très rapidement car nous avons beaucoup de services civiques. Certaines communes ont d’ailleurs déjà instauré ces “vigies”. C’est une très bonne initiative, qu’il faut généraliser.

FI : Est-ce que ce relâchement peut s’expliquer par un manque de moyens, matériel de nettoyage, masques ?

G. H. : Les masques, on dit toujours qu’il en manque… Mais de notre côté, nous en avons encore distribué 300.000 la semaine dernière. Nous tâchons de contrôler les circuits de distribution, après, il peut y avoir une école ici ou là qui n’a pas fait remonter ses besoins à temps, par exemple. Parfois, il s’agit avant tout de faire attention aux chaînes de transmission de l’information, c’est d’ailleurs ce que je réponds aux syndicats.

Quant au nettoyage, il faut garder en tête que nous revenons de loin, de très, très loin. Effectivement, nous pouvons imaginer qu’il y a eu un effort gigantesque à la rentrée, qui aujourd’hui s’est essoufflé… Mais s’il s’agit d’un manque de moyens matériels ou humains, car des personnels d’entretien peuvent par exemple tomber malade. Dans les établissements que nous gérons, le message est clair : s’il faut, nous payons une entreprise pour compenser. Il ne faut pas baisser la garde. Et l’effort fourni à la rentrée doit devenir la norme.

FI : Au lycée de Sada, la direction a fait le choix de mettre en alternance les classes de Seconde générale, car elles avaient en moyenne davantage accès aux supports numériques à la maison que d’autres, moins favorisées. Malgré cela, il semble difficile aux élèves de suivre les cours prévus dans leur emploi du temps, lorsqu’ils sont à distance… Comment assurez-vous la continuité pédagogique ? Quels enseignements avez-vous tiré du premier confinement ?

G. H. : Le premier bilan, comme vous pouvez vous en douter, c’est qu’une continuité pédagogique, surtout qui s’installe dans la durée, est particulièrement compliquée à instaurer à Mayotte. Nous faisons donc le maximum pour éviter qu’elle s’installe dans la durée, car nous savons que les conditions de travail de nos jeunes à la maison ne sont pas les mêmes qu’en métropole. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous favorisons ce parti pris de l’alternance un jour sur deux, car nous savons que de longues semaines sans cours entraînerait naturellement de nombreux décrochages. Et ce choix permet aussi de distribuer les cours papiers pour ceux qui ont moins accès à Internet. Et de maintenir le lien. Quand les établissements sont complètement fermés, comme en Petite-Terre et à Bouéni en ce moment, le plus important, c’est ce lien-là et les équipes pédagogiques doivent appeler régulièrement chaque élève pour être sûrs qu’il n’y ait pas de rupture.

FI : Ce jeudi, plusieurs syndicats entendent suivre la grève nationale. Le syndicat CGT Educ’action s’est notamment fendu d’un communiqué pour dénoncer, je cite, des “vies scolaires méprisées”. Le syndicat s’inquiète de l’ouverture des établissements en temps de Covid, sans personnels de vie scolaire, eux-mêmes frappés par l’épidémie…

G. H. : Ce que j’ai déjà répondu, c’est qu’il ne faut pas faire des généralités à partir d’un cas particulier. Il y a eu une fois, un jour, à un endroit, la situation que ce syndicat dénonce, sûrement à cause d’un manque d’anticipation dans l’établissement concerné. Mais s’il n’y a pas de personnel de vie scolaire, nous n’ouvrons pas, il n’y a pas de débat. Quant aux assistants d’éducation (AED), dont le communiqué que vous mentionnez dénonce la situation contractuelle, c’est aussi le rôle des organisations syndicales de dire aux agents ce qui est. Nous savons qu’il s’agit là de contrats réglementés par des textes, et qui ne peuvent excéder six ans au maximum. Il ne s’agit pas d’un CDD pouvant déboucher sur un CDI, c’est très particulier. Mais la couleur est annoncée dès le départ ! Et la plupart vont au bout de leur formation, passent le concours, etc. Nous les accompagnons en ce sens.

Enfin, au sujet de la participation au mouvement de grève, cette dernière a été déclenchée quand le ministre a annoncé de grosses mesures de revalorisation, des primes d’équipement alternatif pour tous les personnels, des rattrapages de rémunération pour les débuts de carrière… Des moyens sont mis sur la table, sans compter les mesures catégorielles pour les directeurs d’école. Après, que l’on dise que ça ne va pas assez loin ou assez vite, nous pouvons l’entendre. Mais c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions organisé juste avant les vacances un Grenelle local à Mayotte avec les députés, qui avait permis de faire des propositions pour aligner les droits à la retraite des instituteurs d’État recrutés à Mayotte sur les autres collègues, pour renforcer les mesures d’attractivité, pour développer la formation… Et tout le monde a désormais l’ambition de porter ces conclusions au niveau national.

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