Plus de deux mois après la rentrée des classes et presque quatre mois après Chido, plusieurs établissements du second degré sont encore à jauge réduite. Pour l’instant, la reconstruction n’a pas réellement commencé, seuls des travaux de réparations temporaires ont été effectués.
Des salles de classe sans ventilateur fonctionnel ni lumière. Deux mois après la rentrée post-Chido, les conditions demeurent difficiles dans beaucoup d’établissements du rectorat de Mayotte. Le 27 janvier, lors de la rentrée scolaire après le cyclone, six établissements du second degré très endommagés n’étaient pas en mesure d’accueillir tous les élèves à la fois. Il s’agit des lycées de Sada, Younoussa-Bamana à Mamoudzou, la Cité du Nord à Acoua, ainsi que les collèges de Chiconi, M’tsamboro et de Labattoir. Aujourd’hui, certains ont connu une nette amélioration, c’est le cas de la Cité du Nord, l’un des plus dévastés. “Aujourd’hui, presque toutes les salles de classe sont utilisées, les faux plafonds sont réparés. Les lycéens ont repris les cours quatre jours sur cinq, contre trois le 27 janvier”, décrit Véronique Hummel, professeure documentaliste et membre du conseil d’administration. Les images impressionnantes des bâtiments éventrés avaient largement circulé après le cyclone. Pendant cinq semaines, 70 agents de la sécurité civile y étaient installés et ont mené un travail considérable pour le remettre en état. “Désormais, 80 % des salles sont opérationnelles”, se félicite Nicolas Vivé, directeur du pôle de l’immobilier et de la logistique au rectorat. Les équipes enseignantes espèrent le retour à un rythme de cinq jours de classe par semaine après les vacances de mai.
Des rotations au collège de Chiconi
Toutefois, au lycée de Sada, mais aussi à Bamana ou encore le collège de Chiconi, il n’y a pas d’amélioration constatée. Dans le premier, le bâtiment principal demeure fermé, seul 50 % des classes sont utilisables. “Ce ne sont pas les salles qui posent problème, mais c’est la circulation entre celles-ci et le cheminement pour y accéder qui n’est pas sécurisé ”, explique Nicolas Vivé. L’emploi du temps est toujours bouleversé. “Ma fille en première a cours en ce moment les lundi, mardi, jeudi et samedi, des journées très chargées. Chaque semaine, c’est différent, elle a du mal à suivre, elle n’a plus de repères”, confie Mariata Madjani, parent d’élève.
Deux de ses fils sont scolarisés en sixième et troisième à Chiconi, où la situation reste aussi compliquée. Il s’agit de l’établissement le plus dégradé par Chido, sans compter les pillages qui ont suivi. Dans l’établissement, les élèves ont cours par rotation soit le matin ou l’après-midi, ses fils y vont seulement le matin par exemple. Des tentes avaient été installées dans l’enceinte de la structure en guise de salles de classe, une solution finalement abandonnée pour des raisons thermiques et d’acoustique. “La pluie entrait dans les tentes, on entendait les cours de l’une à l’autre”, commente Nicolas Vivé.
“Un pansement sur une plaie béante”
Au lycée Bamana, la situation n’est pas meilleure, 50 % des salles sont hors d’usage. “La reconstruction n’avance pas, il n’y a pas vraiment de réparation non plus”, avance un professeur de sciences. “Par exemple, tous les laboratoires sont inaccessibles alors que ça représente la moitié du programme dans ces disciplines”, souligne-t-il. Une commande de douze locaux en modulaire a été passée, mais “ils n’arriveront pas avant septembre”, regrette le directeur du pôle de l’immobilier et de la logistique. “Dans ces différents établissements, le chemin parcouru a été important, mais on sait qu’il reste beaucoup à faire, nous arrivons sur un plateau”, reconnaît-il. “Concernant la réhabilitation lourde des bâtiments, il n’y a quasiment pas d’évolution depuis la rentrée.” En cause, plusieurs facteurs selon le rectorat, des difficultés d’approvisionnement de certains matériaux comme le bois mais aussi de recrutement, de main d’œuvre ou encore la grève au sein des entreprises ETPC et Colas.
Cela signifie que la reconstruction n’a en réalité pas commencé. Au collège de Labattoir, si la plupart des salles sont de nouveau accessibles (50 sur 65), “tout le premier niveau est sans électricité, car il y a des infiltrations dans les murs”, raconte une professeure. Pour l’instant, seules des bâches ont été posées sur les plafonds percés, “c’est un pansement que l’on pose sur une plaie béante”, critique-t-elle. Des travaux ont été entamés et doivent finir “fin mai”. Quant au collège de M’tsamboro, désormais 75 % des salles sont disponibles. La charpente de la structure a subi les ravages du cyclone, “un audit a été nécessaire, les travaux ont commencé et ils finiront mi-mai”, souligne Nicolas Vivé.
Ces conditions de scolarité très précaires dégradent les conditions d’enseignement. Bien que les épreuves du baccalauréat et du brevet (sauf le grand oral et l’oral de français) aient été annulées pour cette année, cela conduit des parents à vouloir déménager pour assurer un meilleur enseignement à leurs enfants. C’est le cas de Mariata Madjani qui prévoit de partir en métropole, l’année prochaine. “Je compte faire un congé formation pour un an, ma fille en terminale l’année prochaine va aussi venir, parce qu’à Mayotte, je ne sais pas comment elle va pouvoir se préparer pour le baccalauréat”, juge-t-elle.
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.