Crise de l’eau, violences, école à l’hôpital, Covid-19… Gilles Halbout fait le point sur les dossiers chauds de la rentrée à Mayotte

Entre la crise épidémique et les sujets d’actualité propres à Mayotte, comme la pénurie d’eau et les affrontements entre bandes rivales, le rectorat vit un début de rentrée pour le moins agité. Gilles Halbout revient pour Flash Infos sur les dossiers chauds qui alimentent le quotidien des 100.000 élèves de l’île.

Flash Infos : Les coupures d’eau ont débuté il y a maintenant une semaine. Vous aviez alors indiqué qu’une vingtaine des 188 écoles du territoire pourrait être plus impactée que les autres. Comment avez-vous adapté votre stratégie au cours de ces derniers jours ?

Gilles Halbout : Il est un peu tôt pour dresser une vision d’ensemble car nous sommes encore en période d’ajustement. La stratégie reste toujours la même : épargner les écoles en rotation, adapter le rythme scolaire, anticiper les coupures diurnes. Tant que nous subissons des coupures nocturnes, les écoles impactées décalent par exemple l’heure de rentrée, en lien avec les communes. Tout le monde a joué le jeu, à l’exception de Bandrélé qui a mis une semaine pour se mettre à la page. Après, nous devons faire face aux imprévus, comme ce matin [lundi 14 septembre, ndlr] à Kawéni qui n’avait pas d’eau… Concernant les collèges et les lycées, dont nous assurons directement la gestion, ils sont a priori épargnés. Mais dès que tout sera stabilisé, nous serons opérationnels pour que les enfants ne soient pas pénalisés. Nous avons évalué la dernière proposition du Smeam, nous vérifions, je le répète, qu’aucune école en rotation ne soit concernée. Si c’est le cas, c’est la catastrophe, donc il faut trouver une solution, qui est peut-être de changer d’établissements scolaires. Cette option ne semble pas réalisable pour les maternelles, à la différence des primaires. Une chose est sûre, il faudra que tout soit finalisé demain [ce mardi 15 septembre, ndlr].

En cas de coupures diurnes, nous envisageons deux pistes de réflexions. La première serait de passer en quatre journées complètes, contre trois actuellement auxquelles s’ajoutent deux demi-journées. La seconde serait de réaliser des provisions d’eau pour les toilettes et le lavage des mains. Si nous n’excluons aucune des deux solutions à l’heure actuelle, cette décision se fera dans le dialogue avec les représentants syndicaux.

FI : Toujours dans l’actualité récente, la commune de Tsingoni et plus particulièrement ses villages de Combani et de Miréréni, a été le théâtre d’affrontements d’une violence inouïe, poussant le maire de la ville a fermé ses écoles. Comment avez-vous géré la situation ?

G. H. : Les adjoints au maire ont bien réagi mais nous avons eu un petit retard de communication pour le collège. Mercredi, nous pensions de bonne foi pouvoir encore ouvrir l’établissement le lendemain, car nous n’étions pas au fait de toutes les informations. Il y a donc eu un mouvement de flottement. Mais nous avons demandé au personnel de direction d’être présent pour accueillir les élèves qui n’avaient pas pu être prévenus de la fermeture. Dans tous les cas, les jeunes sont toujours mieux dedans que dehors !

FI : Vendredi dernier, vous avez signé une convention avec le centre hospitalier de Mayotte pour créer une classe dans le service de pédiatrie à destination des enfants hospitalisés durant une longue durée. Comment va-t-elle se dérouler au quotidien ?

G. H. : Tout d’abord, il faut préciser qu’il s’agit d’un poste créé, ce n’est pas une opération ponctuelle. Concernant l’enseignante en question, elle a une formation pour ce type de pédagogie. Elle a par le passé déjà travaillé en milieu pénitentiaire mais aussi avec des enfants malades. Elle doit remplir cinq missions. La première d’entre elles est de récréer le climat de classe pour la sociabilisation et l’apprentissage ensemble des élèves. La seconde est que l’enseignante va également aller dans les chambres des enfants qui ont des pathologies lourdes pour leur faire du tutorat et de l’accompagnement personnalisé. La troisième consiste à faire le lien avec l’établissement d’origine et les élèves eux-mêmes. Elle fait le lien avec l’équipe pédagogique pour le programme de chacun. Ce n’est pas la classe hors sol car dès qu’ils le pourront, ils retrouveront leurs écoles. La quatrième est qu’il faut savoir que des enfants qui suivent des traitements de fond reviennent régulièrement au centre hospitalier. Pour eux, nous allons peut-être inverser les rôles et mettre en place un point fixe pour qu’ils aient leurs repères et des activités récurrentes au CHM. Enfin, la cinquième est que l’enseignante est complètement intégrée à l’équipe de pédiatrie. Elle travaille de facto avec l’élève sur le suivi de sa maladie, à l’instar des gestes à adopter une fois sorti du service.

FI : Ce week-end, Mayotte est de nouveau passée en rouge, après l’apparition de deux nouveaux clusters, dont l’un des deux foyers concernent des enseignants. Quelles sont les dernières décisions prises au niveau des établissements scolaires concernant la propagation du virus ?

G. H. : Il y a eu effectivement un cluster regroupant des professeurs d’éducation physique et sportive qui ont fait une soirée ensemble. Mais ce foyer ne s’est pas étendu en dehors de cette fête puisqu’ils étaient tous en colocation.

Par rapport au protocole à suivre, nous avons transmis un cadrage à tous nos cadres. En clair, nous fermons une classe si nous pensons qu’il y a eu une faille dans le respect des règles sanitaires. Cela nous est déjà arrivé ! Puis nous nous donnons comme objectif d’avoir une réaction dans les 24h. En lien avec nos équipes qui fournissent toutes les informations en leur possession, l’Agence régionale de santé nous livre alors un diagnostic pour savoir s’il faut fermer ou isoler plus de personnels. Mais il est possible aussi que nous rouvrions dès le lendemain, comme nous l’avons fait à Dapani. L’idée est d’être le plus réactif possible !

La raison qui pourrait nous pousser à fermer tout un établissement est si nous apprenons que deux collègues, qui ne se fréquentent pas en dehors de nos locaux, sont positifs à la Covid-19. Dans ce cas de figure, nous réfléchissons à une telle mesure puisque nous serions en capacité de penser qu’il y a une diffusion active. Le ministère de l’Éducation nationale dit qu’il faut trois cas distincts pour l’envisager. À l’heure actuelle, nous n’avons jamais eu le moindre doute d’une contamination depuis l’intérieur.

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