Sur-rémunérations, faible taux de remplacement des enseignants, mauvais calibrage des moyens… Malgré les efforts budgétaires consentis, le système scolaire en Outre-mer pâtit de l’organisation des académies, calquée sur le modèle métropolitain.
Quatre milliards d’euros. C’est le coût annuel du système scolaire dans les cinq académies ultramarines, pour le seul ministère de l’Éducation nationale. “Rapporté au nombre d’élèves, il est supérieur d’environ 30 % à la moyenne nationale”, écrivent les magistrats de la Cour des comptes. Les sur-rémunérations versées aux agents titulaires affectés en Outre-mer n’y sont pas pour rien… Tout comme l’effort consenti pour étendre les dispositifs d’éducation prioritaire – à Mayotte, il concerne la quasi-totalité de l’académie. Le hic : cet effort budgétaire ne s’accompagne pas vraiment des résultats escomptés…
À la demande de la commission des finances du Sénat en janvier dernier, les rapporteurs ont rendu public ce mois-ci leur enquête sur le système éducatif dans les académies ultramarines. Et si ces territoires paient le prix de certaines caractéristiques géographiques, climatiques et socio-économiques “dont le cumul rend objectivement la mission éducative plus ardue que dans la plupart des académies métropolitaines”, soulignent-ils, il faut aussi “rechercher les causes d’une performance insuffisante du système scolaire de ces rectorats dans une organisation administrative et une gestion des dispositifs éducatifs trop peu adaptée aux réalités locales”.
Un temps d’enseignement plus court
Résultat, les modes de fonctionnement du système scolaire dans ces territoires sont jugés “peu satisfaisants”, par les rapporteurs, qui relèvent en autres “le taux faible de remplacement des absences des enseignants” et donc un “temps d’enseignement plus court pour ces élèves qu’en métropole”. “Un suivi attentif du temps effectif d’instruction s’impose, sa diminution pouvant expliquer des niveaux d’acquis scolaires préoccupants.”
Mauvais maîtrise du français à Mayotte
Et Mayotte n’est pas en reste. Particulièrement concernée par certains facteurs communs aux cinq académies ultramarines, comme son éloignement de la métropole, qui rend plus complexe le recrutement des personnels, mais aussi son climat tropical, son isolement, la défectuosité des équipements collectifs, le taux de pauvreté et de chômage, l’île aux parfums souffre en plus de difficultés qui lui sont propres. En haut de la pile : les “taux de progression vertigineux, alimentés par une immigration importante et largement clandestine”, de sa population totale et scolaire et la faible connaissance du français. 75,4% des élèves mahorais ont une maîtrise insuffisante ou fragile de la langue de Molière, contre 13,3% en moyenne nationale ! Sans parler de certains retards sur le déploiement du système éducatif dans le 101ème département. Pour l’anecdote, un siècle sépare ainsi l’ouverture du premier lycée à la Martinique (1883) et à Mayotte (1980).
Pas de “marges suffisantes” pour le rectorat
Pour les sages de la Cour des comptes, ces défaillances du système scolaire trouvent leur source dans “une organisation calquée sur le modèle métropolitain”, avec “de rares aménagements parfois contre-productifs”. Si cette homogénéité est censée être le gage d’une égalité de traitement entre tous les élèves français, elle ne laisse pas “aux recteurs de marges suffisantes dans l’application des règles pour répondre aux réalités locales”. Conséquence : les mécanismes d’affectation selon le droit commun ne permettent pas, par exemple, de pourvoir tous les postes. Un meilleur calibrage des moyens doit être envisagé pour s’adapter aux situations locales. La situation est en effet bien différente entre les académies des Antilles et de La Réunion, “où une gestion rectorale plus vigoureuse est attendue, qu’en Guyane et à Mayotte, où l’Éducation nationale est confrontée à plusieurs défis majeurs”, comme le “nombre d’enfants à scolariser dans des bâtiments déjà saturés, quasiment privés de cantines et dépourvus de places d’internat” ; “l’attractivité pour les enseignants” ; ou encore “la langue maternelle qui n’est généralement pas le français”, poursuit le rapport.
Adaptation des concours et formations aux besoins locaux
Pour autant, “le seul effort financier accordant des moyens quantitativement supérieurs aux académies ultramarines ne suffit pas à obtenir des résultats convenables en termes de niveaux et d’acquis”, martèlent les magistrats. Qui formulent plusieurs recommandations, notamment pour Mayotte : adaptation des concours d’enseignement aux besoins locaux, amélioration du processus de recrutement des contractuels pour les affecter dès la rentrée ; meilleur dimensionnement des moyens pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés ou encore sensibilisation et formation des enseignants nouvellement affectés à la question linguistique, font partie des pistes envisagées.
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