Continuité pédagogique : au collège de Passamaïnty, on panse les mots et les maux

Avec le nouveau confinement, les établissements scolaires ont remis au goût du jour la continuité pédagogique dans des conditions pas forcément évidentes en raison du faible accès pour une majeure partie des jeunes à une connexion Internet. Au collège Ouvoimoja de Passamaïnty, les professeurs principaux appellent une fois par semaine leurs élèves pour garder le contact et prendre de leurs nouvelles avant de les convier pour récupérer leurs livrets de cours. Reportage.

« Jusqu’à 22h, j’étais encore au téléphone pour leur rappeler que la distribution des livrets se déroulait aujourd’hui [ce jeudi]. » Debout derrière la « borne » réservée aux élèves de sixième, Rachida, enseignante de mathématiques au collège Ouvoimoja de Passamaïnty, se remet de sa folle soirée accrochée à son combiné. Pas le temps de s’asseoir une minute qu’un élève se présente face à elle pour récupérer les exercices de la semaine.

À l’entrée de l’établissement scolaire, Linda, conseillère pédagogique d’éducation depuis sept ans à Mayotte, brasse le flux de jeunes qui débarque au compte-gouttes. Armée de son gel hydroalcoolique, elle pulvérise une lichette dans les mains avant d’envoyer les visiteurs du jour en haut des escaliers ou sur les chaises, disposées à plusieurs mètres de distance, le temps d’attendre leur tour.

 

Les livrets récupérés par 81% des élèves

 

Confinement oblige, il faut redoubler d’imagination pour assurer la continuité pédagogique. Mais le système mis en place semble réglé comme du papier à musique. « Les référents de chaque matière centralisent les cours, réalisent la mise en page et envoient le tout à l’impression », dévoile Magalie, professeure de français. Un travail abyssal puisque pas moins de 400 livrets sont édités par niveau la veille pour le lendemain. « La semaine dernière, nous avons dû en imprimer de nouveau le matin pour l’après-midi », se remémore Renaud, CPE fraîchement arrivé sur l’île aux parfums.

Il faut dire que le collège de 1.750 âmes est victime de son succès : lors de la première distribution – le jeudi pour les sixièmes et les cinquièmes, le vendredi pour les quatrièmes et les troisièmes, « 81% des élèves ont récupérés leurs cours », se réjouit Véronique Fabre, la principale par intérim. Un taux élevé qui s’explique entre autres grâce au partenariat noué avec le Douka Bé de Vahibé pour ne pas obliger les collégiens du village à se dandiner jusqu’à Passamaïnty.

Une livraison en présentiel qui se justifie à cause d’un accès à Internet des plus délicats pour une grande majorité d’entre eux. « Nous avons tout de même recensé 8.000 connexions de la part des parents sur la plateforme NEO [un espace numérique de travail spécifique à l’Éducation nationale, ndlr.]. C’est le jour et la nuit par rapport au premier confinement », se satisfait toutefois la responsable de l’établissement scolaire, agréablement surprise par ce bon en avant.

 

Réactualisation des numéros de téléphone

 

Cette réussite du papier justement relève tout sauf du hasard. « Nous avons réactualisé, quelques jours avant le début du confinement, la base de données des numéros à joindre », glisse Hélène, enseignante d’EPS. Une stratégie payante ! Grâce à cette anticipation, tous les professeurs principaux sont en capacité d’appeler chacun de leurs protégés pour prendre de leurs nouvelles. « Nous nous assurons de la bonne réception du livret et nous demandons si tout se passe bien à la maison pour faire la passerelle avec les bons alimentaires. » Une initiative citoyenne des enseignants se met d’ailleurs en ordre de marche pour subvenir aux besoins de leurs élèves.

Et c’est aussi l’occasion d’échanger et de donner quelques consignes complémentaires en cas de blocage sur un exercice en particulier. Ou bien encore d’apporter un soutien moral, tant les conditions de vie précaires sont difficiles à supporter pour certains. « Une fille m’a contactée pour me dire que c’était dur de travailler toute seule dans son coin », ajoute Magalie. Qui revendique sa présence pour une seule et bonne raison : « S’ils voient que nous sommes motivés, cela va les rassurer. Nous ne les lâchons pas pour ne pas les retrouver largués. » Dans le but d’éviter de ressasser les mauvais souvenirs de l’an dernier.

Reste à déterminer le devenir de ces fameux livrets… En effet, il n’existe aucun moyen de contrôle puisque les corrections sont données la semaine suivante dans le nouveau feuillet. « S’ils prennent la peine de se déplacer, c’est qu’ils ont envie », soumet innocemment Rachida. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle distribution est un franc succès, qui ne demande qu’à se réitérer. « Au revoir, à jeudi prochain », sourit Linda, au moment de laisser s’évaporer dans la nature un groupe de jeunes filles.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1115

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