C’est la rentrée, cette semaine, pour les vingt-quatre élèves de 3ème du collège de Doujani partis en classe de neige dans les Alpes, au mois de février. Aidés de Mélinda Soós, leur professeure d’anglais, ils ont retranscrit leur expérience dans un article envoyé à la rédaction.
« Cette expérience a été l’une des meilleures de ma vie », raconte avec enthousiasme Hadayita, tandis qu’Intissame s’exclame joyeusement qu’il était « la star de ma famille pour avoir été choisie ! ». Quelques semaines après leur voyage en métropole, du 1er au 10 février, les 24 élèves du projet « Doujani au Ski » organisé par les deux professeurs d’EPS, Manon Jouas et Lionel Ussereau, sont revenus sur leur aventure marquée par l’olympisme et la découverte des sports d’hiver. Sélectionnée comme les autres pour l’excellence de sa scolarité, de son comportement et de ses aptitudes sportives, Fahta poursuit : « J’étais heureuse d’avoir été sélectionnée parmi plus de 400 élèves de 3ème, et mes parents étaient fiers de moi. Quand je regardais des vidéos de ski, ça paraissait facile. Mais ce n’était pas le cas ! ». Marlèze a compris qu’elle irait skier dans les Alpes françaises, « et apprendre des choses que je ne savais pas faire. Mais j’avais la certitude de pouvoir bien les faire, car les professeurs d’EPS m’ont fait confiance… et j’ai senti que si je voulais réussir, je devais être courageuse. »
Un premier voyage en avion
Ils étaient peu à avoir pris l’avion, avant ce voyage. Abdillah explique qu’après avoir « survécu » à son premier trajet en escalator, en passant par les procédures d’immigration et de sécurité de l’aéroport, puis un vol « froid » en avion de douze heures, il est arrivé à Paris à 4°C le matin du 2 février « prêt à tout faire ». Une fois atterri, Charif a demandé : « Pourquoi ne pouvons-nous pas voir par la fenêtre ? ». C’était leur première expérience avec le brouillard. D’autres élèves ont demandé pourquoi il faisait encore « nuit » après 8 heures du matin.
La visite de Paris, les premiers jours, a marqué tous les élèves. « Il y a beaucoup de voitures, de béton, de personnes et de bâtiments. C’est tellement grand qu’il faut un réseau de métro pour s’y déplacer », raconte Youssouf. Son camarade de classe, Farchi est lui tombé en admiration pour la Tour Eiffel devenu « son monument préféré ». « C’est comme une étoile qui illumine les profondeurs du ciel nocturne. » Il poursuit : « Nous avons besoin de plus de monuments à Mayotte. Nous pourrons ainsi mettre Mayotte en valeur et nous aider à nous souvenir de ce qui est important pour nous. »
De son côté, Hadayita estime que Mayotte a besoin de « plus d’accès aux espaces publics » comme le parc Paul-Mistral de Grenoble, et « qui soient ouverts aux hommes et aux femmes et nous permettent de nous asseoir, de marcher, de faire du vélo, de danser ou de faire du sport librement ». Par ailleurs, Farchi estime que « pour éviter les embouteillages, Mayotte a besoin d’un moyen de transport rapide qui lui permette de se déplacer facilement et économiquement, comme le train ». Un mode de transport qu’ils ont d’ailleurs expérimenté avec un trajet en TGV de trois heures – « ce train roule à plus de 300 km/h ! », déclare un Ramzi enthousiaste – qui a eu un premier aperçu des montagnes à Grenoble.
Des premières glisses en ski
« Le ski était mon sport préféré », dit maintenant Marlèze en souriant. Car, à raison de quatre matinées, les néo-skieurs ont tenté ce qu’ils sont venus chercher dans les Alpes, pouvoir essayer le ski. « C’était le plus difficile à maîtriser mais le plus gratifiant. J’ai dû me concentrer très fort pour progresser ». Youssouf, qui s’est beaucoup amusé à essayer le patin à glace, rétorque : « C’est parce qu’il n’y a pas de freins ! Il faut apprendre le chasse-neige ! ». Chaharizade et Fahta, eux, ont adoré la vitesse, le danger et la liberté de la luge, tandis qu’Emma a préféré « le pistolet laser pour le biathlon. J’ai appris à viser correctement et c’était satisfaisant ».
Autres découvertes : la gastronomie du Vercors, qui met l’accent sur les fromages comme le reblochon. « Les crêpes à la béchamel, non merci ! On a l’habitude de manger de la laitue à Mayotte, mais pas de céleri-rave, ni de moutarde, ni de vinaigre balsamique », fait remarquer Emma. « À la place, nous mangeons beaucoup de riz. Du riz, du poisson, des mabawas et encore du riz ! », ajoute Farchi en riant. De nombreux élèves, qui mangent habituellement un repas par jour, se sont sentis soulagés de ne pas avoir faim. Fahta a apprécié la propreté de la métropole et le sentiment de paix qu’elle y ressentait, libérée de sa routine quotidienne, et pouvait « méditer sur la beauté qui m’entourait ».
Pour la majorité des élèves, ces dix jours représentaient la plus longue période passée loin de leur famille, et pour Chaharizade et Fahta, la première fois. Ils ont expliqué que leurs parents se sentaient en sécurité en sachant où et avec qui leurs enfants voyageaient, en partie grâce à la communication quotidienne via le groupe WhatsApp créé par les quatre professeurs accompagnants. « Nous dormions dans des dortoirs, ce que nous n’avions jamais fait auparavant », décrit le deuxième. « On ne se connaissait pas tous avant ce voyage scolaire, il a donc fallu apprendre à s’entendre. C’était une leçon sur la façon de mieux vivre ensemble. » « Mon colocataire ronflait et mettait son réveil à fond ! », s’en amuse aujourd’hui Youssouf, tandis que de nouvelles amitiés se sont nouées « pour la vie », constate Chaharizade. Sourds et muets, Abdel Roihim et Oumouniya ont ainsi été pleinement été intégrés au groupe durant ce voyage de dix jours. « Nous sommes devenus une grande famille », remarque chaleureusement Abdel. Farchi continue en décrivant les quatre enseignants (Manon Jouas, Lionel Ussereau, David Guillet-Jones et Mélinda Soós) comme « des mères et des pères de substitution ».
« Je ne suis plus la même personne »
De cette aventure, Toiendhoiti estime « avoir vu et appris de nouvelles choses qui m’ont marqué. J’ai fait des choses comme le ski parce que mes professeurs croyaient en moi ». Émue aux larmes, Toymina remercie Manon Jouas et Lionel Ussereau de « lui avoir donné cette opportunité que je n’aurais jamais imaginé avoir un jour et que je n’oublierai jamais ». Marlèze, également émue, raconte : « Grâce à cette expérience, je sais qu’avec des efforts, je peux tout faire ». « Je ne suis plus la même personne qu’avant », poursuit Chaharizade, une fois de retour à Mayotte. « Je me sens plus forte ». Tous pensent avoir gagné en confiance en eux grâce au séjour en métropole.
Le dimanche 11 février, les élèves et les enseignants ont reçu un accueil royal de la part des parents à Dzaoudzi et Mamoudzou, qui attendaient depuis 4 heures du matin avec guirlandes de fleurs et coffrets à bijoux. « Je ne m’attendais pas qu’un jour ma fille puisse faire un voyage comme celui-là. Peut-être il y aura beaucoup d’enfants qui peuvent mourir sans avoir été là-bas. C’est une chance que ma fille a déjà eue, j’en suis très heureux, très content jusqu’à maintenant. Ce voyage m’a touché au fond du cœur », apprécie le père de Toiendhoiti.
Du côté des adolescents, il n’y a pas que le froid qui les a marqués, il y a aussi les mentalités. « En métropole, les gens ne disent pas bonjour. Ils ne te voient pas », note Abdillah. Youssouf a été frappé par le comportement des passagers du métro parisien : « Je pensais qu’ils me parleraient, tout comme les gens le font ici. Mais ils se sont contentés de regarder leur téléphone et m’ont ignoré ». « À Mayotte, les gens vous regardent dans les yeux et vous disent bonjour et caribou », continue Hadayita. Assoiffée, Emma avait demandé de l’eau à un inconnu lors de la visite de la Tour Eiffel. « L’homme a dit non ! À Mayotte, vous pouvez demander de la nourriture, de l’eau ou de l’aide à n’importe qui. C’est ça la communauté, et nous avons de la chance de l’avoir. »
« Je ne suis plus non plus la même personne », analyse Youssouf. « Je sais maintenant oser ! ». Et si on lui proposait à nouveau de la tartiflette ? « Hé ! Je refuserais poliment ! ».