« Ce qui émerge est un besoin de soutien psychologique »

Bruno Bonnefoy est responsable régional écosystème zone océan Indien à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN). Sa structure tente de répondre au besoin de ses adhérents ainsi qu’aux enjeux éducatifs de Mayotte dans un contexte post-cyclone Chido. Interview.

Flash Infos : Comment vos locaux ont été touchés par le cyclone ? Quels sont les services que vous avez pu offrir à vos adhérents au lendemain de Chido ?

Bruno Bonnefoy : Notre agence a été peu impactée, mis à part le rideau métallique. Par chance, nous avons pu rouvrir très tôt et répondre physiquement à nos adhérents sur des questions d’aide financière, de soutien psychologique, de reprise pédagogique, notamment sur les changements d’académie des enfants, etc.

F.I. : Avez-vous pu déployer un accompagnement spécifique pour vos adhérents suite au cyclone ?

B.B. : Lorsqu’il y a des événements de ce type, qu’ils soient climatiques ou d’attentat, comme l’attaque sur Samuel Paty, nous avons un dispositif à la MGEN appelé « Auprès ». Il comprend du soutien psychologique et des aides financières. Deux jours après le cyclone, il a été déclenché, ce qui a donné lieu à l’ouverture d’une ligne téléphonique de soutien psychologique, disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nos adhérents peuvent s’entretenir à distance avec un psychologue. Ce dispositif va encore couvrir jusqu’au mois de mars. Même si culturellement le distanciel n’est pas idéal, nous avons fait venir des psychologues en présentiel, que nous avons prêtés au rectorat, financés par la MGEN, adhérents à la mutuelle ou non. Cela a permis au rectorat de déployer le dispositif auprès également des élèves.

F.I. : Plus de deux mois après le passage du cyclone, avez-vous remarqué une demande spécifique de la part de vos adhérents ? 

B.B. : Ce qui émerge de manière très importante est un besoin de soutien psychologique. Beaucoup étaient en action durant les premières semaines et n’ont pas pris le temps de s’interroger sur leur état psychique et leur santé mentale. Il y a autant d’enfants que d’adultes avec des troubles du sommeil, de l’humeur, etc. C’est ce qui ressort des semaines. La question de la santé mentale va devenir centrale à Mayotte. Mais au-delà des moyens financiers, trouver des psychologues qui veulent rester à Mayotte n’est pas évident.

F.I. : Que représente ce coup financier pour votre mutuelle ?

B.B. : La MGEN a mis sept millions d’euros sur la table pour l’ensemble des dispositifs suite au cyclone. Ce qui inclut des suspensions de cotisations pendant un mois, et pour certains, pendant deux mois. Un mois de cotisation sur Mayotte représente 800.000 euros. De même pour les impayés et les recouvrements qui aussi été suspendus. Il existe aussi un dispositif d’action sociale sans demande de justificatif : un montant de 1.000 euros est accordé sur simple déclaration. Deux mois après, nous commençons actuellement à demander davantage de justificatifs. Mais le ministère de l’Éducation nationale lui-même a souhaité donner 2.000 euros par agent. D’abord, c’était automatique pour tous les agents ayant un salaire inférieur à 448 euros. Suite aux protestations, le ministère a estimé ne pas avoir les compétences pour étudier ces demandes, et a donc transmis cette mission à la MGEN. Nous étions donc gestionnaires des demandes de prime de 2.000 euros, ce qui a créé une confusion entre les 1.000 euros de notre action sociale et les 2.000 euros dont nous étions les gestionnaires auprès de l’Éducation nationale.

F.I. : Quel dispositif avez-vous imaginé pour soutenir la scolarité des élèves mahorais ?

B.B. : Nous sommes à un stade de projet avancé qui n’a pas encore démarré. L’avantage de notre mutuelle, c’est que nous avons environ trois millions d’adhérents, et l’essentiel de nos adhérents sont des professeurs. Nous avons envoyé un message à l’ensemble expliquant que tous les élèves ont besoin de leur aide et leur demandant s’ils accepteraient de prendre en tutorat un élève de Mayotte. Le recteur est plutôt favorable à cette idée. Il a souhaité se concentrer sur les classes d’examen. Les élèves qui passeront le bac et les élèves en BTS sont donc concernés. Les listes de ces volontaires sont transmises aux lycées, aux chefs d’établissement ou aux professeurs principaux, assureront la mise en contact avec les élèves. Dans notre rêve le plus fou, nous souhaitons qu’un élève qui réussirait son bac et irait en métropole rencontre son tuteur, qui l’aiderait à se loger et l’appuyer dans ses démarches administratives diverses. Tous les feux sont au vert, le rectorat est favorable et les discussions sont en cours, mais ce n’est pas encore déployé. Nous espérons que cela sera mis en place à la prochaine rentrée scolaire.

Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.

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