Carla Baltus, présidente du Medef à Mayotte : “Il ne faut pas se le cacher, la reprise sera difficile”

Même avec la reprise progressive des activités dans le 101eme département, les entreprises risquent de se heurter à plusieurs obstacles. La perte des aides et les coûts supplémentaires, liés aux dépenses pour le respect des règles sanitaires, pourraient freiner la relance. La présidente du Medef à Mayotte soulève plusieurs points de vigilance. Entretien. 

Flash Infos : À Mayotte, passée en orange, la vie économique peut progressivement reprendre depuis ce mardi. À cette occasion, vous avez participé à une réunion avec le préfet. Quels sont les principaux points que vous avez abordés ? 

Carla Baltus : C’était en effet notre quatrième rencontre depuis le début du confinement et nous en avons profité pour balayer tous les sujets. D’abord, nous avons fait remontrer notre inquiétude au sujet de la fermeture de l’aéroport. C’est un véritable handicap, alors que les commerces ont rouvert progressivement depuis l’Aïd environ, et que nous avons des besoins de fret aérien. Nous devons aussi nous déplacer pour nos activités économiques. À ce sujet, le préfet va plutôt dans notre sens, même si nous sommes tous suspendus aux observations du comité de la santé, et à la décision au niveau national. Des dates ont commencé à être évoquées pour la reprise des vols commerciaux, mais rien n’est encore officiel malheureusement. Ensuite, notre deuxième préoccupation va à la réouverture des administrations. Beaucoup sont encore fermées, alors que nous en avons besoin pour des formalités, et pour préparer le rebond, notamment avec le plan de convergence. Il va vite falloir relancer les permis de construire, les bureaux d’étude, reprendre les grands projets et les chantiers, et pour cela, nous avons besoin des administrations, des mairies, de la Deal, des collectivités dans leur ensemble. Enfin, nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement vers la reprise, que ce soit au sujet des dispositifs d’aide déjà initiés ou encore des surcoûts liés aux nouvelles règles sanitaires. 

FI : Justement, depuis le 1er juin, le dispositif d’activité partielle a été revu : l’État et l’Unédic ne prendront plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié. La mesure s’appliquera-t-elle à Mayotte comme en métropole ? 

C. B. : Nous n’avions plus beaucoup de doute sur la décision, qui nous a en effet été confirmée mardi lors de cette réunion avec le préfet : tous les textes sont nationaux, et il en va de même pour l’activité partielle. Dès ce lundi, 15 % de l’indemnité revient donc à la charge des entreprises, à Mayotte exactement comme en métropole. C’est une façon de pousser les entreprises à remettre les salariés au travail. 

FI : Ouvrir peut donc être synonyme de perte des aides, de recettes moindres et de coûts supplémentaires pour assurer le respect des règles sanitaires… 

C. B. : Effectivement, de nombreux dispositifs de soutien s’arrêtent. C’est le cas notamment du report de charges. Mis à part pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration/tourisme qui vont pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année, tous les autres devront recommencer à payer leurs cotisations à partir du 15 juin. Et il faudra alors retourner négocier les échéanciers, car il apparaît que toutes les entreprises ne pourront pas bénéficier d’exonération. Les textes officiels ne sont d’ailleurs pas encore très clairs sur ce sujet. Heureusement, le conseil départemental commence à mettre en paiement les aides, et nous espérons que les entreprises vont pouvoir les toucher, même en retard. Cela ne sera pas de trop, car la reprise va aussi demander des investissements pour respecter les règles d’hygiène sanitaire. Nous risquons d’ailleurs d’avoir des problèmes d’approvisionnement en plexiglas par exemple, vu que l’aéroport est encore fermé. 

FI : Comment les entreprises vont-elles être accompagnées pour faire face à ces défis et réussir la relance ? 

C. B. : Il ne faut pas se le cacher, la reprise risque d’être compliquée. La préfecture est en train de voir comment coordonner tous ces sujets, et de notre côté au Medef, nous allons accompagner nos adhérents au mieux pour qu’ils puissent bénéficier de subventions, et réussir la reprise de leurs activités. Nous restons vigilants quant aux différents dispositifs. Nous avons d’ailleurs profité de cette réunion pour aborder aussi le sujet des aides de la Sécurité sociale pour les équipements de protection : l’Assurance maladie pourra prendre en charge 50 % des dépenses hors taxes, et ce jusqu’à 5.000 euros, ce n’est donc pas négligeable. Mais le problème, c’est que cette aide est conditionnée au document unique, le livret qui recense les risques liés aux activités d’une entreprise et les précautions qu’elle prend pour y faire face. Or beaucoup d’entreprises mahoraises n’ont pas ce document en leur possession, car il peut être assez lourd à mettre en place, jusqu’à 3.000 euros par entreprise, d’après certaines estimations. C’est un peu comme pour l’attestation fiscale, les aides pour les travailleurs indépendants, dont nous n’avons pas pu bénéficier à Mayotte car le statut n’existait pas encore, ou encore l’indemnisation des employés de maison en activité partielle. La volonté politique se heurte aux spécificités locales, et il est parfois difficile aux entreprises de se conformer à tous les prérequis pour obtenir les aides. 

Dernier point de vigilance, qui nous a été remonté par plusieurs entreprises et que nous relayons : beaucoup ont obtenu le prêt garanti par l’État (PGE). Le problème, c’est que les banques leur refusent désormais des emprunts, sous prétexte qu’elles sont surendettées. Résultat, certaines risquent de se retrouver coincées par ce crédit, destiné à payer les fournisseurs, à rembourser les dettes, alors qu’elles souhaiteraient se lancer sur de nouvelles opportunités de marché. Pour les petites et moyennes entreprises qui espéraient bénéficier du contrat de convergence, cela risque d’être un frein. La relance pourrait en pâtir…

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