Aurélien Siri : « Nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche »

Le directeur du centre universitaire de formation et de recherche, Aurélien Siri, a été entendu par la délégation d’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental pour préparer un futur projet de loi sur la recherche dans les territoires ultramarins. L’occasion pour lui de mettre en lumière les bons points de son établissement qui monte en compétence depuis sa création en 2011.

Flash Infos : Vendredi, vous êtes intervenu auprès de la délégation d’Outre-mer du CESE dans le cadre de la contribution à la saisine gouvernementale : « le projet de loi de programmation pluriannuel de la recherche 2021-2030 de la section des activités économiques. » En quoi cet entretien consistait-il ?

Aurélien Siri : Deux rapporteurs m’ont proposé cet entretien et m’ont interrogé sur l’Outre-mer, Mayotte et plus particulièrement le CUFR. Deux axes ont été abordés dans la discussion : « comment mieux inscrire les Outre-mer dans les priorités nationales de la recherche ? » et « comment territorialiser la recherche en Outre-mer en faisant ressortir des stratégies régionales, des financements orientés vers l’innovation en lien avec les besoins du territoire et une montée en puissance des incubateurs et des transferts de technologie ? » Dans ce cadre-là, j’ai expliqué que l’île aux parfums était face à une conjonction des risques (sanitaires, sismiques, cycloniques) et j’ai présenté le jeune établissement qu’est le centre universitaire et qui est en plein développement et en pleine croissance. Ce que ne sont pas les autres universités ultramarines, plus anciennes pour le coup. Au niveau des effectifs, nous avons un premier professeur des universités et trente-trois maîtres de conférence. En termes de recherche, nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière des autres territoires. J’ai insisté sur le fait qu’il fallait comparer ce qui est comparable.

FI : Vous qui êtes en poste depuis 2013, comment définiriez-vous la situation de la recherche au CUFR ?

A. S. : Nous lançons énormément de projets de recherche qui sont inscrits sur le territoire, puisque nous avons d’anciens chercheurs qui travaillent avec la DEAL, avec l’ARS, avec des organismes locaux. Et qui donc travaillent sur des thématiques locales, comme le changement climatique et ses implications, l’héritage culturel, les sociétés face aux risques, la mangrove, la modélisation de l’épidémie de Coronavirus, l’école, la littérature francophone de l’océan Indien… Beaucoup de recherches sont en cours grâce au recrutement d’enseignants chercheurs, qui sont ancrés au CUFR. Avant sa sortie de terre, certains venaient mais ils ne restaient pas ! Conséquence : ils faisaient de la recherche et partaient avec le produit de la recherche. Aujourd’hui, nous avons stabilisé la recherche à Mayotte grâce à d’anciens chercheurs qui sont devenus titulaires chez nous et qui effectuent de la recherche en lien avec les besoins, la dynamique et les enjeux du territoire. Pour aller encore plus loin, il faudrait créer une école doctorale et des laboratoires de recherche, car actuellement nos chercheurs sont rattachés à des établissements de l’Hexagone ou de La Réunion.

Nous avons essayé d’identifier ces leviers pour développer la recherche dans les territoires d’Outre-mer. Il faudrait aussi que le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation soutienne encore davantage les chercheurs en octroyant des bourses.

FI : Concrètement, si vos doléances sont écoutées, cela voudrait-il dire que le CUFR sera doté d’une manne financière supplémentaire pour assouvir vos besoins et vos demandes ?

A. S. : Tout d’abord, c’est toujours une bonne chose que nous puissions avoir un temps de parole pour expliquer les problématiques des Outre-mer, qui sont différentes de celles de la métropole. Après je ne sais pas si Mayotte aura un traitement particulier. Je n’en suis pas certain, car la teneur

des questions était assez générale. Il est encore trop tôt pour dire ce qui sera retenu de notre échange par rapport au futur projet de loi. Mais une chose est sure, c’était positif ! Par contre, j’en ai profité pour évoquer le projet de technopole, porté par la CCI et auquel le CUFR est intégré. Il va être un levier pour rapprocher la recherche et l’innovation. S’il y a un accompagnement du ministère, via cette loi qui prévoit des dispositions favorables aux Outre-mer, ce serait appréciable.

FI : Plus personnellement, comptez-vous vous rapprocher des parlementaires mahorais pour les inviter à appuyer, lors du débat de projet de loi, vos dires ?

A. S. : Régulièrement, je fais remonter à la tutelle du ministère des notes sur le CUFR pour détailler nos projets et nos sollicitations, dans le but de développer l’établissement. Quant aux parlementaires, il m’est arrivé d’échanger avec eux sur certains sujets. Ils sont donc au fait des problématiques rencontrées, mais aussi et surtout que le centre universitaire est un outil de réussite, tant sur le plan de la formation que de la recherche. C’est un instrument de développement du territoire ! En mars dernier, j’ai d’ailleurs défendu un projet d’avenir auprès du conseil départemental, c’est-à-dire un projet d’évolution institutionnelle pour que nous devenions une université de plein exercice. Les élus locaux savent qu’il faut défendre Mayotte pour que nous recevions les mêmes moyens que les autres territoires.

FI : Avec le rectorat, vous avez également une fenêtre de tir pour porter ensemble le territoire…

A. S. : Tout à fait, les axes de travail avec l’académie sont nombreux ! Nous travaillons en très bonne intelligence avec le rectorat pour mettre sur pied des projets communs, utiles pour le territoire. Le premier qui me vient à l’esprit est à la création en mai 2020 du Pôle étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pépite), qui arrive à fédérer le CUFR, le rectorat, la CCI, le Département et le groupement d’intérêt général formation continue et insertion professionnelle (GIP FCIP). Nous avons un travail collaboratif à effectuer entre tous ces partenaires pour faire monter en compétence la jeunesse.

FI : D’autant plus que le taux de réussite des néo-bacheliers partis en métropole s’avère des plus bas. Et que les diplômés reviennent très rarement à Mayotte. Quelle est la stratégie pour les inciter à entreprendre sur le territoire ?

A. S. : Quand nous nous déplaçons dans les lycées pour promouvoir le CUFR, nous indiquons que le taux de réussite des étudiants qui s’inscrivent en première année chez nous est meilleur que quand ils partent étudier en Hexagone : plus de 25% contre 10%. Alors, qu’est-ce qui l’explique ? L’encadrement du corps enseignant bien évidemment mais aussi la proximité avec la famille qui empêche les difficultés sociales et administratives qu’ils peuvent rencontrer en métropole. Nous les encourageons à rester en leur faisant comprendre qu’ils réussiront mieux ici. Pour cela, nous avons installé un pôle culturel, un pôle réussite étudiante… Ensuite, il y a la problématique de ceux qui partent et qui souhaiteraient revenir. Pour faciliter ces retours, la préfecture a mis en place le dispositif Cadres d’avenir. En contrepartie d’un soutien financier, la personne formée s’engage à rentrer sur le territoire. Il faudra analyser à terme s’il est efficace car c’est un procédé qui met du temps à avoir des retombées !

Après ce qui peut être gagnant, c’est le master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) que nous avons instauré en partenariat avec le rectorat et l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation de La Réunion pour le premier degré. Nous formons des professeurs des écoles à Mayotte qui ensuite rejoignent les rangs de l’académie pour faire monter en compétence les enseignants du territoire. En deux années, nous avons titularisé 247 fonctionnaires stagiaires. C’est très fort parce que ce sont des jeunes mahorais, titulaires de bac+3, qui réussissent le concours CRPE et qui intègrent cette formation en deux ans. Et prochainement, nous allons proposer le master MEEF pour le second degré !

En clair, vous comprenez bien que nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche. Les deux sont liées, les deux s’enrichissent.

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