Le rapport sur le futur schéma pour les zones d’activité économique, qui doit guider l’implantation des entreprises dans le département, a été présenté ce mercredi à la mairie de Mamoudzou. Si la surface nécessaire est disponible en termes géographiques ou d’accessibilité, demeure encore la question foncière, sur un territoire qui a besoin de se développer rapidement.
Le constat est presque optimiste. Au vu des projections basées sur la décennie passée (2010-2019) où seuls quatre hectares ont été utilisés pour construire des locaux, le développement de l’activité privée à Mayotte nécessitera entre 45 et 60 hectares de foncier sur les dix prochaines années. Soit entre 4 et 6 hectares par an. Et le foncier est suffisant, à première vue ! “Bien sûr, si le boom économique de l’île devait être multiplié par dix, cela changerait peut-être la donne”, fait bien de préciser David Sarrazin, directeur associé chez AID Observatoire, le bureau d’études retenu par le conseil départemental et l’EPFAM en mai 2020 pour lancer la révision du schéma ZAE (zone d’activité économique), vieux de près de 10 ans.
“Ce schéma est important, car une fois qu’il sera réalisé, il pourra donner une vision prospective afin de renforcer le tissu économique du territoire”, rappelle Bibi Chanfi, la vice-présidente chargée du développement économique et de la coopération décentralisée au Département. Plus précisément, ce document a pour objectifs : de définir le potentiel foncier et immobilier existant ou à créer ; de quantifier les demandes d’installations de locaux auprès des EPCI et des communes ; de déterminer les besoins des entreprises en matière de foncier et d’immobilier ; d’observer les possibilités de diversification et spécialisation des activités ; et enfin de permettre aux élus de définir les stratégies de développement et de création d’activités en lien avec les ressources du territoire. Ce mercredi, le bureau d’études présentait les conclusions de son rapport à la mairie de la commune chef-lieu, devant les collectivités et les services de l’État.
Des zones potentielles à court et moyen terme
La bonne nouvelle ? Environ 100 hectares ont déjà été identifiés comme pouvant être mobilisés pour les zones d’activité économique (ZAE) à court et moyen terme. À court terme, il s’agit des zones d’activité existantes qui peuvent être optimisées, comme par exemple à Kawéni ou Longoni. Au sujet de la zone Nel, espace essentiellement privé, “se pose la question de la gestion urbaine des espaces publics, avec une requalification et remise à niveau de la qualité de l’ouvrage. Il faut que Mamoudzou et la Cadema se positionnent de manière beaucoup plus forte”, indique le bureau d’études. Sans compter l’enjeu que feront peser dans les années à venir les contraintes environnementales et la montée des eaux. Les terrains disponibles à moyen renvoient quant à eux aux ZAE “à confirmer”, selon la catégorisation des experts, c’est-à-dire celles où des freins restent à lever comme l’accès au foncier. D’autres ZAE sont enfin “à réinterroger”, car les transformations à entreprendre pour devenir un lieu d’accompagnement économique semblent incompressibles dans le délai de 10 ans propre à ce schéma directeur.
Des freins géographiques
Pour mener à bien son rapport, le bureau d’études a identifié les besoins des intercommunalités et des entreprises du 101ème département, puis a travaillé à des modèles de projection, en prenant en compte les évolutions réglementaires en matière d’urbanisme, la formalisation de l’économie informelle, mais aussi l’environnement, à savoir “des contextes topographiques et géographiques qui conditionnent la faisabilité des ZAE”. “En regardant les PLU, on se rend compte qu’il y a un volume de foncier assez important à vocation économique, mais dans des espaces qui ne sont pas les plus propices pour le développement d’activités”, déroule David Sarrazin. Comprendre : pour prévoir d’implanter une zone économique mieux vaut déjà avoir une route pour y accéder…
Dispatchées sur le territoire, ces ZAE doivent aussi permettre de désengorger Mamoudzou, avec notamment un projet à Ironi Bé (8.6 hectares), à Chirongui (1.7 hectare), à Malamani (18 hectares), aux Badamiers en Petite-Terre (10 hectares)… Pas assez, selon certains des élus présents ce mercredi. “Il y a des zones qui sont exclues alors même que nous, élus, nous y tenons pour développer notre territoire : du côté ouest à Mtsangamouji, Acoua, Mtsamboro, il n’y a aucune projection d’effectuée”, grommelle le président de la communauté de communes du centre ouest, Saïd Maanrifa Ibrahima, qui prêche pour sa paroisse.
Un enjeu d’attractivité pour les entreprises extérieures
Même son de cloche pour le maire de Koungou, Assani Saindou Bamcolo, qui aimerait bien voir une ZAE au carrefour de Dzoumogné. Problème : le curseur a plutôt été placé sur Mitséni, hameau occupé par des familles. De quoi remettre sur le tapis l’épineuse question des querelles foncières, trop peu abordée, selon le premier magistrat de la commune du nord, dans la présentation du jour. “Moi, j’ai un petit terrain à Koungou où j’essaie de faire un équipement pour occuper les jeunes, et on n’arrive pas à débloquer la situation, alors sur un terrain de plusieurs hectares, je n’imagine même pas !”, s’agace-t-il. “C’est le projet qui fera Mayotte et pas l’opportunité foncière qui fera Mayotte”, répond, philosophe, Yves-Michel Daunar, le directeur de l’EPFAM. Bien dit ! Pas sûr toutefois que les porteurs de projet voient les choses du même œil, après plusieurs mois de tentatives infructueuses. “Nous avons interrogé des grands groupes de l’océan Indien et du monde : certains ont essayé de s’implanter à Mayotte, mais ont renoncé”, glisse à ce sujet l’un des membres du bureau d’études. Nos voisins de Madagascar ou de La Réunion s’étaient montrés plus véloces…