L’Institut national de la statistique et des études économiques a dévoilé l’enquête emploi du 2ème trimestre 2020 à Mayotte. Alors que 3.000 personnes ont perdu leur emploi sur la période, le chômage, lui, a baissé de deux points. Des chiffres en trompe-l’œil qui peuvent se justifier par les conséquences du premier confinement. Explications.
C’est à s’en taper la tête contre le mur… D’un côté, l’Institut national de la statistique et des études économiques annonçait jeudi dernier que 3.000 personnes – principalement les 30-49 ans, les femmes et les natifs de l’étranger – avaient perdu leur emploi au cours du 2ème trimestre 2020. De l’autre, que le chômage avait baissé pour atteindre 28%, soit deux points de moins qu’un an plus tôt. Deux fractions qui s’expliquent par un dénominateur commun : le confinement mis en place lors de la première vague ! « La crise sanitaire a mis un coup d’arrêt après les mouvements sociaux en 2018 », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de Mayotte.
Sur la période en question dans le 101ème département, 49.000 actifs occupaient un emploi au sens du Bureau international du travail, c’est-à-dire qu’ils avaient effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence. Avec l’arrivée du Covid-19 sur l’île aux parfums, « les femmes de ménage, les jardiniers, les maçons pour un particulier et les non-salariés » n’ont pas pu bénéficier autant des dispositifs d’activité partielle que les salariés en entreprise ou des autorisations d’absence en vigueur dans la fonction publique et se sont donc retrouvés privés de revenu.
La subtilité du halo autour du chômage
Dans le même temps, les données recueillies ont fait état d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi pour se stabiliser à 54.000, soit 35% de la population en âge de travailler. « Mais cela ne traduit pas une amélioration du marché du travail. » Une raison simple justifie cette diminution : la réduction des recherches actives d’emploi, notamment dans les secteurs d’activité à l’arrêt. En effet, difficile dans les conditions du confinement, qui « a été plus long que dans les autres territoires français », de remplir l’un des trois critères pour être considéré comme un chômeur. Ils étaient 35.000 dans ce cas de figure. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon de l’Insee, le halo autour du chômage, qui « a augmenté de manière conséquente ». À cela s’ajoutent les 53.000 personnes qui ne souhaitent pas du tout travailler, soit 34% des plus de 15 ans. En augmentation de trois points par rapport à 2019.
Toutes ces subtilités de l’enquête 2020, « réalisée dans des conditions sanitaires compliquées », ont pu biaiser les résultats. Il est fort à penser que la prochaine étude, qui a débuté le 1er mars, pourrait rebattre les cartes. « Nous pourrons avoir une nette évolution quand nous sortirons du confinement et de la crise. Nous espérons que l’emploi va repartir à la hausse », a conclu avec un brin d’optimisme Bertrand Aumand.
Précisions sur les termes techniques employés
Personne en emploi au sens du BIT : personne ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence, ou absente de son emploi sous certaines conditions de motif (congés annuels, maladie, maternité, chômage partiel (ou technique), etc.) et de durée.
Chômeur au sens du BIT : personne âgée de 15 ans ou plus qui est sans emploi la semaine de référence, qui est disponible pour travailler dans les deux semaines à venir, qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.
Personne active au sens du BIT : personne en emploi ou au chômage.
Taux d’emploi : rapport entre le nombre de personnes en emploi et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Taux d’activité : rapport entre le nombre de personnes actives et la population en âge de travailler (15-64 ans).
Halo autour du chômage : personnes sans emploi qui ont effectué une démarche active de recherche d’emploi mais ne sont pas disponibles pour travailler dans les deux semaines à venir ; personnes qui n’ont pas effectué de démarche active de recherche, mais souhaitent un emploi et sont disponibles pour travailler ; personnes qui souhaitent un emploi, mais n’ont pas effectué de démarche active de recherche et ne sont pas disponibles pour travailler.
Deux fois moins d’enquêtés en raison de la crise sanitaire
La collecte de l’enquête Emploi à Mayotte a lieu chaque année au 2ème trimestre depuis 2013. Menée du 2 mars au 6 juillet, la collecte 2020 a été affectée à double titre par la crise sanitaire. D’une part, la situation des personnes sur le marché du travail a été marquée par le confinement généralisé de la population du 17 mars au 25 mai. D’autre part, les interrogations en face-à-face ont été suspendues dès le 11 mars. « Seules les interrogations au téléphone ont été réalisées auprès des ménages qui avaient déjà répondu à l’enquête l’année précédente. Ces conditions de collecte dégradées se sont traduites par des répondants deux fois moins nombreux : 1.100 ménages au lieu des 2.200 habituels », a précisé Bertrand Aumand, le chef du service régional de l’Insee. Les méthodes de redressement permettent néanmoins d’obtenir des données qui restent représentatives de l’ensemble de la population. En revanche, elles ne permettent pas d’estimer aussi finement qu’à l’habitude la situation sur le marché du travail par sous-populations (par sexe, âge ou lieu de naissance). L’intervalle de confiance du taux de chômage de Mayotte est quant à lui plus large qu’à l’ordinaire, de l’ordre de trois points.