Pour une fin de vie et des finances dignes

Si les personnes âgées se retrouvent sans aucun revenu lorsqu’elles n’ont pas la nationalité française, les retraités français de Mayotte ne sont pas beaucoup mieux lotis. Entre dévalorisation des minima sociaux français et absence de certaines allocations, le troisième âge mahorais se retrouve dans une situation de survie ou de dépendance vis-à-vis de sa famille.

Il faut le dire d’emblée : il n’est pas plus difficile pour une coco ou un bacoco de trouver du travail à Mayotte que dans le reste de la France. Cependant, beaucoup moins de personnes âgées ont droit à la retraite qu’en métropole, et le fait qu’environ deux tiers des entreprises mahoraises soient informelles cantonne les travailleurs du troisième âge à de faibles revenus et aux petits boulots. C’est le cas de Mhoma Ali, quinquagénaire du sud de l’île. Faisant renouveler sa carte de séjour depuis 1995, année de son arrivée à Mayotte, le vieil homme n’a désormais pas le droit aux aides, puisqu’il n’a pas la nationalité française. « Dès  lors que j’ai eu mes papiers français, j’ai cherché du travail dans n’importe quel domaine, mais en vain, déplore-t-il. J’ai donc toujours été au chômage. » Pour vivre, ou plutôt survivre, Mhoma enchaîne les petits boulots pour autrui : « J’effectue quelques bricoles, retouches de chaussures, des commissions à la campagne. Cela me permet d’avoir juste de quoi manger ». Loin d’être le seul dans cette situation, le grand-père du sud pense que « le travail n’a pas d’âge », ce qui devrait conforter notre président de la République dans son idée d’un âge de départ à la retraite repoussé à 65 ans.

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Minima sociaux, misère maximum

pour-une-fin-de-vie-et-des-finances-dignesBien que Mayotte soit le 101ème département français, les prestations sociales dont bénéficient ses habitants semblent d’un autre pays, au point que les personnes âgées doivent parfois travailler, à l’instar de leurs semblables états-uniens. Au sujet du troisième âge, justement, l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie et ancienne allocation aux personnes âgées) est de 20,12 euros par heure en France, en moyenne. La même allocation à Mayotte – arrivée seulement en 2015 – ne s’élève qu’à 16,92 euros par heure. Même si quelques départements d’hexagone sont encore moins bien lotis, l’île au lagon fait partie du wagon de fin, sans compter que très peu de personnes éligibles bénéficient de ces aides. « Quand on regarde bien, les dispositifs destinés aux personnes âgées peuvent très rapidement se résumer à l’APAet l’ASPA, alors qu’il existe d’autres aides en métropole », déplore El-Mahamoudou Chaib, président de l’association Msanga Mayotte. Il y a déjà quinze ans, en 2007, 70% des retraités mahorais avaient des revenus inférieurs au SMIC, la majorité d’entre eux ne percevant que la somme ridicule de 300 euros tous les trois mois. « On nous a dit : construisez Mayotte avec la France, vous aurez un avenir meilleur. Cette vie meilleure, qui donc en bénéficie ? », demandait une personne âgée dans les colonnes de Mayotte Hebdo en décembre 2007.

« Aujourd’hui, c’est l’argent qui dirige ce monde, déplorait encore Hamada Ali, une quinquagénaire de Barakani. Je gagne 300 euros versés tous les trois mois. Avec les factures, les courses, comment voulez-vous que je vive ? » Même quand les Mahoraises et Mahorais ont droit aux allocations, en effet, « ces minima sociaux ne les aident qu’à survivre », témoigne El-Mahamoudou Chaib. L’acteur associatif ajoute que « ça ne suffit pas lorsque la personne est seule. Très souvent, elle a des connaissances, des enfants, qui viennent la soutenir financièrement au quotidien ». Et, si cette personne a la chance de pouvoir compter sur sa famille, elle se retrouve très vite face à un autre problème : l’entrave de ses proches à son indépendance. « À Mayotte, un senior se retrouve limité dans ses capacités et ses décisions de manière assez précoce, tout simplement parce que les traditions mahoraises ont tendance à surprotéger les personnes âgées », explicite le directeur de Msanga Mayotte.

Les retraites dans le viseur

Du côté des grands débats politiciens, c’est l’âge de départ à la retraite, grand thème des campagnes électorales en 2022, qui semble dicter la ligne de conduite à adopter quant au vieillissement de la population. Il faut dire que ce dernier est préoccupant, du point de vue des cotisations sociales reversées aux retraités. Dans les années 1970 et 1980, le ratio actif-retraité était de plus de 3 actifs pour 1 retraité. Aujourd’hui, il n’est plus que d’un 1,75 actif pour 1 retraité. Si l’on suit les projections de l’Insee, qui propose une population de plus de 73 millions de Français en 2060, ce ratio tomberait à 1,25 actif pour 1 retraité à la même échéance. Face à ces chiffres alarmants quoique semblant s’atténuer sur la durée, deux philosophies politiques se font face. La première d’entre elles souhaite repousser l’âge de départ à la retraite pour augmenter le nombre d’actifs, sans tenir compte du chômage. La seconde veut l’avancer, pour mettre les jeunes, plus touchés par le chômage, au travail, sans tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

Sur ce terrain, on pourrait penser que Mayotte se porte bien, puisque, même si les cotisations sociales sont moins élevées que dans le reste de la France, seules 5647 personnes mahoraises de plus de 60 ans touchaient des prestations sociales en 2019, selon les chiffres de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Ces quelques milliers de bénéficiaires ne représentent que 2,1% de la population. Néanmoins, leur nombre n’était que de 4736 en 2017, et va encore évoluer considérablement dans les prochaines années. La nécessité de mettre un œuvre un véritable schéma départemental de l’autonomie devient donc urgente, sans pour autant y brader la qualité de l’accompagnement de nos aînés. « On est encore très loin d’une prise en charge efficace des personnes âgées, les choses sont abordées de manière trop timide », tranche finalement El-Mahamoudou Chaib.

Retrouvez l’intégralité du dossier consacré au 3ème âge dans le numéro 999 de Mayotte Hebdo.

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