Transitaires, pilotes et entrepreneurs dénoncent une ribambelle de dysfonctionnements au sein du port de Longoni, comme des factures disproportionnées et des blocages de conteneurs. Pour les représentants de l’Union maritime, le coupable se nomme Ida Nel, la présidente de Mayotte Channel Gateway. Profondément agacés par la situation, ils promettent des actions fortes dans les prochains jours.
Têtes baissées et mines grises, les représentants de l’Union maritime descendent péniblement du premier étage du conseil départemental. « Au cours des trois derniers mois, nous avons demandé six entretiens avec le président. Nous n’avons toujours pas été reçus », s’agace Norbert Martinez, le président. Pas d’exception à la règle ce mardi 14 avril : transitaires, pilotes et entrepreneurs trouvent porte close au moment de se présenter devant le bureau de Soibahadine Ibrahim Ramadani.
Pourtant, le temps presse en cette veille de ramadan. En plus des « 24 ou 25 dysfonctionnements notoires, contraires au cahier des charges de la délégation de service public », la délégataire depuis septembre 2013, Ida Nel, empêche la sortie de 84 conteneurs depuis le début de la semaine, dont certains frigoréfiques avec des denrées périssables, de la société Somaco. « Elle les bloque à cause d’une ancienne créance de 2017, qu’elle ne veut pas traduire devant un expert ou un tribunal », s’insurge Sam Akbaraly, le gérant de la chaîne de grande distribution, qui conteste le montant réclamé. Pour faire court, pas de bras, pas de pas chocolat… « C’est de l’intimidation. Elle les livre, point. Et la justice règle ce différend », enrage de son côté Gilles Perzo, président de la station de pilotage du port de Longoni.
Un arrêté sans aucune existence légale
À cela s’ajoute l’éternel problème de la politique tarifaire « exorbitante » pratiquée par Mayotte Channel Gateway. Par le biais d’un arrêté relatif à la tarification de l’outillage public portuaire en date du 28 avril 2016. Problème, ce texte n’apparaît ni dans le recueil des actes administratifs du conseil départemental ni dans ceux de la préfecture. « Cet acte n’a pas été soumis en contrôle de légalité et n’a pas d’existence légale », peste Norbert Martinez. Et malgré une clause obligatoire lui interdisant de procéder à une quelconque augmentation des tarifs en échange d’une défiscalisation, Ida Nel n’en fait visiblement qu’à sa tête. « En 2015, nos membres étaient facturés 20 à 25.000 euros l’année pour une autorisation d’occupation temporaire. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à un peu moins de 50.000 euros par mois », donne pour autre exemple le président de l’Union maritime, dans le but de pointer du doigt « cette bêtise » générale. D’où le dépôt d’une dénonciation auprès du procureur de la République pour contester ces faits.
Un no man’s land juridique
« C’est une dictature inadmissible, c’est scandaleux », tempête Marc-Antoine Molès, le secrétaire du syndicat des transitaires. « Nous avons tous déjà fait l’objet de blocages pour des factures contestées par écrit. Dans la loi française, il y a un code des commerces qui gère les contentieux entre les entreprises. Sauf que le droit français n’est plus appliqué au port depuis sept ans. » Et les quelque 300 dépôts de plainte à la répression des fraudes en 2018 ne changent pas la donne. Idem pour l’autorité de concurrence. Dans ces conditions, le port peut se comparer à « un no man’s land juridique ». Ni plus ni moins.
Tout cela pour dénoncer « un vrai problème de gouvernance ». « Nous sommes passés à un stade où cette situation ne peut plus durer ! », clame haut et fort Norbert Martinez, comme pour renvoyer la balle au conseil départemental, jugé trop « laxiste » aux yeux de tous. Avant d’en remettre une couche sur Ida Nel. « Dans DSP, elle oublie le S et le P de service public. » Synonyme d’obligations de présenter des bilans et des statistiques, sous peine de sanctions financières. « Nous n’avons rien vu depuis 2018 », peste aussi Fahridine Mlanao dit Nass, le directeur d’exploitation chez Sodifram. Pour ce dernier, la collectivité doit prendre ses responsabilités et profiter de la demande de changement de statut du port de Longoni, désiré depuis près de quatre ans, pour évincer la patronne de MCG. « La CCI est parfaitement compétente et expérimentée pour [le] gérer », plaide pour sa part Gilles Perzo.
Des réponses fortes attendues par le Département
En attendant un mouvement des autorités locales ou de Paris, « c’est le citoyen qui paie les pots cassés ». « La souffrance des entreprises a des conséquences directes sur la vie chère. Les prix qui sont augmentés de manière intempestive et incontrôlée se répercutent sur les marchandises vendues », rajoute Fahridine Mlanao. La raison pour laquelle Norbert Martinez « attend une réponse immédiate ». Finalement reçue en fin de matinée par Mohamed Sidi, l’un des vice-présidents du Département, qui promet de transmettre ces doléances à Soibahadine Ibrahim Ramadani, la petite troupe prévient d’emblée : « Nous ne nous contenterons pas seulement de propos comme en 2017. »
En clair, elle exige « l’application pure et simple des règlements de la DSP », comme le précise Sam Akbaraly. Dans le cas contraire, « il y aura des actions fortes dans les prochains jours ». Premier élément de réponse ce jeudi de la première réunion de la commission financière mise en place en avril 2020 par l’ancien premier ministre, Édouard Philippe. À chaque jour suffit sa peine au port de Longoni !
« S’il veut ses conteneurs, qu’il paye ses dettes ! »
Joint par téléphone, Jacques-Martial Henry, le bras droit d’Ida Nel, ne mâche pas ses mots au moment de réagir aux dysfonctionnements mis en lumière par les représentants de l’Union maritime. « C’est une association bidon. Je les méprise, ce sont des vauriens », déblatère-t-il d’entrée. Avant de s’attaquer directement au directeur d’exploitation de Sodrifam, Fahridine Mlanao : « Dites-lui d’aller revendiquer aux Comores. Il ne veut pas que Mayotte se développe. » Précisant au passage que le groupe « doit plus de deux millions d’euros à MCG ». Une somme importante, nécessaire pour « investir et honorer les échéances bancaires ». Même son de cloche pour la Somaco, qui en prend également pour son grade. « [Sam Akbaraly] occupe un terrain au port. Il est le locataire et il ne veut pas payer ses loyers. Cela n’a rien à voir avec des tarifs portuaires. Soit dit en passant, la requête du Département par rapport aux tarifs a été rejetée par le tribunal. S’il veut ses conteneurs, qu’il paye ses dettes ! Ils sont comme ça les Indiens, ils veulent bouffer sans payer ! » Lunaire…