« Nous avons conscience qu’en outre-mer le transport aérien est un produit de première nécessité »

Ce mercredi 14 décembre, en fin d’après-midi, la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale s’est réunie pour une audition des responsables des compagnies aériennes desservant les territoires ultramarins. A l’étude : la question de la cherté des billets, particulièrement d’actualité en cette période de vacances scolaires. Si le cas de Mayotte n’a pas été disséqué en détails, les points discutés nous donnent des éléments de réponse pour comprendre l’augmentation des prix des billets observée ces dernières années.

Cher lecteur… Noël approche ! Que diriez-vous de profiter de l’ambiance des fêtes de fin d’année dans l’Hexagone ? De vous promener dans les marchés de Noël, de faire du shopping dans la capitale, ou peut-être tout simplement de rendre visite à des proches que vous n’avez pas vus depuis longtemps… Sachez que vous devrez débourser au minium 1.045,45 euros pour vous offrir ce plaisir – tarif observé sur le site de Corsair, pour un aller-retour Dzaoudzi-Paris, du 21 décembre au 3 janvier. Sur les mêmes dates, Air Austral propose un billet à … 2.470,43 euros. Dans l’autre sens (Paris-Dzaoudzi aller-retour), et sur les mêmes dates, le billet se négocie à partir de 929,60 euros avec un bagage en soute, toujours sur le site d’Air Austral. Pas donné ! Et le cas de Mayotte n’est pas isolé. Moetai Brotherson, député de la troisième circonscription de la Polynésie française et président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale réunie ce mercredi pour discuter de la tarification aérienne, rapporte des augmentations de prix bien supérieures à l’inflation dans la plupart des territoires ultramarins : 40 % de hausse pour la Guadeloupe entre novembre 2019 et novembre 2022, jusqu’à 62 % d’augmentation pour la Nouvelle-Calédonie sur la même période. « Doit-on y voir une volonté de maximiser le profit face à une clientèle captive bien obligée de payer le prix fort pour rentrer au pays ? », interroge-t-il sans ménagement. Pendant plus de deux heures, les représentants des compagnies aériennes tenteront de faire entrevoir au président Brotherson et aux autres élus ultramarins qui composent la délégation – sans Estelle Youssouffa – la « complexité de l’écosystème » dans lequel ils opèrent. Comprenez : pourquoi c’est cher.

Une hausse des prix multifactorielle

« Nous avons parfaitement conscience qu’en outre-mer, le transport aérien n’est pas un luxe, mais un produit de première nécessité, qui pèse lourd dans le budget des ménages », reconnaît Pascal de Izaguirre, président-directeur général de la compagnie Corsair, dont la desserte des départements et régions d’outre-mer (DROM) constitue 70 % du chiffre d’affaires. Il attire, à l’instar de ses pairs, l’attention sur trois points. D’une part, le prix des carburants a fortement augmenté. « En novembre 2022, nous avons payé 1.204 euros la tonne de pétrole, contre 630 euros il y a un an », rapporte-t-il. « Avant le Covid, le coût du carburant représentait 25 % de nos dépenses. Maintenant, c’est environ 40 % », abonde Joseph Brema, le PDG d’Air Austral, qui constate par ailleurs une disparité des prix dans les différents aéroports desservis. « Si on paye pour 100 euros de kérosène à Paris, on en paiera 110 à La Réunion et 156 à Mayotte ! » (N.D.L.R. Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, s’est engagé en novembre à mettre en place « une grille de remise sur le prix de base pour les compagnies aériennes principales ») Deuxièmement, la forte appréciation du dollar face à l’euro impacte également les coûts de maintenance. Enfin, les compagnies déplorent la hausse des redevances de navigation aérienne de survol : « 25 % en 2022. » « Croyez-bien que nous ne faisons que répercuter partiellement ces hausses, et que nous en absorbons une partie ! », plaide Pascal de Izaguirre. En bref, ça pourrait être encore pire !

Et ça le sera peut-être ! Nicolas Paulissen, délégué général de l’Union des aéroports français et francophones associés (UAF) attire l’attention sur un certain nombre de mesures fiscales qui pourraient faire encore augmenter le prix des billets sur les lignes ultramarines dans les années à venir. Tout d’abord : la taxe aéroportuaire, portée par le passager, n’a pu être collectée pendant la période de Covid. L’État a accordé des avances sur les recettes futures, qui seront remboursées à partir de 2024. Le délégué mentionne ensuite la fin de l’exonération des « taxes ETS » – mécanisme de compensation carbone – pour l’outre-mer, prévue en 2030.  « Tout cela aura un impact sur les billets d’avion », alerte-t-il.

« Le contexte présenté n’est pas vraiment pas simple… », tranche la sénatrice Catherine Conconne, rapporteur de la mission d’information sénatoriale sur la continuité territoriale qui débutera le 12 janvier 2023, et qui aura vocation à établir des propositions concrètes à soumettre au gouvernement – à commencer peut-être par des leviers pour faire baisser les prix des billets d’avions en outre-mer.

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