Trois mois après le passage du cyclone Chido, les entreprises peinent à relancer leurs activités. Entre le manque de recettes dû à la perte des outils de production dans la tempête, l’approvisionnement ralenti et les versements tardifs des aides de l’État, nombreuses sont aux abois.
Dans la rue du Commerce, à Mamoudzou, plusieurs toits sont encore abîmés trois mois après Chido, comme le symbole d’une économie qui peine à se remettre de la tempête. Parmi les locaux toujours à ciel ouvert, ceux de l’agence de communication Inadcom. Le vent et la pluie ont balayé tout son matériel informatique et son mobilier le 14 décembre dernier, soit 120.000 euros de dégâts, selon Zamir Saïd Ali, co-fondateur de l’entreprise. « Il y en a pour entre quatre et cinq mois de travaux », indique-t-il, ajoutant que l’assurance n’a proposé que 30.000 euros de dédommagement. Une situation qui a conduit à mettre les 17 salariés d’Inadcom au chômage technique, étant pour l’heure sans outil de travail. La situation était déjà compliquée avant Chido, car plusieurs collectivités avec qui l’agence travaillait étaient en retard dans leurs paiements. Cela a entrainé un retard dans celui des cotisations par l’entreprise, qui est par conséquent inéligible à l’aide de 20% du chiffre d’affaires mensuel de 2022 mise en place par l’État au lendemain du cyclone. « On n’a que touché une partie du chômage partiel », note Zamir Saïd Ali, qui est très inquiet pour l’avenir de la société qu’il a co-fondée en 2017, jugeant cette aide insuffisante. « On va dans le mur. […] On a de quoi encore tourner peut-être un mois. »
C’est sur la plage d’Hamjago, à M’tsamboro, qu’Halifa Massoundi avait l’habitude de donner rendez-vous à ses clients pour les sorties en bateau qu’il organise avec sa société fondée en 2022, Rand O Palma. Mais Chido a renversé son semi-rigide, endommageant le moteur. « Mon assurance ne prend pas en charge les dégâts », regrette celui qui a lancé une cagnotte pour réunir les 10.500 euros nécessaires à la réparation de son bateau. N’ayant pour l’instant reçu que 1.500 euros d’aide de la part de l’État, il s’est résolu à reprendre son ancien métier de moniteur de plongée afin avoir assez d’apport pour emprunter auprès d’une banque. « J’espère qu’on pourra repartir d’ici fin avril », souhaite l’entrepreneur.
« L’activité reprend plus lentement que ce qu’on aurait imaginé »
Aucun secteur n’a été épargné, même pas celui de la construction. Farrah Hafidou, à la tête de l’entreprise d’assistance de maîtrise d’ouvrage Idephi, a également vu son activité freiner. « Les maîtres d’ouvrage n’ont pas repris tout de suite. Les chantiers ont ralenti », explique celle qui estime que plusieurs mois vont être nécessaires pour reprendre un rythme normal. Elle reste néanmoins confiante au regard du travail qu’il va falloir fournir pour reconstruire l’île.
« L’activité reprend plus lentement que ce qu’on aurait imaginé », confie de son côté la vice-présidente de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mayotte Nadine Hafidou. Elle explique que 80% des entreprises ont été sinistrées par le cyclone et que beaucoup rencontrent des problèmes de trésorerie. Les compagnies étaient en effet déjà fragilisées avant Chido par les crises successives dues au Covid-19, à la sécheresse ou encore aux barrages en 2024. « On va crise sur crise sur crise. […] Dès qu’une entreprise commence à sortir la tête de l’eau, il y a un autre événement qui vient », constate Bibi Chanfi, conseillère départementale chargée du développement économique.
Des aides tardives de l’État
Si la perte des outils de production est le principal frein à la reprise de l’activité, l’approvisionnement ralenti pour faire venir le matériel de réparation et les marchandises à vendre joue également un rôle. « Le cyclone a aussi touché le port. […] Les conteneurs sortent, mais pas au rythme qu’on souhaiterait », décrit la conseillère départementale.
Les aides de l’État tardent, elles aussi, à arriver. « Pour tout ce qui est activité partielle, la quasi totalité des entreprises n’a pas été remboursée jusqu’à maintenant », affirme la vice-présidente de la CCI. Pour l’aide exceptionnelle de 20% du chiffre d’affaire, là aussi, les versements n’ont pas encore tous été fait. En attendant, les entreprises n’ont pas assez de trésorerie pour renouveler leurs outils de travail. Du côté du département, l’enveloppe annuelle prévue pour l’aide à l’investissement via un appel à projet s’est vue augmenter. De 3 millions d’euros, elle passe à 10 millions. De plus, toutes les entreprises touchées par Chido pourront prétendre à cette subvention, dans une limite de 50.000 euros, et non pas que les jeunes entreprises, comme prévu en temps normal. Mais il faut encore attendre que le budget soit voté par le conseil départemental à la fin du mois de mars pour que l’appel à projet soit lancé.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.