Ils étaient nombreux à s’être rendus à la chambre de commerce et d’industrie vendredi dernier. À tel point que la petite salle de réunion était trop exiguë pour accueillir tous ces patrons ou représentants d’entreprises inquiets après la révision des taux d’octroi de mer effectuée par le conseil départemental en décembre dernier. Cette dernière impose de nouveaux tarifs de la taxe par secteur d’activité. Des modifications opérées officiellement pour “maintenir un produit fiscal satisfaisant compte tenu des nécessités d’investissement dans les infrastructures publiques et des besoins du développement du territoire”. D’autres y voient une manière de pouvoir payer l’indexation des salaires des fonctionnaires ainsi qu’un moyen de combler son déficit d’environ 50 millions d’euros. Des allégations auxquelles le conseil départemental répond qu’il n’est pas le principal bénéficiaire des revenus de l’octroi de mer, 69 % étant versés en faveur des communes.
Le but de cette réunion était donc, d’informer ou de rappeler pour certains, la réglementation en vigueur sur le sujet. En préambule, le président de la CCI, Ali Hamid a répété “l’utilité” de l’impôt pour le développement de l’île bien qu’elle fasse “couler beaucoup d’encre”. S’il ne s’agit pas de la première révision “ni de la dernière”, Ali Hamid a aussi relativisé la nécessité de la taxe : “l’économie mahoraise est portée par les consommateurs et quand on tire trop sur la vache à lait, elle donne du sang”.
En résumé, à trop taxer les produits présents sur le marché mahorais, la consommation risque d’en pâtir. C’est face à ces inquiétudes que la douane a fait le point sur le système actuellement en place dans l’île. Le dispositif différentiel de taxation a été prolongé jusqu’en 2020 mais peut très bien disparaître à l’issue de cette période s’il n’est pas reconduit. Si certains secteurs jusque là étaient exonérés d’octroi de mer, ce n’est plus le cas en 2016 même pour certains producteurs locaux. C’est le cas du BTP par exemple.
L’entreprise IBS a constaté que ses produits comme le sable, le granulat ou les parpaings sont désormais taxés entre 10 et 30 % alors qu’ils bénéficiaient d’une exonération. L’entreprise va devoir répercuter cette imposition sur le prix de vente.
C’est donc, le consommateur qui voit ainsi son pouvoir d’achat s’amoindrir. En effet, les produits mahorais sont aussi pour certains assujettis à l’octroi de mer dit “interne” comme l’expliquait le directeur régional de la douane Denis Giligny.
Les nouveaux tarifs menacent l’approvisionnement de l’île en médicaments
Les médicaments sont aussi lourdement impactés. Leur taux est passé de 5 à 10 %. Les dispositifs médicaux eux ont basculé de 2,5 à 30 %. Problème, le prix des produits médicaux est fixé par l’État donc impossible pour les pharmaciens de répercuter le surcoût de l’octroi de mer sur le prix de vente. “Même si je licencie tout le monde (12 employés), je ne paie ni les loyers ni les cotisations sociales et même si je vends les voitures de fonction, je n’arriverai pas à couvrir l’octroi de mer”, explique Frédéric Turlan, grossiste répartiteur en pharmacie. Avec les nouveaux taux, sa coopérative devra s’affranchir de plus d’un million d’euros d’octroi de mer par an. Soucieux de l’avenir de son activité dans l’île, il a rapidement contacté les autorités locales et réussi à rencontrer le conseil départemental. “Il semble avoir compris notre inquiétude et nos contraintes. Ils doivent se réunir fin février pour délibérer sur de nouveaux taux donc on attend”, explique le pharmacien. Mais pour le moment, le compteur tourne avec 20 000 € de supplément d’octroi mer par mois et l’impossibilité d’espérer un effet rétroactif.
“Si on revient aux anciens taux fin avril, on aura un résultat nul et on ne pourra pas réinvestir. Pourtant j’en ai besoin pour les véhicules, les chambres froides, les bâtiments”, regrette le praticien avant d’ajouter : “moi, du travail j’en retrouve en métropole ce n’est pas un souci par contre le problème devient sanitaire à Mayotte, car certains médicaments pourraient venir à manquer si rien n’est fait, car on ne peut pas vendre des médicaments à perte même si on l’a déjà fait par le passé mais c’étaient des cas particuliers”.
Dans un autre registre, la taule ondulée produite localement est aussi l’objet de questionnement puisque son taux d’octroi de mer se trouve être supérieur à celui de son homologue importé, “21,5 % contre 20 %”, faisait remarquer un participant à la matinale. Le conseil départemental représenté par Hanfane Hafidhou en charge du service économique, expliquait régler ce problème au plus vite pour éviter que la production locale soit lésée. EDM , elle aussi présente à cette réunion, a quant à elle interpelé les conférenciers sur la hausse de cette même taxe sur l’électricité solaire. Une décision contradictoire par rapport aux volontés des élus territoriaux de favoriser les économies d’énergie. “Nous allons corriger le tir. Une réunion sera organisée dans ce sens au mois de février pour harmoniser ces taux”, se voulait rassurant Hanfane Hafidhou.
Néanmoins, les autorités rappellent que de nombreux producteurs locaux dans le domaine du tourisme, de l’industrie (hors BTP), de l’artisanat, de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la pêche et de l’aquaculture sont exonérés. De plus, d’autres exonérations sont possibles de la part du département par délibération. Elle peut concerner des marchandises ou des équipements utilisés pour les besoins de l’activité économique. Par exemple, il peut exonérer l’avitaillement des navires et aéronefs (avions, hélicoptères, etc.) et les carburants à usage professionnel ou encore les biens destinés à des personnes morales comme les associations, les centres de santé ou encore les services sociaux. Concernant les entreprises redevables de la taxe, si une nouvelle modification doit avoir lieu il s’agit de ne pas perdre de temps, car ces sociétés se voient déjà appliquer ces nouveaux taux. À peine votée il y a un mois, la nouvelle tarification pourrait donc déjà subir un amendement.
GD
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