La baisse de l’activité due aux mesures du confinement atteint 18% à Mayotte, soit deux fois moins qu’au niveau national. Mais avec un taux de chômage qui restait à 30% en début d’année, le 101ème département et ses demandeurs d’emploi risquent bien d’en sentir les effets sur le plus long terme.
Quatre. C’est le nombre de salariés du Caribou Hôtel dont le contrat est arrivé à terme pendant le confinement et qui n’ont pas été renouvelés. Certes, c’est peu face aux quelques 22.500 chômeurs à Mayotte au sens du Bureau international du travail (BIT), au second trimestre 2019. Avec 30% de taux de chômage, le 101ème département continuait, au début de l’année, de défier les statistiques nationales. Or, la crise liée aux mesures de confinement pour prévenir la propagation du coronavirus ne risque pas d’arranger les choses. “La personne qui ose vous dire qu’elle compte garder ses CDD, c’est Pinocchio ! Non, c’est malheureux, mais les entreprises aujourd’hui ne peuvent pas se permettre de refaire des contrats, alors que nous n’avons pas de visibilité à deux jours”, grince Bruno Garcia, le gérant de l’hôtel bien connu de la place Mariage.
Pourtant, une note de l’Insee publiée le 7 mai dernier aurait pu rassurer sur l’impact économique immédiat de la crise du Covid-19 à Mayotte. D’après l’institut statistique, la chute de l’activité sur l’île a été limitée à 18%, contre 33% au niveau national. Une “bonne” nouvelle, qui s’explique surtout par la place de l’emploi public dans les administrations, encore prépondérant à ce jour. “Le fait que le secteur public soit aussi important n’est pas une bonne chose en soi, cela signifie surtout que le secteur privé, lui, est encore peu développé”, tempère Jamel Mekkaoui, le chef de service Insee à Mayotte. Le secteur public, plutôt épargné en temps de crise, brouille donc un peu les chiffres. Alors qu’en se concentrant sur le secteur marchand, les conséquences de la crise dans notre bout de pays rejoint la situation nationale. Ainsi, deux secteurs très porteurs subissent de plein fouet la crise : le bâtiment, qui représente à lui seul un quart de la chute d’activité, et le commerce non-alimentaire.
Chômage partiel et contrats courts
Pour évaluer l’impact de cette baisse d’activité sur l’emploi, et donc sur le nombre de chômeurs à terme, c’est une autre paire de manche. “Il y a la conséquence à court terme, que l’on peut mesurer avec le recours au chômage partiel, et les conséquences à moyen et long terme, qui dépendront de la reprise de l’activité”, poursuit Jamel Mekkaoui. Or, ce sont déjà 12.500 salariés qui ont été placés sous ce dispositif… Mais il n’est pas certain qu’ils puissent tous rester en poste longtemps après la crise. “Ces chiffres ne représentent pas vraiment la réalité car des personnes peuvent avoir vu leur contrat se terminer sans qu’on leur propose de renouvellement à cause de la crise”, précise le responsable. Et si l’on se base sur les chiffres de l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale),
publiés dans une étude de la Dieccte en mai 2019, sur l’ensemble du marché du travail, les CDD représentaient 72% des embauches en 2017. Le gérant du Caribou Hôtel pourrait bien ne pas être le seul à avoir renoncé à renouveler ces contrats.
Pour déterminer l’impact à long terme, il faudra néanmoins attendre les résultats de l’enquête en cours de l’Insee, qui permettra d’analyser l’évolution du taux de chômage rétrospectivement. Côté BTP, secteur porteur pour l’île, on sauve en tout cas les meubles, pour l’instant. “Nous avons pu maintenir l’emploi grâce à l’activité partielle”, assure Julian Champiat, le président de la FMBTP, la Fédération mahoraise du bâtiment et travaux publics. “Aujourd’hui, grâce au guide de bonnes pratiques sur les chantiers, environ 40% de nos entreprises ont pu reprendre de l’activité, avec 50% d’efficience”. Mais même si aucun adhérent n’a pour l’instant évoqué de licenciements, “il faut revenir vite à 80% d’efficience pour éviter que des salariés ou des intérimaires souffrent de la crise”, développe-t-il.
Baisse des inscriptions à Pôle Emploi
Jean-Christophe Baklouti, le directeur régional de Pôle Emploi à Mayotte, partage son analyse : “Certes, le BTP, par exemple, a pas mal souffert de la crise, mais on peut espérer que le chômage partiel a bien fonctionné”. Pour l’instant, d’ailleurs, le nombre d’inscriptions à Pôle Emploi a plutôt chuté ces dernières semaines, à l’en croire. Une situation qui s’explique avant tout par la fermeture des agences sur l’île, qui ne réouvriront qu’une semaine minimum après la date officielle du déconfinement (l’accueil se fera uniquement sur rendez-vous). “Nos services sont dématérialisés, or le taux de pénétration d’Internet dans les foyers mahorais est d’à peine 35%”, analyse-t-il. “On s’attend donc à une hausse des inscriptions après le confinement, auxquelles s’ajouteront peut-être les inscriptions liées à l’impact économique : fermetures d’entreprises, plan de licenciement, etc.”. S’il faudra attendre quelques mois pour tirer des conclusions pour le chômage, un autre indicateur peut toutefois illustrer la tendance sur le marché du travail : “nous avons constaté que bon nombre d’offres d’emploi qui avaient été déposées avant le confinement ont depuis été retirées par les recruteurs”, signale Jean-Christophe Baklouti.
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