« Mayotte est une terre de biodiversité qui structure sa filière cosmétique »

Président de l’entreprise de production d’ylang-ylang Neosent et du cluster cosmétique de Mayotte, Kassim Fidaly participe au salon Cosmetic 360. L’évènement, qui se tient à Paris du 16 au 17 octobre, est l’occasion de parler du marché de la cosmétique mahoraise qui s’organise, sans quitter des yeux les enjeux environnementaux.

Flash Infos : Le salon Cosmetic 360 fête ses dix ans et organise son édition autour de l’innovation. Pour la première fois, des entreprises mahoraises y participent. Quels sont les enjeux de l’événement ? 

Kassim Fidaly : C’est l’un des plus grands salons au monde qui réunit différentes entreprises de la cosmétique pour parler de leurs innovations et de leurs visions de la filière. Il y a un pavillon Outre-mer où nous avons la chance de représenter l’île avec quatre entreprises mahoraises : Kasalance, Moeva, Loa cosmetique et Neosent, mon entreprise. Le salon a fait le choix de mettre en avant les problématiques environnementales dans le domaine de la cosmétique. Et les outre-mer ont de l’expérience et des innovations à proposer.

F.I. : Vous pensez à quelles problématiques ?

K.F. : Nous sommes des territoires insulaires, où les ressources comme le bois sont très limitées. Par exemple, pour produire deux kilogrammes d’huile essentielle d’ylang-ylang, il faut près d’une tonne de bois et quarante mètres-cube d’eau. Aujourd’hui, Mayotte ne peut pas s’en sortir. Déjà, on a des coupures d’eau. Ensuite, il faudrait des quantités de bois astronomiques que l’on n’a pas, pour lancer une filière. Donc il faudrait maîtriser l’eau, une denrée déjà rare, et l’énergie soit le bois, qui deviendra bientôt elle aussi une denrée rare. Alors certains essaient d’innover. Mon entreprise propose un procédé de distillation innovant, en apportant de l’énergie solaire, en recyclant les eaux de refroidissements nécessaires à la distillation (pour ne pas déverser l’eau chaude dans la nature) et les déchets. Tout ça pour justement préserver la biodiversité. De plus en plus, des parfumeries tiennent compte des empreintes carbones dans leurs procédés, compositions, emballages. J’aimerais retrouver ça à Mayotte. L’environnement nous préoccupe sur l’île, mais il manque des actes.

Là, je suis en France métropolitaine pour me rendre au salon, et je vois l’étendue des terres. Un espace dont on ne dispose pas sur l’île, et je me dis que nous n’avons pas encore les mêmes priorités que dans l’Hexagone. Une entreprise qui réussit en outre-mer aura surmonté de nombreux obstacles et pourra, selon moi, s’implanter en métropole. L’objectif, c’est donc de dire que Mayotte est une terre de biodiversité qui structure peu à peu sa filière cosmétique.

F.I. : Pourquoi est-ce important de participer à cet événement en tant qu’entreprise mahoraise ? 

K.F. : Déjà, pour gagner en visibilité auprès d’acteurs nationaux et internationaux, puisque le salon est un évènement mondial. Donner aussi une meilleure image de Mayotte pour mettre en avant les beaux projets qui se lancent. C’est aussi un moyen de montrer au conseil départemental de Mayotte et à l’Agence de développement et d’innovation à Mayotte (Adim) que nos projets, dont celui de Neosent, ont une réelle crédibilité. Je ne parviens pas à trouver du foncier depuis 2021. Et avec mon activité, louer un terrain sur 25 ans pour y installer notamment des panneaux solaires, c’est impensable. Ils peuvent agir pour justement aider les entreprises du cluster cosmétique, à outrepasser certaines difficultés, même si l’Adim nous épaule déjà beaucoup. C’est elle qui nous a inscrit au salon et a financé une partie du voyage.

F.I. : Vous êtes président du cluster cosmétique de Mayotte. A quoi sert ce dispositif ?

K.F. : Aujourd’hui, plus de 80% de la cosmétique mahoraise n’est pas réglementée. Au sein du cluster, on aimerait que ça change. Il a été créé en même que d’autres clusters en 2021 pour canaliser les activités économiques de l’île. On propose de former nos adhérents aux réglementations, par exemple à l’étiquetage des produits. On aide aussi à la montée en compétences, à comprendre les enjeux environnement. Nous comptons pour l’instant une dizaine de membres. Nos adhérents, qui représentent presque toute la chaîne de valeurs sont de très petites structures et ont souvent besoin d’un coup de pouce. On centralise les acteurs, mais aussi les financements. Tout ça pour sublimer les cosmétiques mahorais qui ont tout le savoir. Notre projet, c’est de créer d’ici deux ans un atelier de transformation collectif pour permettre aux petites entreprises d’avoir des locaux aux normes et sains pour préparer leurs produits en toute tranquillité.

Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.

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