Crise de l’eau, barrages, insécurité, plusieurs facteurs ont des conséquences sur l’économie mahoraise. Le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, a écrit un courrier à la ministre déléguée aux Outremer, pour lui faire part de plusieurs idées de relance économique… qui impliquent que l’État mette la main à la poche.
D’abord le diagnostic. « Mayotte se caractérise par l’absence d’atouts économiques significatifs, la faiblesse de la qualification de sa main d’œuvre, une immigration illégale insupportable, une délinquance violente juvénile massive, une dépendance de son économie à la dépense publique, à l’importation, à la consommation tirée par l’emploi public », constate la mairie de Mamoudzou dans un document intitulé : « Relancer l’économie à Mayotte : propositions d’un train de mesures économiques en marge du Ciom (N.D.L.R. comité interministériel des Outremer) ». Le texte, « nourri par des échanges avec des chefs d’entreprises installés dans la commune de Mamoudzou, les instances œuvrant pour le développement économique (Medef, CPME, Umih, CCIM, etc…) », a été envoyé à Marie Guévenoux, ministre chargée des Outremer. « Je suis convaincu que la mise en œuvre de ces recommandations contribuera de manière significative à la relance économique de Mayotte tout en renforçant sa compétitivité et sa résilience à long terme », espère Ambdilwahedou Soumaïla, le maire du chef-lieu mahorais, dans le courrier accompagnant le document transmis au gouvernement. Ce dernier met en exergue la dépendance des collectivités locales à l’octroi de mer, tout comme le poids de l’économie informelle (deux entreprises sur trois à Mayotte) ou les nombreuses sociétés qui ne s’acquittent pas de leurs cotisations sociales.
Développer la zone franche
Six axes sont retenus pour aider le tissu économique local. La plupart sont des propositions déjà existantes. Comme faire de Mayotte une zone franche. En réalité, et comme le rappelle le texte, le département l’est déjà en partie, avec un défaut relevé : « une série de secteurs d’activités dont notamment les secteurs du commerce, des cafés, débits de tabac, de boisson, de la restauration, la navigation de croisière, la réparation automobile, les activités de loisirs, sportives et culturelles, etc. continuent à être expressément écartées du dispositif de faveur fiscale ». La mairie milite donc pour que tout le monde soit sur le même pied d’égalité, avec en plus une zone franche globale de l’activité où il n’y aurait ni cotisations ni contributions sociales. Au moins pour un temps, car le texte milite pour une exonération totale de 2024 à 2027, puis un abattement dégressif (80% en 2028, 60% en 2029 et 40% en 2030). Cela permettrait « d’améliorer la compétitivité des entreprises », réduire le secteur informel, ne pas pénaliser le secteur privé qui peine à se montrer attractif avec les crises successives, et même de rehausser le Smic mahorais au niveau du métropolitain. « L’instauration de la zone franche globale neutralisera en effet la charge financière supplémentaire que l’augmentation désirable et nécessaire du Smic provoque », expliquent les rédacteurs.
L’État à la rescousse
Pas de cotisations, ni contributions sociales, un Smic similaire à la métropole, qui paierait alors ? C’est la troisième recommandation qui nous donne la réponse. Les auteurs du document voient dans le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) la solution pour éviter que ce soient les entreprises qui paient l’addition. « Le taux du CICE, en regard de la situation de Mayotte, pourrait donc être provisoirement et significativement remonté à Mayotte, par exemple à 12%, en complément du dispositif quinquennal d’exonération des charges sociales, qu’il viendrait ainsi utilement doper », estiment-ils, relevant que le CICE ne coûte à Mayotte que « huit millions d’euros seulement ». Le dispositif suivrait un destin parallèle à l’abattement mentionné précédemment puisqu’il serait prorogé « jusqu’en 2020 ». Autre idée lancée pour aider les entreprises locales, résorber les délais de paiement des acheteurs publics. En clair, éviter que les collectivités locales ou l’État ne prennent trop de temps à payer des entreprises déjà fragilisées. « Le Medef milite en faveur de la subrogation des créances publiques », rappelle le texte, le système permettant à une institution de jouer les intermédiaires pour régler les entreprises d’un côté et attendre le financement public de l’autre. « Les créances (y) seraient garanties par l’État ». Pareil pour résorber la vie chère en diminuant l’octroi de mer (sixième recommandation). Cela ne pourrait se faire sans accompagnement « d’une subvention de l’État pour compenser la perte de revenus du Département (N.D.L.R. qui récupère un quart de l’octroi de mer habituellement) ».
Un grand programme d’infrastructures
On retrouve deux priorités de la Ville de Mamoudzou dans la quatrième recommandation, le sport et l’environnement. Sur un territoire où un habitant sur deux a moins de 18 ans, le manque criant d’équipements sportifs est ainsi préjudiciable. Mayotte serait ainsi « le territoire de la République le moins doté en installations sportives ». Là aussi, l’État serait amené à financer les investissements, tout comme les grandes infrastructures du territoire dans différents secteurs (transport, santé, environnement). « Relancer l’économie par la commande publique en investissant dans des équipements prioritaires est essentiel », défend la mairie de Mamoudzou.
Pas sûr que Bercy, qui cherche en ce moment à faire des économies, soit du même avis.