Les chefs d’entreprise encore réticents à investir

Depuis 2016, l’économie mahoraise est dans une période d’attentisme et peine à trouver des leviers sur lesquels s’appuyer afin de relancer l’activité et redonner confiance aux entreprises. Malgré une légère hausse des prix, la consommation des ménages demeure le seul relais dynamique d’activité. Au contraire du marché de l’emploi qui rompt avec la « formalisation » entamée ces dernières années, d’où la baisse du nombre de demandeurs d’emploi.

Un Haut conseil à la commande publique a été installé jeudi dernier avec l’ensemble des acteurs du département dans les locaux de la Société immobilière de Mayotte (Sim). L’occasion pour l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) d’exposer les tendances conjoncturelles de l’économie mahoraise de l’année 2018 et les perspectives d’avenir, notamment dans le secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP). D’après l’Institut, l’inflation de la consommation des ménages est restée modérée en 2018 (+0,3% en moyenne contre 0,9% l’année précédente). « La consommation des ménages est le pilier économique du modèle mahorais. C’est un modèle insulaire qui est fortement basé sur l’importation et la consommation« , explique Vincent Ternisien, économiste à l’Iedom. Les importations continuent donc d’augmenter fortement : +2,8% en 2018 après environ 7% en 2017. La consommation des ménages confirme ainsi sa place « prépondérante » comme motrice de l’activité économique de l’île aux parfums.

Les chefs d’entreprise dans l’incertitude

Outre la reprise modérée de la consommation des ménages, les chefs d’entreprise sont actuellement dans une logique de court terme en raison de la crise sociale du début d’année 2018. Cette tendance se traduit par une priorité des chefs d’entreprise à maintenir leur trésorerie « à des niveaux convenables« . « Ils évoluent dans la crainte permanente d’une nouvelle crise« , confirme l’économiste. Par conséquent, les chefs d’entreprise restent dans une logique d’attentisme et les investissements tournent au ralenti dans le département. « Ils sont plutôt optimistes pour investir mais attendent le bon moment« , croit savoir Vincent Ternisien.

Au niveau du secteur BTP – secteurs auquel l’Iedom porte une attention particulière – la plupart des chefs d’entreprise déplorent une situation financière « fragile« , notamment en raison d’importants délais de paiement. « Le délai de paiement est un facteur essentiel pour maintenir les trésoreries à des niveaux stables« , soutien le spécialiste de l’économie. Or, selon Vincent Delaître, chef d’agence à Colas Mayotte, les délais de paiement dans le BTP sont encore « beaucoup trop long« , avec plus de 120 jours d’attente en moyenne. Toutefois, « la situation financière des entreprises au quatrième trimestre 2018 a eu un léger sursaut. Cela se traduit par la mise en place du plan d’action du Département, du contrat de convergence et de la commande publique qui sont porteurs d’espoir« , se félicite l’Iedom.

Fin 2017, le secteur du BTP s’était appuyé sur une logique d’investissement privé. « Les entreprises considéraient qu’elles avaient les reins assez solides pour pouvoir investir dans les équipements. Or, cette tendance a changé puisque fin 2018, nous nous apercevons que le secteur du BTP s’est concentré sur l’investissement public. La commande publique, avec la consommation des ménages, est le principal pilier du modèle économique de Mayotte« . Les chefs d’entreprise sont donc « plutôt » optimistes sur les perspectives d’avenir du secteur de la construction sur le territoire mahorais, surtout si les enjeux de l’amélioration des délais de paiement et la stabilisation du climat social général finissent par être relevés. 

Baisse du nombre de demandeurs d’emploi  

L’Institut d’émission des départements d’outre-mer constate également « un rupture de la formalisation du marché de l’emploi« . En d’autres termes, l’Institut remarque une baisse de 7% du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A* en 2018. « C’est principalement du au fait que les demandeurs d’emploi n’ont pas renouvelé leur dossier à Pôle emploi« , assure Vincent Ternisien.

D’autres effets sont à noter, et notamment la fin du dispositif « Emploi aidé » qui permettaient à l’employeur de bénéficier d’aides financières à l’embauche et/ou d’exonération de charges sociales. Or, ce dispositif incitait les demandeurs à s’inscrire à Pôle emploi, selon l’économiste. Enfin, la dématérialisation des dossiers est aussi pointée du doigt. Sous l’effet d’une tendance globale, de nombreux services des administrations ne sont plus disponibles qu’en ligne. Pour autant, dans le 101ème département, la population n’est pas encore habituée à cette pratique. En effet, de nombreuses inégalités sociales, territoriales et générationnelles existent, qui viennent creuser un peu plus la fracture numérique dont pâtit déjà le territoire. Actuellement, plus de 18% des habitants auraient des difficultés d’accès à Internet.

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