Le conseil départemental vient de mettre sur pied sa propre plateforme en ligne, qui a reçu 40 demandes ou dossiers remplis le premier jour, pour proposer de nouvelles aides financières aux entreprises, frappées de plein fouet par la crise liée au Covid-19. Mais malgré tous les dispositifs lancés par l’État et les collectivités, les entreprises n’y trouvent pas toujours leurs comptes.
Délais interminables, lourdeurs administratives, pièces manquantes : Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hotel de Mamoudzou, est passé par toutes ces phases laborieuses dans ses tentatives pour accéder aux fameuses aides aux entreprises. À tel point qu’aujourd’hui, on lui diagnostiquerait presque une bonne vieille phobie administrative. Et tout ça, pour 1.000, 1.500, 2.000 euros ? “Clairement, j’ai perdu plus de temps à remplir des dossiers que je n’ai gagné d’argent”, s’agace le chef d’entreprise. Même si, il faut le dire, le patron a quand même réussi à tirer un peu son épingle du jeu ces derniers jours, en obtenant enfin le prêt garanti par l’État à la BFC, et une réponse positive à sa demande d’activité partielle. Mais il lui aura fallu batailler pendant au moins trois semaines pour se voir accorder ces aides, qui “vont tout juste couvrir les salaires”, maugrée-t-il. Alors, la nouvelle plateforme du conseil départemental, très peu pour lui. “Proposer 1.000 euros aux entreprises, c’est se moquer du monde”, abonde-t-il encore. “De quoi payer l’électricité et un quart de l’eau”.
Si le montant risque en effet d’en émouvoir plus d’un, ces nouvelles aides du conseil départemental ajoutent toutefois une nouvelle pierre à l’édifice. Elles doivent ainsi permettre aux entreprises de survivre à la crise économique qui se profile à cause du confinement. Décidés lors de l’assemblée plénière du 3 avril, ces dispositifs locaux viennent compléter et adapter à Mayotte, les mesures nationales que sont le PGE, le prêt garanti par l’État, et le fonds de solidarité qui permet en théorie d’octroyer une aide de 1.500 euros aux entrepreneurs. Dans les faits, peu d’entreprises mahoraises pouvaient bénéficier de ce fonds de solidarité, destiné aux entreprises qui emploient entre 1 et 10 salariés, car à Mayotte, beaucoup d’entre elles sont unipersonnelles. D’où la nécessité de créer “un fonds qui sera en mesure de répondre aux spécificités locales, notamment, les TPE et les micro-entreprises qui représentent 80 % du tissu local”, peut-on lire dans le règlement d’intervention publié par le conseil départemental.
Trois dispositifs en plus mais peu de budget
En tout ce sont donc trois dispositifs supplémentaires qui ont été mis en place par l’instance locale. Le fonds de solidarité complémentaire vient compléter l’aide de 1.500 euros prévue par l’État par une autre aide de 2.000 euros, cumulable, à destination elle aussi des très petites entreprises, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros. Près de 500 entreprises devraient être concernées par cette enveloppe de 1 million d’euros. Le fonds de soutien départemental s’adresse lui davantage aux entreprises qui ont moins d’un salarié, qui pourront bénéficier de cette aide locale de 1.000 euros, non cumulable avec la précédente, mais cumulable sous conditions au fonds de solidarité de l’État. L’enveloppe de 10 millions d’euros pourrait toucher quelque 10.000 entreprises. Enfin, un prêt d’honneur à taux zéro de 3 millions d’euros, pour un montant maximum de 30.000 euros par entreprise, devrait aider à reconstituer les trésoreries après le confinement.
Mais ces enveloppes pourraient malgré tout ne pas suffire à préserver le tissu économique local. “Vu la situation, je pense qu’au moins 40 à 45 % des entreprises vont fermer d’ici l’année prochaine”, présage Bruno Garcia, qui insiste sur les impacts à long terme pour les employeurs. Des aides
difficiles à obtenir, avec des budgets trop faibles, c’est aussi le constat que fait Bourahima Ali Ousseni, le président de la CPME qui représente les petites et moyennes entreprises de Mayotte. “Le prêt d’honneur c’est une bonne mesure, mais avec un budget alloué de 3 millions d’euros, il n’y a guère que cent entreprises qui vont pouvoir en bénéficier”, s’inquiète le représentant des entrepreneurs. “Sur le fonds de solidarité de l’État, les dernières demandes remontent à deux semaines et je ne crois pas que quiconque ait perçu un euro pour l’instant”, signale-t-il aussi. Du côté de la CCI et du conseil départemental, on plaide toutefois pour plus de patience. Avec les six dispositifs d’aides possibles, chaque entreprise doit pouvoir trouver une réponse adaptée à sa situation, “il faut juste que la machine se rôde”, justifie Zoubair Alonzo, directeur général de la CCI, la chambre de commerce et d’industrie qui gère la cellule d’urgence pour aiguiller les entrepreneurs dans leurs démarches.
Rentrer dans les clous de l’administration
Mais encore faut-il, pour cela, rentrer dans les clous de l’administration. Cette difficulté supplémentaire concerne beaucoup d’entreprises qui ne sont pas bancarisées, peu connues des services fiscaux ou ne savent pas où trouver les pièces justificatives à fournir. Sont notamment dans ce cas de figure les petits commerçants, ceux qui vendent sur les marchés de Mayotte, ou encore les chauffeurs de taxi (voir encadré). Pour ces situations assez spécifiques à Mayotte, il faut aller plus loin dans les dispositifs d’aide, juge Bourahima Ali Ousseni. “Toutes ces aides économiques s’adressent aux entreprises formelles”, met toutefois en garde le directeur de la CCI, en guise de réponse. “Le fonds de solidarité, nous l’avons simplifié au maximum, nous demandons juste une attestation sociale de 2018. Pas de 2019, ni de 2020, je ne peux pas croire qu’une entreprise formelle puisse avoir trois ans de retard dans sa régularisation”. Mais au cas où, Bourahima Ali Ousseni propose justement de profiter de cette crise pour accompagner ces personnes dans leur régularisation, “par exemple en proposant des chèques-conseils de 300, 500 euros pour les aider à mettre leur paperasserie à jour”, résume-t-il. Une façon de mieux s’armer, lorsqu’une autre crise viendra porter un nouveau coup dur à cette économie locale.
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