Désormais autorité de gestion, le Département de Mayotte va recevoir les personnes ou structures intéressées par le développement de projets à l’échelle régionale. Des accords avec les Comores, Madagascar et le Mozambique ont déjà été signés dans le cadre de ce programme opérationnel Interreg Canal du Mozambique VI. La Tanzanie et les Seychelles devraient suivre.
A quoi sert le PO du Canal du Mozambique ?
Mis en place par l’Union européenne, les programmes opérationnels (PO) interrégionaux permettent le financement de projets participant au développement d’une zone. Cela peut être autant d’un point de vue économique, social, culturel ou économique. Limités dans le temps – celui-ci est actif de 2021 à 2027 -, ils sont suivis par un comité de suivi composé du Département, de représentants des pays tiers, du Sgar (secrétariat aux affaires régionales). « Il y a aussi des acteurs socio-économiques, comme les chambres consulaires, le président des maires », liste Aina Salim, directrice de programmation et de la gestion des fonds européens.
Quels types de projets sont éligibles ?
Plusieurs priorités ont été définies. La première concerne davantage le développement économique et l’innovation, la deuxième se concentre sur l’environnement et les risques naturels. Deux autres englobent la santé, l’éducation, la culture, le tourisme, ainsi qu’une amélioration de la gouvernance Interreg. Plus concrètement, « ça peut être l’importation de viande bovine de Madagascar ou la création d’une compagnie maritime locale [un projet actuellement porté par la CCI de Mayotte] », donne comme exemple Pierre–Emmanuel Leclerc. Le directeur général Regio à la Commission européenne loue « l’énorme travail » du Département pour se préparer à remplir son nouveau rôle. Dans quelques semaines, les premiers porteurs de projet pourront passer la porte du Département.
Pourquoi le Département prend la gestion ?
La collectivité territoriale est de facto l’autorité de gestion, sauf si la compétence a été dévolue à un autre. Le PO V a vu sa gestion confiée aux services de la préfecture de Mayotte, avec des résultats mitigés (voir encadré). Cette fois-ci, le Département, qui en a la charge pour la première fois, s’est donné les moyens de remplir sa mission, sous la supervision de Pierre-Emmanuel Leclerc. Un service de treize personnes est en train d’être monté au sein de la direction Europe, dont huit sont déjà au travail.
De combien est l’enveloppe 2021-2027 ?
En tout, 10,2 millions d’euros sont à répartir entre les porteurs de projet. C’est un peu moins que les douze millions du précédent programme. La priorité faite à l’environnement et à la prévention des risques naturels est celle où le montant est plus important (quatre millions d’euros). Ce qui change aussi cette fois-ci, c’est que l’enveloppe est à la fois réduite et à partager à une plus grande échelle, car davantage de pays sont concernés.
Quels pays pourraient participer ?
C’est là l’une des difficultés du programme actuel, les relations avec les Comores ou Madagascar n’ont pas permis au programme d’atteindre une vitesse de croisière. Les deux ont tardé à signer des accords. Là, en plus des Comores (absentes de la conférence de presse à cause de l’opération Wuambushu) et Madagascar, Mozambique a déjà ratifié un accord. « On a reçu encore récemment une délégation tanzanienne et ils étaient intéressés. Pour les Seychelles, c’est en bonne voie », indique Zamimou Ahamadi, la vice-présidente du conseil départemental de Mayotte et présidente du comité de suivi.
En quoi Mayotte peut les intéresser ?
Des projets à l’échelle régionale participant au développement de leur économie, les pays voisins sont pour. Comme Madagascar, le Mozambique a de grandes surfaces disponibles pour des projets agricoles. Mario Saraiva Ngwenya, directeur de cabinet de Veronica Macamo, la ministre des Affaires étrangères du Mozambique, s’est d’ailleurs mué en commercial. « Vous me dites combien d’hectares vous voulez et je vois ça avec mon gouvernement », indique-t-il, le sourire aux lèvres.
« C’est une excellente opportunité. Ça va nous permettre de partager des opportunités d’investissement », juge-t-il, évoquant également des projets qui pourraient être intéressants s’ils concernent la culture et la biodiversité. « Ou de façon générale, tout ce qui touche au changement climatique. »
Et si les projets vont au-delà de la zone ?
C’est possible, car en parallèle du PO VI Canal du Mozambique, il y en a un autre à l’échelle de l’océan Indien. Mieux doté (63 millions d’euros), il intègre La Réunion, Maurice ou le Kenya par exemple. Le conseil régional de La Réunion le porte, mais les Mahorais peuvent y postuler (l’inverse est possible aussi). « C’est d’ailleurs pour ça que l’on a articulé notre programme avec celui de La Réunion », révèle Aina Salim, à quelques semaines du grand lancement.
« Un risque réel pour les futures programmations »
Alors que le programme opérationnel (2021-2027) sera supervisé par le Département, le dernier piloté par le secrétariat des affaires régionales suit son cours, difficilement cependant. Alors que la clôture des dossiers intervient le 31 décembre 2023, 71,2% des fonds sont programmés, mais surtout, 13% seulement ont été payés. Un retard important qui a poussé les services de l’État a demandé la fin des tout derniers paiements au mois de juin 2025, soit un an après la date prévue. Car un trop faible nombre de projets arrivant au bout peut avoir des conséquences. « Il y a un risque réel pour les futures programmations. On regarde forcément les résultats des programmations différentes », prévient Pierre-Emmanuel Leclerc, qui met la pression sur le Sgar pour tenter de rattraper le retard. Car, en clair, si l’enveloppe attribuée à Mayotte repart bien remplie, la prochaine pèsera forcément moins lourd.