Le manzaraka, ou grand mariage, est un passage obligatoire pour tout Mahorais souhaitant s’inscrire dans la tradition. Cette cérémonie peut facilement rassembler plus de 300 personnes : colliers de fleurs, mbiwi, mais surtout liasses de billets. Le manzaraka a un coût ! Alors, comment est-il financé ?
Minimum 20 000 euros, c’est le montant moyen que la mcharoussi (mariée en shimaoré) récolte lors d’un « bon » manzaraka. En ce qui concerne les frais liés au grand mariage à Mayotte, le chiffrage exact est quasi impossible à définir. Considérée comme la cérémonie phare du grand mariage, le manzaraka suscite des dépenses pharamineuses, tant au niveau des moyens mis en place (location des chapiteaux, repas, boissons etc.) qu’au niveau de l’argent dédié à la mariée durant les différentes danses. Les nouvelles générations de Mahorais y prennent part tant bien que mal, quitte à s’endetter.
Le prêt bancaire boudé au profit de divers microcrédits
Le cas de Nadia, 26 ans, enseignante originaire du sud de Mayotte est courant. La jeune femme a procédé au mafounguidzo (le mariage religieux) en 2015, mais a finalisé son union en célébrant le manzaraka l’été dernier. Avec un salaire de 2500 euros par mois, Nadia n’a pas souhaité contracté de prêt bancaire : ce n’était pas la solution patente pour l’enseignante, qui avait déjà un prêt de 30 000 euros à son actif, pour l’achat d’une voiture. « Grâce au chicoa (voir encadré), j’ai récolté 800 euros. J’ai également participé à un mtsango. Avec les jeunes de ma génération, on a chacun cotisé à hauteur de 20 euros par mois, j’ai pu en tirer 1300 euros », indique la jeune femme. En ce qui concerne les dépenses restantes, la famille est un pilier financier sur lequel la jeune femme a pu se reposer » Mon grand-frère a payé les deux zébus, 7000 euros. Mes deux autres frères ont chacun cotisé 1500 euros, ma grande-sœur a participé à l’achat des denrées alimentaires à hauteur de 1000 euros, mes deux autres sœurs ont chacune donné 500 euros ». La participation familiale n’étant toujours pas suffisante, Nadia a procédé à des crédits par-ci par-là : « J’ai dû faire des microcrédits auprès de différentes institutions, sinon je n’aurais pas pu financer les prestataires, les décorations, les cageots de boisson, etc. Tout cela m’a quand même coûté 20 000 euros. »
Le manzaraka et tout ce qui s’ensuit
« L’après manzaraka » est une partie à ne pas négliger. Après son grand mariage en août 2017, Saidati 26 ans, enseignante, a contracté un prêt d’un montant de 38 000 euros sur sept ans, auprès de la Bred afin d’achever les travaux de sa maison. Saidati gagne 2800 euros par mois et rembourse ainsi 500 euros par mois : « J’ai rempli le dossier pour la demande de prêt en mai 2007, et j’ai eu les sous en août 2017. Ma famille a financé le manzaraka, et moi je me suis occupée de l’autre partie : finir ma maison. » Elle poursuit : « Avec le chicoa, j’ai récolté 9000 euros, c’est ce budget qui a servi à financer mes déplacements en Chine et à Dubaï pour faire les achats d’ameublement de ma maison etc ». Et si aujourd’hui la jeune femme est incapable de chiffrer le montant total des dépenses liées au manzaraka, elle reste consternée quant aux frais qui en découlent « A l’issue du manzaraka, j’ai eu 30 000 euros mais le montant des dettes cumulées est tellement élevé qu’il ne reste plus rien pour moi ».
La tontine ou le moyen de financement traditionnel incontournable
La fameuse tontine reste un moyen de financement ancien mais toujours en vogue dans la société mahoraise. Cette association d’épargnants qui mettent en commun un certain montant permet une rentrée d’argent plus ou moins importante. C’est le cas du « chicoa » ou encore du « mtsango », qui connaissent un succès fulgurant au sein des familles mahoraises : après avoir cotisé une certaine somme par mois, chaque membre touche la somme totale chacun son tour.
Banques et prêts
Les grandes banques de l’île ne proposent pas de crédit spécifique au manzaraka. Le Crédit agricole et la BFC parlent de prêt lambda, soit un prêt à la consommation. En revanche, la BFC a révélé procéder à offres promotionnelles en amont, lorsque la période des manzaraka approche.
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