Évolutions macroéconomiques : les effets contrastés de la départementalisation

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’Agence française de développement (AFD) et l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom) ont diffusé ce lundi 26 septembre quatre publications pour relater les évolutions macroéconomiques de Mayotte, dix ans après la départementalisation. Une analyse réalisée dans le cadre du partenariat pour les Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer.

Depuis sa départementalisation en 2011, Mayotte fait face à de nombreuses mutations : forte croissance démographique, fiscalité, développement des emplois publics et du tissu productif, accès aux financements européens… Un ensemble d’indicateurs analysés dans le cadre du partenariat pour les Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer et présentés ce lundi 26 septembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’Agence française de développement et l’Institut d’émissions des départements d’Outre-mer pour « rendre l’image la plus complète des enjeux économiques du territoire ».

L’évolution macroéconomique

Premier élément : le produit intérieur brut augmente d’environ 7.5% chaque année entre 2011 et 2019, soit un rythme trois fois plus élevé que celui de la France, et s’établit à 2.660 millions d’euros. Alors oui, cette forte croissance permet à Mayotte de réduire progressivement l’écart de développement économique avec le niveau national, mais la convergence en matière d’activité économique ralentit depuis 2016.

Pour preuve, le PIB par habitant est 3.7 fois inférieur à la moyenne nationale. Ceci s’explique par un taux d’emploi deux fois plus faible… Seulement 32% des personnes âgées de 15 à 64 ans travaillent en 2021, contre 66% en Hexagone (voir plus bas). Si le revenu disponible s’élève à 7.200 euros, les inégalités se creusent lourdement ! Les 10% des Mahorais les plus aisés ont un niveau de vie plancher 6.8 fois supérieur au niveau de vie médian de la population en 2018.

Par ailleurs, le secteur public continue d’occuper une place prépondérante dans les richesses créées (62% du PIB en 2019). Heureusement, le tissu associatif se développe : la valeur ajoutée des sociétés marchandes est en hausse de 75% entre 2011 et 2019. Multiplié par sept sur la période, l’investissement des entreprises constitue un moteur important de la croissance économique, avec notamment une accélération depuis 2017 et le début de grands projets d’aménagement (agrandissement du port et de l’aéroport, nouveaux parcs de logements).

L’activité et le système bancaire

Les établissements de crédit installés localement dominent le marché bancaire mahorais et concentrent 81.8% du total des concours octroyés aux agents économiques. Sur le terrain, l’île aux parfums connaît une évolution lente en termes d’infrastructures, avec 39 guichets (un pour 7.635 habitants) et 74 distributeurs automatiques fin 2021.

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Les publications proposées par Loup Wolf, le directeur interrégional de l’Insee, et Ivan Postel-Vinay, le directeur de l’AFD, permettent d’analyser « dix ans d’indicateurs économiques ».

Depuis 2011, les Mahorais ont de plus en plus recours aux services bancaires. En témoignent l’ouverture de 60.000 nouveaux comptes en dix ans et le triplement du nombre de cartes bancaires (147.217 unités contre 56.232). Pour autant, la monnaie fiduciaire reste le moyen de paiement préférentiel : l’entrée et la sortie de billets aux guichets de l’Iedom explose (+81%).

Les crédits accordés aux entreprises, aux ménages et aux collectivités atteignent respectivement 601.9 millions, 582.8 millions et 210 millions d’euros en 2021. Petite particularité propre au 101ème département, les crédits à la consommation enregistrent des taux de croissance beaucoup plus élevés (jusqu’à +19.3% en 2016) que ceux des crédits immobiliers (le maximum à +10.1% en 2015).

Enfin, le nombre d’incidents de paiement diminue sensiblement sur la période (1.244 personnes interdites bancaires en 2021 contre 1.700 en 2011), malgré l’augmentation de la population bancarisée. Une succession de constats qui fait dire à Patrick Croissandeau, le directeur de l’Iedom, qu’il y a « une appropriation des systèmes et des outils » sur le territoire.

L’emploi et le chômage

En 2021, 51.500 personnes occupent un emploi au sens du Bureau international du travail, soit 17.600 de plus qu’en 2009. Un dynamisme porté par la fonction publique qui recense 21.491 agents au deuxième trimestre de l’an dernier. À titre d’exemple, le Département concentre plus de 40% de l’emploi territorial alors que la moyenne nationale se situe autour de 19%.

Avec pas moins de 3.700 emplois salariés créés entre 2017 et 2019, soit davantage qu’au cours des huit années précédentes (2.600), les entreprises du secteur privé prennent petit à petit le relais, même si elles n’embauchent à l’heure actuelle que 11% des habitants en âge de travailler.

Pour autant, le chômage atteint des scores vertigineux : 30% de la population active depuis 2016 (22.000). En 2021, le taux d’emploi des femmes de manière générale s’élève à 25% et celui des 15-29 ans à 14%. Fait inquiétant au vu de l’âge de la population, 25.000 jeunes ne sont ni en emploi ni en études ni en formation…

Les collectivités locales

« La départementalisation a rebattu les cartes de la fiscalité », indique Anne-Gaël Chapuis, la directrice adjointe de l’Agence française de développement. Pour rappel, l’application de la fiscalité de droit commun remonte au 1er janvier 2014. Une mise en place qui permet au secteur communal mahorais de voir ses recettes d’exploitation passer de 98 millions d’euros en 2011 à 247 millions d’euros en 2020 et ainsi disposer des mêmes ressources que ses homologues domiennes.

Par contre, le faible niveau de revenus de la population et l’existence d’un foncier coutumier collectif non formalisé freinent les rentrées fiscales du conseil départemental, qui s’accroissent progressivement depuis 2015. Non négligeable, le rendement de l’octroi de mer (une taxe prélevée à la fois sur les importations et exportations de marchandises et sur la production locale) s’avère deux fois inférieur à celui de la moyenne des départements et régions d’Outre-mer, en raison du pouvoir d’achat des Mahorais et du tissu économique local majoritairement constitué de petites entreprises informelles.

Si la masse salariale croit fortement (+8% de 2011 à 2020), sous l’effet conjugué de nombreux recrutements, des revalorisations salariales et de l’embauche de contractuels sur des fonctions d’encadrement ou en substitution d’emplois aidés, les collectivités territoriales font encore face à un déficit de cadres pour piloter les politiques publiques et superviser les agents de catégorie C.

Par ailleurs, elles investissement davantage depuis 2018 pour atteindre 203 millions d’euros deux ans plus tard. « Ça a pris un peu de temps », admet Anne-Gaël Chapuis. Un quart des dépenses communales (26%) porte sur la construction et la rénovation d’écoles primaires. Arrivent ensuite les routes (20%) et les équipements culturels, sociaux et sportifs ou les aménagements d’espaces publics (12%).

Pour tenter de rattraper leur retard structurel et d’accélérer les opérations d’investissement, les collectivités locales jouissent d’une plateforme d’ingénierie financière rattachée à la préfecture pour l’appui aux projets financés par l’État et d’un groupement d’intérêt public pour l’appui au montage, l’instruction et le suivi des projets soutenus par les fonds européens.

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