Ce mardi 13 avril se déroulait le comité de pilotage final de restitution de la stratégie de développement de l’économie bleue de Mayotte. Trois objectifs affichés, huit secteurs économiques concernés et 46 actions répertoriées résument les ambitions du conseil départemental. Pêle-mêle.
« Il faut qu’on se fixe un cap, une vision à long terme. » En ouverture ce mardi 13 avril du comité de pilotage final de restitution de la stratégie de développement de l’économie bleue de Mayotte, le 6ème vice-président du Département, Mohamed Sidi, ne cache pas ses attentes face à ce « sujet important pour le territoire ». Mais en l’absence d’une boule de cristal, difficile pour lui d’imaginer l’avenir, alors même que le schéma d’aménagement régional, pensé en 2016, peine encore à se concrétiser. “Et je ne suis pas Madame…” Irma ? Seule certitude aux yeux de l’élu : « Il faut profiter de cette richesse, qu’est le lagon. »
D’accord, mais comment ? Pas de voyante au bout du fil, mais Raphaëlle Lavenus, cheffe de projet pour BRL Ingénierie, société spécialiste en la matière, qui prend alors la parole. Premier enseignement, trois objectifs se dégagent de l’étude : « déterminer le poids de l’économie bleue à Mayotte à la fois à l’échelle territoriale et régionale » ; « co-construire une stratégie de développement opérationnelle à court et moyen terme » ; « définir un modèle de gouvernance pour favoriser sa visibilité et sa promotion ». Rien de bien sorcier ! Mais dans le détail, les grandes ambitions affichées dans huit secteurs économiques s’avèrent… ambitieuses, tout du moins sur le papier.
« Nous n’avons rien à envier »
Au cœur de l’un des plus beaux lagons du monde, le 101ème département se doit en premier lieu d’agir pour la protection de l’environnement et de limiter les pressions anthropiques. Mais aussi de devenir une terre d’innovation et un haut lieu de recherche d’intérêt planétaire. « Mayotte est en retard et est dépendante des missions extérieures », rappelle Youssouf Dahalani, l’un des membres techniques du groupe de travail. Exemple avec l’exploration du volcan sous-marin. « Nous n’avons rien à envier aux îles du bassin Indo-Pacifique. » En plus de la préservation des espèces protégées, du suivi des écosystèmes marins tropicaux et de la mangrove, ou encore du reboisement des bassins versants, reste la problématique de la gestion des déchets. « Il faut que tout le monde se courbe », insiste-t-il pour tenter de provoquer un électrochoc.
Comme tout territoire insulaire, Mayotte concentre un vivier important de pêcheurs, toujours bien loin des standards européens. « À ce stade, le secteur n’est pas attractif, malgré les mesures prises depuis les années 80 », regrette Youssouf Dahalani. Et surtout, il souffre du manque d’infrastructures – même si l’aménagement de sept halles de pêche est en cours de réalisation – et aussi de la concurrence de la part de Maurice et des Seychelles. « Au même titre que l’aéroport, nous avons besoin d’un port de pêche pour attirer les thoniers senneurs. » En attendant enfin une évolution structurelle, le stock de thons albacores fond comme neige au soleil. « Les eaux françaises sont une aire marine protégée. Au titre de l’environnement, la France peut prendre des mesures fortes », insiste Christophe Fontfreyde, le directeur du Parc naturel marin.
Et pour exporter l’effort de pêche vers le large, encore faut-il mettre aux normes les embarcations. À ce sujet-là, Charif Abdallah, le 1er vice-président de la CAPAM, dénonce l’immobilisme de l’Europe. « On parle de modernisation des outils de travail, mais jusqu’à maintenant, Bruxelles refuse de nous donner un avis favorable pour le renouvellement des flottes, en attendant de connaître nos ressources. » Dans ces conditions, impossible de rivaliser avec les mastodontes des pays voisins. Conséquence : « 80% des produits de mer consommés sont importés. »
Relancer la filière aquaculture
L’aquaculture, voilà un autre secteur porteur, pourtant disparu des radars depuis 2017 avec la fermeture d’Aquamay et de l’écloserie piscicole. En cause : l’arrivée tardive des « aides européennes promises en 2014 », regrette Youssouf Dahalani. Mais le Département ne s’avoue pas vaincu et mise sur une nouvelle structuration dans l’espoir d’atteindre une production de 500 tonnes en 2030, voire même de 1.000 tonnes en 2050. Pour cela, il faut « tirer les leçons des 20 dernières années et éviter de faire fuir des investisseurs potentiels ». « La filière doit être relancée, avec l’appui des politiques publiques. Tout doit découler de cela », martèle-t-il.
Autres thématiques évoquées pour développer l’économie bleue tant défendue et désirée par le conseil départemental : le tourisme, les activités portuaires avec un « hub secondaire », les transports maritimes, les énergies marines renouvelables comme la « géothermie » ou la « courantologie », le dessalement et les biotechnologies. Au total, pas moins de 46 actions plus ou moins concrètes répertorient la stratégie de demain. À charge maintenant pour l’instance de concertation, qui réunira les différentes acteurs du domaine maritime, de s’assurer de leurs exécutions.