Ivan Odonnat, président de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom), à gauche, a été présenté en début de conférence par Patrick Croissandeau, directeur de l’Iedom à Mayotte, à droite.

Ce lundi, le président de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom), Ivan Odonnat, était présent au lycée des Lumières, à Mamoudzou, pour tenir une conférence lors des Rencontres de la politique monétaire. La société filiale de la Banque de France tient en effet à rendre accessible les sujets monétaires au plus grand nombre, et en a profité pour expliquer les raisons du coût de vie élevé dans les départements d’Outre-mer.

Vulgariser la politique monétaire

Dans un contexte économique ayant connu des crises successives, entre la crise financière de 2008, la pandémie de Covid-19 ou encore la guerre en Ukraine, la Banque de France a initié en 2021 les Rencontres monétaires, afin d’aller au contact de la population et rendre accessible les enjeux économiques. Cette démarche s’est étendue aux départements d’Outre-mer, avec l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom), société filiale de la Banque de France, en 2023. « Sur les quinze dernières années, on a connu une succession de chocs sur le plan mondial. À la Banque de France, on s’est dit qu’il fallait qu’on explique et qu’on fasse comprendre la politique monétaire au public », développe le président de l’Iedom, Ivan Odonnat. Une démarche utile, au regard du micro-trottoir réalisé à Mayotte présenté au début de la conférence. Si tous les interrogés s’accordent à peu près pour dire que les prix augmentent sans cesse sur l’île, on constate bien que les raisons de cette augmentation sont finalement peu comprises. Face à ce tableau, l’Iedom se donne pour mot d’ordre de « communiquer et écouter » la population, et de mener un réel travail de pédagogie, comme à travers ces rencontres.

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Ivan Odonnat, président de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom), à gauche, a été présenté en début de conférence par Patrick Croissandeau, directeur de l’Iedom à Mayotte, à droite.

Une inflation en hausse à Mayotte

Le représentant de l’Iedom, après avoir replacé le contexte inflationniste sur le plan mondial, s’est concentré sur l’inflation à Mayotte. Il indique ainsi que les prix à la consommation sont en moyenne 10 % plus élevés sur l’île que dans l’Hexagone en 2022. Néanmoins, ce n’est pas le département d’Outre-mer le moins bien loti. Cette différence est de 16 % en Guadeloupe et de 14 % en Guyane et en Martinique. Elle est en revanche de 9 % à La Réunion. Quand on scrute les chiffres concernant le prix des produits alimentaires, l’inflation grandissante est cependant criante pour l’île aux parfums : si sur ces denrées, la différence de prix avec l’Hexagone était de 19 % en 2015, elle était de 30 % en 2022, selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Une augmentation qui s’explique par le contexte inflationniste général dû à la pandémie de Covid-19 en 2020 et à la guerre en Ukraine déclenchée en 2022 par l’invasion russe, qui a engendré, entre autres, une hausse des coûts des matières premières agricoles et des produits pétroliers pour l’ensemble du globe.

Une vie structurellement plus chère

Mais la vie chère n’est pas nouvelle en Outre-mer. Alors pourquoi ? C’est la question à laquelle Ivan Odonnat a essayé de répondre, en décrivant les facteurs structurels de ce coût de la vie particulièrement élevé hors Hexagone. Premièrement, ces territoires, tous insulaires sauf la Guyane, ont un marché étroit, c’est-à-dire que la petite taille de la population et donc du marché offre moins de possibilités de ventes aux producteurs, donc les prix restent élevés. « On pourrait, par exemple, réfléchir à étendre ces marchés avec de l’exportation au niveau régional », émet comme idée le représentant de l’institution financière. L’éloignement des ressources d’approvisionnement, forçant à une importation de beaucoup de produits, contribue également à maintenir des prix à un niveau élevé. Enfin, des facteurs comme la fiscalité (à Mayotte, l’octroi de mer) ou encore les risques environnementaux pèsent dans la balance. Le président de l’Iedom rappelle ainsi que les prix à La Réunion ont augmenté en début d’année à cause du passage du cyclone Belal.

Réduire les importations

Pour remédier à ces causes structurelles, quatre pistes de réflexion ont été présentées. Tout d’abord, il faut renforcer l’autonomie alimentaire en investissant dans l’agriculture et la transformation industrielle, pour réduire la chaîne d’approvisionnement et les importations. Il faudrait aussi améliorer la connexion des territoires d’Outre-mer aux routes maritimes en développant la coopération régionale. « D’autant plus que Mayotte, se trouvant dans le canal du Mozambique, a un atout extrêmement fort pour devenir une base pour les pays voisins », note le président de l’Iedom. Il ajoute qu’accélérer la transition énergétique est nécessaire, en profitant des atouts propres aux Outre-mer en matière d’énergies renouvelables. En effet, l’utilisation des énergies fossiles pour fabriquer de l’électricité, une pratique qui a augmenté ces vingt dernières années en Outre-mer au fur et à mesure qu’elle a diminué dans l’Hexagone, contribue à maintenir des prix à la consommation élevés. Pour l’institut, il est aussi absolument nécessaire de soutenir le développement du tissu entrepreneurial local, notamment industriel. Une dernière piste qui s’ajoute aux quatre précédentes serait de jouer sur la fiscalité, en réformant l’octroi de mer.

Cet impôt historique, qui date de l’époque coloniale, a initialement été mis en place pour favoriser la production locale. Or, aujourd’hui, il s’applique à tous les biens, même ceux qui ne sont pas produits localement.